Un corridor ferroviaire exclusif pour des services passagers, prévu dans le cadre du projet Turcot, sera aménagé par le Canadien National (CN) aux frais du ministère des Transports du Québec (MTQ), même si les trains qui devaient y circuler passeront finalement ailleurs, pour desservir l'aéroport Trudeau et l'ouest de l'île de Montréal.

Cette emprise prévue à l'origine pour des trains de banlieue et pour le passage de la navette ferroviaire de l'aéroport longera les voies ferrées du CN, relocalisées dans la partie nord de l'ancienne gare de triage Turcot. Elle s'étendra sur environ sept kilomètres de long, à partir de la hauteur de la rue de Courcelle, dans l'arrondissement du Sud-Ouest, jusqu'au croisement du boulevard Sainte-Anne-de-Bellevue à Montréal-Ouest. Et elle sera assez large pour pouvoir accueillir deux voies ferrées parallèles.

Elle risque toutefois de demeurer inoccupée pendant de longues années si le Réseau électrique métropolitain (REM) de la Caisse de dépôt et placement du Québec annoncé le mois dernier est réalisé tel quel.

Le projet proposé par la filiale de la Caisse, CDPQ-Infra, prévoit que la future navette ferroviaire de l'aéroport et le train léger qui desservira l'Ouest-de-l'Îe vont emprunter un itinéraire complètement différent de celui envisagé, en 2010, quand cette emprise a été intégrée au vaste projet de reconstruction de l'échangeur Turcot.

«Le fait qu'il y ait un projet de train SLR entre l'aéroport et le centre-ville n'a aucun impact sur le projet Turcot», a affirmé une porte-parole du ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports, Sarah Bensadoun.

«Dans le cadre du projet Turcot, on réserve un espace pour le transport collectif. On pense à l'avenir, a-t-elle ajouté. Pour le moment, il n'y a pas d'autre projet confirmé» dans cette emprise réservée à des trains qui pourraient bien ne jamais passer.

PROMESSE-PHARE

Le projet Turcot est un vaste chantier de 3,7 milliards qui prévoit la reconstruction de quatre échangeurs autoroutiers où circulent quotidiennement plus de 300 000 véhicules. Les travaux doivent se poursuivre jusqu'en 2020 et s'étendront du tunnel Ville-Marie, aux portes du centre-ville de Montréal, aux limites de Lachine, et du quartier Notre-Dame-de-Grâce jusqu'au sud du canal de Lachine.

En 2013, le Ministère a signé une entente avec le CN pour déplacer les voies ferrées du transporteur qui traversent l'ensemble de ce chantier, afin de faire place aux nouvelles structures routières. Le nouveau corridor comptera cinq voies ferrées et sera construit dans la partie nord de l'ancienne gare de triage Turcot, entre l'autoroute 20 et la falaise Saint-Jacques. Un espace assez large pour y aménager deux voies ferrées supplémentaires, pour les trains de passagers, sera réservé au nord des voies du CN.

La création de cette emprise propre aux trains de passagers le long de l'autoroute 20 faisait partie des mesures-phares au chapitre des transports en commun présentées par le Ministère pour répondre aux dures critiques qui avaient accueilli les premières moutures du projet Turcot.

À l'époque, l'Agence métropolitaine de transport (AMT), un organisme provincial, prévoyait tripler le nombre des départs sur la ligne de train de banlieue Vaudreuil-Hudson et caressait l'idée de combiner ce «train de l'Ouest» à une desserte aéroportuaire. Le trajet devait emprunter le corridor ferroviaire qui longe l'autoroute 20 entre le centre-ville de la métropole et l'aéroport.

Le projet a échoué, pour de multiples motifs, notamment en raison du trafic élevé des trains de marchandises dans ce corridor ferroviaire et du manque d'espace disponible pour aménager des voies ferrées propres au transport des passagers.

CHANGEMENT DE TRACÉ

En 2015, le gouvernement du Québec a confié à la Caisse de dépôt et placement du Québec le mandat d'étudier la faisabilité des deux projets laissés en plan par l'AMT. Un an plus tard, à la surprise de beaucoup, CDPQ-Infra a choisi d'abandonner complètement le corridor de l'A20 et d'opter pour un tracé complètement différent.

Les trains légers du futur Réseau électrique métropolitain feront plutôt une longue boucle par le nord avant d'emprunter le tunnel du mont Royal, entre la municipalité de Mont-Royal et le centre-ville de la métropole. 

Ce changement de tracé fait en sorte que plus aucun train ne passera dans l'emprise réservée aux trains de passagers du projet Turcot, si le projet de CDPQ-Infra se réalise tel quel.

Le ministère des Transports a refusé de divulguer le coût de l'entente signée en 2013 avec le CN pour financer la construction du nouveau corridor ferroviaire. Le CN sera maître d'oeuvre des travaux, et la facture sera payée par le MTQ, puisque ce déplacement des voies ferrées a été rendu nécessaire par le projet de reconstruction de l'échangeur.

«Ce n'est pas un montant qu'on peut chiffrer parce qu'il fait partie du coût global du projet, soit 3,7 milliards, a expliqué Mme Bensadoun. Pour le projet Turcot, on ne chiffre pas le coût des différents lots», qui ne sont pas inclus dans le contrat de 1,5 milliard accordé au constructeur principal, KPH Turcot. Ces lots, pour lesquels les coûts demeurent secrets, totalisent plus de 1 milliard sur le budget global du projet.

Mme Bensadoun a indiqué qu'aucun coût ne peut être associé à l'emprise ferroviaire réservée aux transports en commun, puisque les voies ferrées et les équipements de voies ne seront pas installés par le CN.