L'aller-retour au travail par le futur pont Champlain pourrait coûter entre 26$ et 39$ par semaine aux Montréalais. C'est le montant que le gouvernement Harper devrait piger dans la poche des automobilistes afin d'absorber les coûts du nouveau pont, estime le directeur parlementaire du budget (DPB).

Le gouvernement conservateur n'a jamais précisé le montant du péage sur le futur pont, martelant simplement qu'il y en aura un.

Or, dans une étude rendue publique mercredi matin, le DPB, Jean-Denis Fréchette, estime que la tarification devra varier de 2,60$ à 3,90$ par passage pour récupérer les 3 à 5 milliards qui seront investis dans le superprojet.

Ces tarifs permettraient de couvrir les coûts de construction, d'exploitation et d'entretien du nouveau pont.

« C'est une étude extrêmement fouillée, de haut niveau, qui a demandé plusieurs mois de travail », a expliqué M. Fréchette en dévoilant son rapport mercredi.

Si le projet coûte 3 milliards, le péage devra coûter 2,60$ pour qu'Ottawa récupère son investissement, calcule le DPB. Dans un tel scénario, plus de 5500 véhicules - 3,4 % du total - bifurqueraient vers les ponts Mercier, Victoria, Jacques-Cartier ou Louis-Hippolyte-Lafontaine.

Avec une facture de 5 milliards, le péage coûterait 3,90$ et plus de 17 000 véhicules - 10,6 % des véhicules circulant sur le pont - prendraient le chemin des autres traversées du St-Laurent.

« Il ne faut pas s'étonner, note Jean-Denis Fréchette. À un moment donné, 3,90$ par passage pour des niveaux de revenus plus faibles, c'est un montant important. On parle quand même de 3,90$ dans chaque direction, ça devient un montant substantiel. »

Pour en arriver à ces estimations, le DPB a croisé des renseignements contenus dans l'Enquête origine-destination de l'Agence métropolitaine de transport, les données sur la circulation de Google Maps et des chiffres du recensement sur le revenu des ménages. Il a mis au point son propre modèle pour estimer l'impact du péage sur les revenus du gouvernement fédéral et sur la circulation.

L'enquête a été réalisée à la demande du député du Nouveau Parti démocratique, Hoang Mai.

Après le dévoilement du rapport, le chef néo-démocrate, Thomas Mulcair, a réitéré son opposition au péage et promis de l'abolir si son parti forme le gouvernement au terme des élections de 2015.

« Sous le NPD, il n'y aura pas de péage sur le pont Champlain, un point c'est tout », a promis M. Mulcair.

« Des familles qui ont pris la décision de s'établir en Montérégie sur la base du fait qu'il y avait un pont sans péage, a-t-il ajouté. Tout à coup, on est en train de changer la donne. C'est totalement injuste pour ces familles et pour les entreprises. »

Le chef libéral, Justin Trudeau, a sommé le gouvernement Harper de se montrer plus « transparent » quant à ses intentions sur le péage.

« C'est quoi le plan ? a-t-il demandé. C'est quoi l'impact sur les autres ponts ? C'est quoi leur plan pour le niveau de péage qui serait acceptable ? Et quel niveau de péage ils trouveraient acceptable pour le nouveau pont. »

Les conservateurs martèlent depuis 2011 que le remplacement du pont Champlain se réalisera en partenariat public-privé (PPP) et qu'il y aura un péage sur le nouveau pont.

Dans une déclaration écrite, le lieutenant du premier ministre au Québec, Denis Lebel, dit prendre connaissance du rapport du DPB « avec intérêt ». Bien qu'Ottawa campe ferme dans sa volonté de recourir à un PPP, le communiqué ne réitère pas celle d'imposer un péage.

« Le nouveau pont pour le Saint-Laurent sera construit en partenariat public-privé afin d'obtenir le meilleur résultat pour l'argent des contribuables canadiens et d'assurer que le projet sera livré à temps et à l'intérieur de son budget », peut-on lire.

Ni le porte-parole de M. Lebel, ni celui de M. Harper n'avaient rappelé La Presse pour expliquer cette omission au moment d'écrire ces lignes.

Les partis de l'opposition ne sont pas les seuls à dénoncer l'imposition d'un péage sur le futur pont. Le gouvernement Couillard à Québec, l'administration Coderre à Montréal et la totalité des villes de la Rive-Sud se sont opposés à la mesure au cours des derniers mois.