Elle vient d'avoir 66 ans. Françoise David, visage le plus connu de Québec solidaire avec celui d'Amir Khadir, ne peut s'engager à rester en politique pour quatre autres années.

L'autocar de campagne de Québec solidaire est blanc comme un éléphant; il arborera dans les prochaines heures les couleurs du parti. Stationné dans la rue Ontario, dans le quartier Hochelaga, il accueille, le temps d'une entrevue, Françoise David, qui tente de se faire réélire dans la circonscription de Gouin. Elle vient de franchir le cap des 66 ans.

«Est-ce que ce sera votre dernière campagne?» Elle reste figée, cherche visiblement une réponse.

«C'est la première fois qu'on ose me poser la question!», lance d'abord la politicienne, avant de poursuivre: «C'est une décision que je n'ai pas encore prise, ma réponse ne peut être plus franche. Là, ça va bien, la santé est bonne et j'ai beaucoup d'énergie. Je vais être députée le 8 avril, j'aime mon travail. Donc c'est à suivre!» Mais, relancée à quelques reprises, elle ne s'engage pas à terminer ce mandat qu'elle réclame.

Elle complétera un peu plus tard: «Tant que je sentirai que je peux donner ce que les gens attendent de moi, je vais continuer. À l'âge que j'ai, on ne peut promettre des choses pour quatre ans, dix ans...» À Québec solidaire, «la relève est là », affirme-t-elle. «L'important est d'identifier les personnes qui pourraient assez rapidement être connues. On commence à les identifier. Il y aura un défi pour Québec solidaire, cela m'a pris bien des années avant d'être la femme connue que je suis maintenant...»

Un autocar qui fait parler

Quelques minutes plus tôt, Françoise David se faisait replacer quelques mèches rebelles par une collaboratrice, devant tout le monde, avant de participer à une conférence de presse. Elle a laissé toute la place possible à ses candidats de Montréal. Le local du candidat ne paie pas de mine. L'autocar à la porte est tout le contraire, énorme et rutilant. Vide, aussi. La facture de 45 000$ pour la location du mastodonte passe de travers - Québec solidaire voulait jouer dans la même ligue que les autres partis. Les journalistes disaient, lors de la précédente campagne, que QS était desservi par l'absence d'un autocar. Cela contribuait aussi à taxer le jeune parti de «montréaliste». L'autocar est bien accueilli par la presse locale en région, même s'il est pratiquement vide - un seul reporter, du Devoir, l'utilise.

Bien sûr, Québec solidaire peut désormais s'offrir ce luxe. Avec la nouvelle loi sur le financement des partis, QS recevra cette année 536 000$ du Directeur général des élections (DGE), ce qui reflète les votes reçus aux dernières élections. À cette somme, le DGE ajoutera 220 000$ comme «appariement» de celles récoltées par le parti auprès de ses 15 000 militants. L'an dernier, 213 000$ ont été récoltés chez les militants.

Débat corsé

Le débat télévisé de demain «sera un peu plus dur, plus corsé, il y a vraiment de la colère du côté de Mme Marois et de M. Legault», observe Mme David. Pas tellement chez M. Couillard, parce qu'il est en avance. Le chef libéral semble d'un naturel plutôt calme, il sait qu'il va être attaqué de toutes parts sur l'intégrité, il s'engage à rendre publique sa déclaration fiscale - comme La Presse l'avait demandé à chacun des quatre chefs. «Sa sortie de ce matin, en disant: «Je suis prêt à ouvrir les livres», ce n'est pas idiot!», convient Mme David.

Les signes de tension sont là, évidents. Des dérives verbales chez François Legault, une pointe de paranoïa au Parti québécois.

«Je n'apprécie pas que le langage de M. Legault soit tout à coup moins châtié, dire que les gens vont être dans la "merde" ! Il n'a pas besoin de ça pour être compris! Et ce n'est pas son genre.» Idem pour la sortie du titulaire de la Justice, Bertrand St-Arnaud, dimanche. «Il demande: «Est-ce qu'on va se faire voler nos élections?» Il est ministre de la Justice, on doit se garder une petite gêne, à mon avis!» Selon Françoise David, on retrouve «un peu de paranoïa» dans ces déclarations fébriles. «Mme Marois semble s'être calmée. Mais, dans l'ensemble, on sent plus d'agressivité.»

Jeudi, «à moins d'une attaque intolérable, je n'ai pas l'intention de me fâcher!» Bien des téléspectateurs «m'ont saluée pour mon ton respectueux». L'attaque la plus mordante de Mme David? «Dire que Pauline Marois «avait joué de la casserole» avec les étudiants.»

«Ces gens rêvaient d'un Québec plus à gauche, plus écologiste. Ce n'est pas ça qui s'est passé durant les 18 mois qu'elle a été au pouvoir!» C'est le même parti qui est allé chercher Pierre Karl Péladeau comme candidat, «un des entrepreneurs les plus intransigeants du Québec». «Là, le Parti québécois a franchi une ligne invisible!»

PQ artisan de ses problèmes

Devant la baisse du PQ dans les sondages, Mme David ne compatit guère. «Si le PQ se retrouve là où il est, il n'a qu'à s'en prendre à lui-même. Il a pris des positions politiques et stratégiques qui l'amènent là. On voit qu'il courtise l'électorat caquiste, le 450. C'est le même électorat qu'il vise avec sa Charte des valeurs. Il ne fait pas ça pour l'électorat de gauche, les gens de Québec solidaire, mais pour reconquérir le 450. Le problème, c'est que cela ne marche pas.»

La stratégie de Pauline Marois aura été de «créer une fracture au Québec avec l'interdiction de porter des signes religieux. C'est cette stratégie qui a mené le PQ là où il est», souligne-t-elle.