En 2003, dans une entrevue accordée au Droit, Mauril Bélanger disait qu'il se voyait député pour 10 ans encore, et peut-être davantage. Douze ans plus tard, le voilà menacé dans son château fort libéral d'Ottawa-Vanier par la candidate néo-démocrate Emilie Taman, qui s'est vite retrouvée sous les projecteurs parce qu'elle a été congédiée comme procureure dès qu'elle s'est portée candidate.

Côté notoriété, dans une circonscription qui compte un grand nombre de fonctionnaires, « ça m'a peut-être aidée pour ma campagne, dit-elle, mais j'aurais certes préféré que les choses se passent autrement ».

En raison de la nature de son travail, le Service des poursuites pénales estime qu'elle ne peut pas se lancer en politique.

Bien que ce soit désagréable - Mme Taman doit maintenant contester son congédiement devant les tribunaux -, cette situation lui a à tout le moins permis, analyse-t-elle, d'être connue pour ce qu'elle est, « quelqu'un qui se tient debout ».

Sans cette histoire, il y a fort à parier que le fait d'être la fille de Louise Arbour, ex-juge de la Cour suprême et ex-Haute Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, aurait pris toute la place.

D'ailleurs, si c'est la mère que l'on attendait en politique une fois ses mandats de haute juriste accomplis, c'est la fille qui a plongé.

Louise Arbour, qui a écrit une longue lettre aux médias cette semaine pour exposer son opinion sur la question du niqab, n'a jamais dit quelle était son allégeance politique. Par contre, elle n'a pas été étonnée que sa fille - qu'elle appuie très publiquement et qu'elle aide à faire du porte-à-porte - se soit présentée sous la bannière néo-démocrate.

Mme Taman raconte avoir fait le saut en politique parce qu'elle se voyait très mal continuer d'être procureure sous un régime conservateur. « Ça devenait de plus en plus difficile, je ne voulais pas prendre part à l'agenda politique de Stephen Harper, notamment en matière criminelle. »

Elle précise qu'elle est particulièrement en désaccord avec le projet de loi antiterroriste C-51, que le NPD entend combattre en raison de l'entorse aux droits des Canadiens qu'il suppose.

De façon plus globale, Mme Taman se dit contre la philosophie conservatrice en matière criminelle.

Ce qu'elle pense de son adversaire principal, Mauril Bélanger, qui est député depuis 20 ans dans Ottawa-Vanier ? « Même quand il s'agit de quelqu'un de bien, 20 ans, c'est long, ceci dit, sans rien vouloir lui enlever. C'est quelqu'un de très engagé, qui a beaucoup travaillé, mais je crois que les citoyens sont prêts pour un changement. »

« Rien n'est acquis »

De son côté, Mauril Bélanger ne fait pas de commentaires sur la menace que fait peser sur lui son adversaire néo-démocrate. Même si cette circonscription est depuis des décennies considérée comme sûre pour les libéraux - les deux prédécesseurs libéraux de M. Bélanger y ont chacun été eux aussi députés pendant plus de 20 ans -, il raconte avoir toujours en tête la débandade inattendue des conservateurs en 1993. « À l'époque, personne n'avait prédit pareil désastre aux conservateurs. La leçon que j'en ai tirée, c'est que rien n'est acquis en politique. »

Vingt ans après avoir été élu pour une première fois, M. Bélanger assure être toujours aussi passionné. « Dans mon porte-à-porte, à trois adresses sur quatre, les gens me disent qu'ils veulent être débarrassés de Stephen Harper. Ça alimente mon feu sacré. »

M. Bélanger croit que le plan des libéraux, qui sont prêts à faire des déficits pour stimuler l'économie, peut donner un bon coup de main dans sa circonscription, qui a elle aussi besoin d'oxygène, entre autres pour qu'on y construise plus de logements abordables. « Ottawa-Vanier compte beaucoup de personnes âgées et de familles pauvres », rappelle-t-il.

La conversion de l'ancienne base militaire Rockcliffe, « qui ne doit pas devenir une ville dortoir », lui tient particulièrement à coeur.

De façon générale, il promet de continuer d'être aussi accessible qu'il l'a toujours été pour les gens de sa circonscritpion, note-t-il, et de continuer à se battre dans leur intérêt, comme il l'a fait dans le passé en participant à la croisade pour la survie de l'hôpital Montfort (le seul hôpital francophone en Ontario).

Le candidat conservateur, David Piccini, ne nous a pas accordé d'entrevue.