Un contrat à Beauregard Environnement, cette entreprise inscrite sur la liste noire de Montréal en raison de déversements de boues contaminées, a bien été accordé mardi soir à Laval pour effectuer le nettoyage de puisards d’égouts. L’administration Boyer réitère ne pas avoir le choix de procéder ainsi, mais les oppositions, elles, l’accusent d’avoir « perdu le contrôle dans ce dossier ».

« L’évolution de ce dossier est surprenante et particulièrement préoccupante. C’est vraiment un manque flagrant de sérieux et je considère que l’administration a perdu le contrôle dans ce dossier-là », a dénoncé mercredi la conseillère municipale de Saint-François et membre du parti Action Laval, Isabelle Piché.

La Ville avait dans un premier temps fait retirer l’octroi de l’ordre du jour, lors d’une séance du conseil municipal. Mardi soir, l’administration Boyer a tout de même finalement accordé un contrat de 750 000 $ à Beauregard Environnement. La Ville affirme avoir été « contrainte » de le faire, l’entreprise ayant remporté l’appel d’offres comme plus bas soumissionnaire conforme.

Le maire Stéphane Boyer a déploré mardi dans La Presse ne pouvoir empêcher l’entreprise bannie dans la métropole de faire des affaires chez lui, en réclamant un changement à la loi pour unifier les listes noires des villes. Son administration demande concrètement à Québec de changer la Loi sur les contrats des organismes publics, qui stipule que seule l’Autorité des marchés publics (AMP) peut placer une entreprise sur le Registre des entreprises non admissibles (RENA), qui s’applique dans toutes les municipalités.

Selon la Ville, un tel changement serait majeur puisque présentement, elle affirme qu’elle ne peut refuser d’octroyer le contrat, et ce, malgré le fait que Beauregard Environnement est sur la « liste noire » municipale de Montréal pour avoir déversé des boues contaminées sur une terre agricole.

« Questions de confiance »

Pour le chef par intérim du Parti Laval et conseiller municipal de Fabreville, Claude Larochelle, « le maire Boyer a tout orchestré à la dernière minute pour ne pas perdre la face, mais il me semble que des actions auraient dû être entreprises depuis des mois ». « Ma collègue et moi avons exprimé notre dissidence, hier. Nous éprouvions un réel malaise avec le fait d’être placés devant le fait accompli », a-t-il martelé mercredi.

Pour Isabelle Piché aussi, la confusion demeure. « Le maire se défend derrière son obligation légale […] mais ce que nous ne comprenons pas, c’est comment se fait-il que cette entreprise puisse encore déposer des soumissions ? [...] Comment se fait-il que le maire soit en mode réaction, mais ne pose aucune action concrète ? », demande-t-elle.

Ce dossier, dit-elle, « soulève des questions de confiance sur le sérieux avec lequel cette tâche est véritablement assumée par les membres actuels du comité exécutif ».

Le cabinet de la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, avait prudemment fait valoir mardi que Laval a d’abord la responsabilité de surveiller les contrats qu’elle octroie, avec le Bureau d’intégrité et d’éthique de Laval – Terrebonne (BIELT). Pour le reste, soutient Québec, il faut laisser l’AMP faire son travail.

De l'incompréhension, selon Boyer

Dans une déclaration, le maire Boyer a rétorqué mercredi que la réaction des oppositions « n’est pas très édifiante ». « Elle nous démontre qu’ils ne comprennent pas les règles en vigueur. […] Pour que la Ville de Laval puisse ajouter une entreprise sur sa propre liste noire, celle-ci doit avoir commis une faute sur le territoire lavallois. Nous l’avons d’ailleurs déjà fait avec d’autres entreprises par le passé », soutient-il.

« La demande que nous avons adressée au gouvernement est inédite », a persisté M. Boyer, soutenant toutefois que de tels changements législatifs « ne se font pas sur le coin d’une table » et prennent du temps.

Au Conseil des entreprises en technologies environnementales du Québec (CETEQ), le directeur général Kevin Morin appuie M. Boyer dans sa démarche pour obtenir des changements législatifs de Québec. « À l’heure actuelle, les villes et les différents paliers gouvernementaux travaillent en silo, mais finalement, l’absence de cohérence entre les différentes actions crée des failles dans le système qui sont exploitées par des entreprises mal intentionnées », a-t-il fait valoir.