Des dizaines de mains se sont élevées dans la foule massée à la Place Émilie-Gamelin ce soir : les mains de femmes victimes d'agression sexuelle qui en ont eu assez de se cacher. Malgré le froid glacial d'automne, environ 2000 manifestants de tout horizon se sont rassemblés ce soir à Montréal pour dénoncer la violence contre les femmes et la culture du viol.

Des rassemblements «Stop la culture du viol» se sont déroulés en parallèle dans plusieurs villes de la province ce soir, dont à Québec, Sherbrooke, Saguenay et Gatineau. Ce mouvement a pris de l'ampleur récemment dans la foulée des récentes allégations d'agressions sexuelles à l'endroit du député libéral Gerry Sklavounos et de la vague d'agressions sexuelles à l'Université Laval.

À Montréal, vers 18h, de nombreuses militantes, politiciennes et porte-parole de groupes féministes et autochtones ont pris la parole pendant une heure devant une foule énergique, à majorité féminine.

«Je voudrais remercier Alice Paquet. Merci pour le courage cette semaine ! Merci à toutes celles, qui avec leur témoignage, contribuent à rendre la culture du viol plus visible. [...] Cette culture du viol qui veut nous détruire, nous isoler, nous convaincre que nous sommes seules», a lancé sous les applaudissements de la foule Émilie Nicolas, présidente et cofondatrice de l'organisme Québec inclusif.

«Ce qu'on veut démontrer, c'est la grandeur du chantier à lancer et l'urgence d'agir en matière de violence faite aux femmes et aux victimes d'agressions sexuelles. [...] Les ressources manquent. Notre gouvernement a le devoir d'investir en prévention, en formation, en soutien au groupe communautaire», a déclaré la militante Natasha Kanapé Fontaine.

L' ex-journaliste montréalaise, Sue Montgomery, qui a lancé le mot-clic #BeenRapedNeverReported sur Twitter voulait envoyer un message au gouvernement : «On est en colère. Ça suffit ! Ça doit arrêter!». La militante s'est également adressée à la foule pour inviter les hommes à se joindre à ce «combat de société». «Une femme sur trois dans ce pays va vivre de la violence sexuelle pendant sa vie. C'est une épidémie! Et vous pouvez être sûr que si c'était un homme sur 3, le gouvernement agirait!», a-t-elle affirmé.

La présidente de l'organisme Femmes autochtones du Québec, Viviane Michel, s'est dite exaspérée que les femmes autochtones de Val d'Or qui ont dénoncé le comportement des policiers de la Sûreté de Québec dans un reportage de Radio-Canada soient discréditées. Elle a aussi dénoncé l'austérité budgétaire du gouvernement libéral. «Évidemment, des budgets doivent être données aux organismes qui aident les femmes, mais nous, les organismes de femmes avons été vraiment touchés lorsqu'il y a eu la crise [budgétaire] des gouvernements. Le viol, les agressions sexuelles, sont inacceptables !», a-t-elle lancé.

La militante Mélanie Lemay, une des instigatrices du mouvement Québec contre les violences sexuelles, lancé la semaine dernière, a déploré que les femmes victimes d'agressions sexuelles soient montrées du doigt quand elles ne portent pas plainte aux policiers. «La présomption d'innocence ne doit pas servir à cacher des gens qui sont des dangers pour nos communautés. C'est 4 à 8 % des hommes qui commettent 90% des agressions sexuelles. Est-ce qu'on peut finalement, quand quelqu'un a le courage de nommer le fait qu'elle a vécu une agression, s'attaquer à ça et non s'attaquer au fait: "elle es-tu allée voir la police ?"», s'est-elle insurgée.

«Non, c'est non», «Mon corps, mon choix», «Je ne suis pas ta soumise» : les messages inscrits sur les pancartes des protestataires étaient éloquents. Vers 19h, un groupe d'Autochtones a donné le coup d'envoi à la manifestation sur le boulevard de Maisonneuve. La foule s'est dirigée dans une ambiance festive jusqu'au centre-ville de Montréal, avant de conclure la marche vers 20h à la Place des festivals.