Le Bloc québécois est devenu le clone du NPD sur la scène fédérale depuis que la souveraineté a été mise en veilleuse, estime l'ancien ministre péquiste Jacques Brassard, qui doute fortement aujourd'hui de l'utilité de cette formation politique à Ottawa.

Dans une entrevue accordée à La Presse, hier, M. Brassard affirme que les troupes de Gilles Duceppe représentent mal les intérêts de nombreux Québécois, notamment ceux qui vivent dans les régions situées à l'extérieur de Montréal qui ont des idées et des valeurs différentes des grands centres urbains.

 

Affirmant être toujours souverainiste, M. Brassard, qui a été ministre influent dans le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard, laisse entendre qu'il est peut-être temps pour les Québécois de passer à autre chose.

«Le Bloc québécois est devenu en quelque sorte le clone du NPD. La souveraineté a été plus ou moins mise en veilleuse. On n'en parle plus. Les circonstances ne s'y prêtent pas. Mais il reste que c'était cela la raison d'être du Bloc. Mais cela ne fait plus partie de leur discours. Ils ont adopté carrément un discours de gauche avec tous les thèmes habituels de la gauche. Je regrette, mais moi ça ne me convient pas. Je ne me reconnais pas dans ce parti», a lancé M. Brassard dans une entrevue téléphonique.

Le ténor souverainiste affirme être en total désaccord sur de nombreuses positions que défendent les troupes de Gilles Duceppe à la Chambre des communes.

«Prenons Kyoto, je trouve que ce n'est pas un texte sacré que l'on doit vénérer d'aucune façon. Même chose pour le registre des armes à feu. Je ne suis pas du même avis, mais alors pas du tout que le Bloc. Sur la présence de soldats en Afghanistan aussi ou encore sur nos relations avec les États-Unis. Bref, j'ai peu de choses en commun. Il y avait la souveraineté, mais elle est plus ou moins dans le placard», a affirmé M. Brassard.

Ce faisant, M. Brassard devient le premier souverainiste influent à remettre en cause la présence du Bloc québécois à Ottawa. Cette sortie risque de mettre le chef bloquiste Gilles Duceppe sur la défensive en ce début de campagne et donner des munitions aux conservateurs de Stephen Harper, qui tentent de convaincre les Québécois que le Bloc est impuissant à Ottawa.

Dans un texte publié dans La Presse et dans Le Quotidien de Chicoutimi, aujourd'hui, M. Brassard dénonce par ailleurs les virulentes attaques de Gilles Duceppe contre Stephen Harper.

Dès le déclenchement de la campagne électorale, M. Duceppe a accusé M. Harper d'être l'émule du président des États-Unis George W. Bush et de vouloir adopter les mêmes politiques que celles des républicains. «Comme les républicains de M. Bush, les conservateurs de Stephen Harper militent pour la libre circulation des armes à feu, pour la censure, et ils voudraient retirer aux femmes des droits acquis de haute lutte. () Nous allons nous opposer au rétablissement de la peine de mort. Nous allons nous opposer à cette volonté du gouvernement Harper de jeter des enfants en prison avec les criminels endurcis», avait notamment dit M. Duceppe.

Pour M. Brassard, le chef bloquiste dépasse largement les bornes. « (Pour le Bloc), le gouvernement conservateur de Stephen Harper est une incarnation malodorante de la droite qui, dans l'univers chimérique des défenseurs de la vertu (de gauche, bien sûr, la vertu étant un monopole de la gauche), propage l'injustice, détruit la planète, fait la guerre pour le plaisir et démolit la culture. Associant Harper à Bush, Gilles Duceppe les cloue tous deux au pilori comme étant ces «conservateurs idéologiques qui laissent derrière eux la désolation économique, et le feu et le sang dans le monde». N'en jetez plus, la cour est pleine! Comme si le feu et le sang dans le monde n'étaient pas répandus, au premier chef, par les terroristes islamo-fascistes. Il est vrai que M. Duceppe ne voit sans doute pas ce côté sombre de la réalité planétaire, parce qu'il a déjà paradé dans les rues avec des partisans du Hezbollah, cette milice terroriste libanaise», écrit M. Brassard.

Selon l'ancien ministre péquiste, il est évident que le Bloc québécois se cherche une mission à Ottawa pour justifier son existence depuis la fin du scandale des commandites, entre autres. Et il croit que les troupes de Gilles Duceppe auront de la difficulté à franchir la ligne d'arrivée en premier dans plusieurs circonscriptions s'il continue sur cette lancée.

«Il me semble que le Bloc est désemparé d'avoir perdu ces fringants chevaux de bataille qu'étaient le scandale des commandites et le déséquilibre fiscal. Alors, il sort de l'écurie les vieilles picouilles de gauche (Kyoto, la paix, la haine des Américains, la droite nazifiée, la diabolisation des armes à feu, l'Alberta dégueulasse, etc.). Je ne suis pas certain que ces vieux canassons vont se rendre au fil d'arrivée dans la course électorale qui commence», conclut-il.

En entrevue à La Presse, M. Brassard n'a pas voulu dire comment il votera le 14 octobre. «Cela, c'est un secret.» Il a dit avoir l'intention de voter par anticipation puisque le jour du scrutin, il sera parti à la chasse. «Le jour du vote, c'est sûr que je ne serai pas là. Ça tombe en pleine période de chasse à l'orignal.»

 

SON PARCOURS

> Âge : 68 ans

> Il a été député du Parti québécois dans Lac-Saint-Jean de 1976 à 2002, date à laquelle il démissionne, insatisfait du poste que le premier ministre Bernard Landry lui offre.

> Il a été responsable de plusieurs ministères dans le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard, dont l'Environnement, les Affaires intergouvernementales, les Transports et les Ressources naturelles.

> Avant de faire le saut en politique, il a été professeur d'histoire au collège d'Alma de 1967 à 1976.