Un organisme pour jeunes sans-abri s’explique mal l’absence de soutien financier des gouvernements pour un projet qui n’a jamais été autant d’actualité.

L’Auberge du cœur Le Tournant, située au centre-ville de Montréal, n’attend que cela pour créer une trentaine d’unités où faire atterrir les jeunes recrachés par le système de protection de l’enfance à l’atteinte de la majorité.

Cet hébergement viendrait avec un accompagnement de jusqu’à quatre ans pour faciliter leur transition hors des centres jeunesse et leur éviter de se retrouver à la rue.

Il y a un « trou de service » à combler à ce stade de leur parcours, rappelle la Dre Anne-Chloé Bissonnette, vice-présidente du conseil d’administration de l’organisme.

Mais le projet, né en 2018, se heurte à des refus répétés, rapporte-t-elle, que ce soit du programme provincial AccèsLogis ou de l’Initiative pour la création rapide de logements du fédéral.

« Depuis le début, on est paralysés par le financement », déplore la Dre Bissonnette, en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne.

« Ce qui est vraiment surprenant là-dedans, c’est qu’on reçoit des appuis de toutes parts, du CIUSS, de plusieurs politiciens. On nous dit que notre projet est très bon et qu’on le garde en réserve, mais nous, pendant ce temps-là, nos jeunes, on n’a pas de place pour les accueillir », souligne l’avocate et médecin.

Avec ses 11 places à court terme et 12 autres à plus long terme, le Tournant se dit contraint de refuser quelque 600 demandes d’hébergement chaque année.

En pleine crise du logement couplée à une pandémie qui fait pression sur les ressources de première ligne, inutile de préciser que le problème ne va pas en s’améliorant.

Selon une vaste étude dirigée par l’École nationale d’administration publique, le gouvernement gagnerait pourtant sur le plan comptable à offrir des services systématisés de transition à la vie adulte, alors que près d’un jeune sur cinq a vécu une forme d’itinérance à sa sortie de placement.

Et dans son rapport déposé plus tôt ce mois-ci, la Commission Laurent sur les droits de l’enfant recommande justement de mettre en œuvre un programme de soutien post-placement jusqu’à l’âge de 25 ans.

C’est déjà difficile de demander à des jeunes qui n’ont pas ces difficultés-là, qui ont un support social, d’être complètement autonomes à l’âge de 18 ans.

La Dre Anne-Chloé Bissonnette

Or, c’est ce qu’on demande des jeunes qui traînent un certain bagage supplémentaire et qui ne sont souvent moins bien outillés pour faire des démarches d’emploi ou encore leur propre épicerie par exemple.

À la lumière de ces besoins et de l’expertise du Tournant, qui œuvre dans le milieu depuis pas moins de 47 ans, elle s’explique mal tous les obstacles rencontrés pour faire aboutir ce projet de logements.

Il est sur la corde de raide et on s’essouffle, prévient-elle.

« Je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose qu’on passe la balle au communautaire à ce niveau-là, vu que c’est leur champ d’expertise, mais il faudrait que le gouvernement les appuie. »