Pendant que la campagne s'engage sur un débat sur la Charte de la laïcité, les maires du Québec tapent du pied, eux qui voudraient profiter de la campagne pour parler de leur problème de financement récurrent.

«Je ne veux pas qu'on parle pendant 35 jours de la Charte», s'impatiente le maire de Montréal, Denis Coderre, en entrevue à La Presse. Celui-ci espère que le Sommet municipal que l'Union des municipalités du Québec (UMQ) organise le 21 mars permettra de catapulter les enjeux municipaux à l'avant-plan de la campagne. Les principaux maires de la province, dont ceux de Montréal, Québec et Longueuil, y prendront part pour s'assurer d'attirer l'attention des partis.

Loin d'aider les villes à remplir leur rôle, le gouvernement «refile aux municipalités des responsabilités, met couche par-dessus couche de contrôles. On est en train d'asphyxier les municipalités», dénonce Éric Forest, président de l'UMQ et maire de Rimouski.

Les maires remettent en question le système de financement des villes mis en place au début des années 80. «Avant, on avait un retour sur la TVQ, des revenus de taxes sur le gaz et l'électricité, une taxe d'amusement. On captait une partie de la richesse liée au développement de notre territoire. On a enlevé tout ça pour que tout repose sur l'impôt foncier. On considérait qu'on donnait plus des services aux immeubles et non pas aux personnes», résume Éric Forest.

Trois décennies plus tard, les taxes municipales ne répondent plus à la demande, disent les maires qui réclament davantage de pouvoirs de taxation. «Comme ville, notre seule façon de faire rentrer de l'argent, ce sont les taxes foncières. Nos citoyens ont vécu d'assez grandes augmentations, ils ont fait leur part. C'est pourquoi on veut favoriser la méthode de l'utilisateur-payeur», plaide Guillaume Tremblay, maire de Mascouche depuis novembre.

Les villes rappellent qu'on leur demande de plus en plus de jouer un rôle social, que ce soit pour développer le logement ou la lutte à l'itinérance. «Les municipalités, ce n'est plus vrai que ce sont simplement des créatures des provinces. On a un rôle économique, un rôle social, d'intégration», dit Denis Coderre.

Que les aspirants au poste de premier ministre se le tiennent pour dit: ils entendront beaucoup parler d'autonomie municipale.

«J'espère que les candidats vont prendre position pour une plus grande autonomie municipale», dit Caroline St-Hilaire. La mairesse de Longueuil dit être fatiguée d'avoir à «quêter» incessamment à Québec. «Si je veux qu'un conseiller d'arrondissement siège à mon comité exécutif, je dois demander une modification à ma Charte, je dois aller à Québec, je dois passer dans un projet de loi omnibus, ce qui vient deux fois par année. C'est pénible, c'est ardu, ce n'est pas efficace.»

Plus de transport en commun

Au-delà d'une réforme fiscale, les maires réclament également davantage d'investissements en transport en commun. «Il y a beaucoup de demandes pour le transport en commun sur la Rive-Sud», dit Caroline St-Hilaire.

La mairesse de Longueuil invite le prochain gouvernement à accélérer certains projets avant que les chantiers majeurs ne paralysent la région. «Je suis vraiment préoccupée par la journée où les travaux sur le pont Champlain vont débuter.»

La mairesse de Sainte-Julie, Suzanne Roy, réclame aussi davantage pour le transport en commun. Elle souhaite que des voies soient réservées tant sur l'autoroute 20 que sur la 30. «C'est essentiel, la seule façon d'être efficaces. Idéalement, il va falloir ajouter des voies permanentes, mais, rapidement, on pourrait utiliser les voies d'accotement.»

Régler le problème des régimes de retraite

Un pas majeur avait été franchi pour régler le problème des régimes de retraite avec le dépôt d'un projet de loi, mais le prochain gouvernement devra le présenter à nouveau. Le maire de Westmount, Peter Trent, qui préside l'Association des villes de banlieue de l'île de Montréal, espère que les partis s'engageront à le faire. «Le projet de loi présente les outils et les méthodes pour attaquer le problème de façon efficace. Peu importe qui est élu, on souhaite que ce projet de loi soit adopté.»

Les villes de l'ouest de l'île profiteront aussi de la campagne pour s'opposer au projet de charte de la laïcité que propose le Parti québécois. Plusieurs d'entre elles ont d'ailleurs annoncé qu'elles refuseraient d'appliquer les mesures les forçant à congédier les employés refusant de retirer leurs signes ostentatoires au travail.