Jean Charest a accusé Jacques Duchesneau de «desservir la démocratie» en affirmant que des ministres libéraux ont séjourné sur le yacht de Tony Accurso. Des «allegations sans fondement», qu'a vigoureusement démenties le chef liberal, mercredi matin.

Lors d'un passage à Saint-Romain, en Estrie, M. Charest s'est montré irrité par les dernières déclarations de l'ancien chef de l'Unité permanente anticorruption, qu'il accuse de lancer des allégations «sans fondement».

Lors d'un débat diffusé sur la chaîne 98,5 FM, M. Duchesneau a affirmé que des ministres du gouvernement actuel ont séjourné sur le Touch, le bateau du magnat de la construction.

«Il n'y a pas de mes ministres qui sont allés sur le bateau de M. Accurso, a-t-il affirmé. Si ça devait arriver, cette personne-là aurait des explications à donner.»

Le premier ministre sortant affirme qu'il a été informé d'allégations semblables il y a des mois, et qu'il a immédiatement vérifié auprès de ses ministres si elles étaient fondées.

«Quand cette allégation a été faite, quand quelqu'un nous a dit que des ministres de mon gouvernement ont été chez M. Accurso, j'ai posé la question: est-ce que vous êtes allés sur le bateau de M. Accurso. La réponse, c'est non», a-t-il relaté.

M. Charest accuse le candidat de la Coalition avenir Québec (CAQ) de créer un climat malsain qui «dessert la démocratie».

«Je ne veux pas vivre dans une société où l'on s'accuse mutuellement comme ça, gratuitement, dans le seul but de faire mal, de blesser et de nuire», a-t-il dénoncé.

Pour illustrer le climat de suspicion qu'il accuse M. Duchesneau de provoquer, il a demandé à plusieurs journalistes qui le questionnaient sur le sujet s'ils n'avaient pas séjourné sur le navire de M. Accurso, eux aussi.

Il a affirmé que n'importe quel élu qui enfreint les règles devrait être traduit en justice, peu importe son parti politique.

Mal placé

Par ailleurs, le parti de François Legault est bien mal placé pour faire la leçon, dit Jean Charest. Car l'Action démocratique du Québec, que la CAQ a absorbée, a elle aussi profité des largesses de Tony Accurso.

Il montre du doigt un reportage de 2009, selon lequel l'ADQ a organisé en 2007 une activité de financement au restaurant Onyx, dans le complexe Tops de Laval, propriété de M. Accurso. L'homme d'affaires aurait insisté pour payer la facture de 14 000$, selon ce reportage.

Après la conférence de presse, l'entourage de M. Charest a fait circuler une photo de Jacques Duchesneau en compagnie d'Alberino Magi, un cliché qui est apparu sur Twitter en matinée. Comme La Presse le rapportait il y a une semaine, M. Magi était proche de la campagne à la mairie de M. Duchesneau dans les années 90.

M. Magi est le frère de Tony Magi, un homme d'affaires perçu comme un proche de la mafia.

Poursuites

S'il accuse Jacques Duchesneau de colporter des faussetés, Jean Charest n'entend pas pour autant s'adresser aux tribunaux pour le forcer à se rétracter.

«Je suis en campagne électorale,j'essaie de rejoindre le plus grand nombre de Québécois possible d'ici au 4 septembre pour faire un choix, pas sur des allégations fausses mais sur l'avenir du Québec, sur l'emploi et l'économie, a-t-il dit. Et pendant ce temps-là, il faudrait que je passe mon temps assis dans un bureau d'avocat à écrire des mises en demeure, à faire des poursuites. J'ai 35 jours de campagne électorale. J'aime mieux m'en remettre au bon jugement de la population du Québec.»

Le premier ministre sortant a été questionné à savoir s'il aurait pu éviter un tel climat de suspicion en attendant la fin de la Commission Charbonneau pour déclencher des élections. Il a défendu son appel aux urnes.

«Il n'y a pas que cet enjeu-là, a-t-il indiqué. Il y a d'autres enjeux qui touchent l'emploi, l'économie, qui touchent le type de société dans laquelle nous voulons vivre. Le temps est venu pour les Québécois de faire un choix.»

Avait-il peur de la Commission Charbonneau, lui a-t-on demandé. «Non, pas du tout, jamais, a-t-il répondu. On l'a mis sur pied pour ça.»

Legault ne sait pas, mais défend Duchesneau

François Legault assure n'éprouver aucun malaise avec les déclarations de son candidat vedette. «Le seul qui devrait être mal à l'aise aujourd'hui, c'est Jean Charest, qui a déclenché une élection avant (la reprise) des audiences publiques de la commission Charbonneau», a-t-il lancé.

Le chef de la Coalition avenir Québec ne croit pas devoir rappeler à l'ordre M. Duchesneau. «Il s'est fait poser une question directe. Il a répondu à la question. C'est une question qui aurait pu être posée à la commission Charbonneau, mais qui ne l'a pas été», a-t-il d'ailleurs tenu à rappeler.

M. Duchesneau n'a jamais abordé le sujet avec lui. Il ne connaît pas l'identité des trois anciens ministres qui auraient séjourné sur le yacht de Tony Accurso. «Je vous ai dit à plusieurs reprises que dès ma première rencontre avec M. Duchesneau, je l'ai bien prévenu que je ne voulais pas lire le rapport numéro deux et que je ne voulais pas avoir d'information sur ce qu'il a pu trouver quand il était chef de l'Unité anticollusion. Je n'en sais pas plus que vous.» 

Il ne voit rien de mal à ce que M. Duchesneau ait été pris en photo avec Albertino Magi, frère de Tony Magi, perçu comme étant un proche de la mafia. Albertino Magi avait participé à l'élaboration d'un rassemblement de campagne pour M. Duchesneau lorsqu'il briguait la mairie de Montréal à la fin des années 1990.

«Je pense que les libéraux sont vraiment désespérés. Des photos, on en prend des tonnes (en campagne), vous le voyez.  Combien de photos je prends dans une journée avec des citoyens qui viennent me voir? Je pense que ça ne veut rien dire. Quand on va séjourner sur le bateau de quelqu'un, par contre, c'est différent.»