Les sondages précédant les élections de mardi ont pour la plupart été fiables, mais l'abstention record a créé des distorsions.

Sur la scène pancanadienne, le sondage Segma-La Presse du 5 au 9 octobre avait prévu l'élection d'un gouvernement conservateur minoritaire avec un écart de 12 points entre conservateurs et libéraux et 140 députés pour les troupes de Stephen Harper (au lieu de 143 finalement).

Le PCC était crédité par Segma de 35%. Il a obtenu 37,6%. Le PLC, avec 26,2%, a eu trois points de mieux que prévu, alors que le NPD, avec 18,2%, a trois points en moins, tout comme le Parti vert (6,8% au lieu de 10%). Les sondages d'Angus Reid, d'Ekos, d'Harris-Decima et de Nanos avaient aussi fourni des estimations qui, en tenant compte de la marge d'erreur, étaient très proches de la réalité, comme l'illustre le tableau ci-haut.

Au Québec, ce sondage montrait une tendance qui s'est confirmée. Le PCC a totalisé 21,7% des voix, 1,7% de plus que le sondage. Le PLC a fait mieux que prévu, avec 23,7% au lieu de 18%. Le NPD a réalisé à 0,8% près la prédiction du sondage. Le Bloc a quatre points en moins : 38,1% au lieu de 42%.

Pour Raynald Harvey, président de Segma, la participation et le vote des jeunes ont joué un rôle. «Quand on a réalisé nos coups de sonde, dit-il, le portrait s'était pas mal figé. La participation a fait la différence. Le NPD a été défavorisé car les jeunes ont moins voté et le PLC et le PCC ont fait mieux que prévu. Rappelons qu'un sondage porte sur 100% de la population, donc cela crée de la distorsion.»

Pour Claire Durand, professeur à l'UdM, le PCC a été sous-évalué et le Bloc surévalué. «La tendance à une sous-évaluation des partis plus à droite de l'échiquier et à la surévaluation des partis plus à gauche, notée dans un nombre important d'élections dans le monde, est présente également dans cette élection, dit-elle. Certains l'expliquent par la «spirale du silence», mais l'hypothèse qui veut que la clientèle des partis de droite soit moins rejointe par les sondages ou ait moins tendance à révéler ses intention de vote a aussi été validée dans le cas du Québec.»

Des mouvements de fin de campagne ont effectivement joué des tours dans certaines circonscriptions. Si la plupart des conclusions de sondages locaux se sont avérées, trois effectués par GPS ont fait jaser au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Dans Chicoutimi-Le-Fjord, le bloquiste Robert Bouchard a été élu avec 41,2% des voix: 16 points de moins que prévu par le sondage des 5-8 octobre dont la marge d'erreur était de 4,9 points. Dans Roberval-Lac-Saint-Jean, le conservateur Denis Lebel a gagné avec 43,6% des voix alors qu'il n'était crédité que de 34% par le sondage. Et dans Jonquière-Alma, Jean-Pierre Blackburn (PCC) a été élu avec 52,5% des voix alors que le sondage le donnait perdant avec 40%. La bloquiste Chantal Bouchard a fait 16% de moins que prévu.

Pour M. Harvey, ce sondage était faussé. «Il y a eu des problèmes de méthodologie, dit-il. Un sondage, cela requiert beaucoup de compétence à l'intérieur d'une équipe et à l'échelle d'un comté, cela requiert d'être méticuleux.»

Mais Denis Bouchard, rédacteur en chef du Quotidien, qui a publié ces sondages, ne «lance pas la pierre» à GPS. Au contraire. Il explique qu'il y avait 25% d'indécis avant le scrutin et que la participation a été localement plus forte que prévu. Des électeurs se sont mobilisés.

«Il y a eu une migration du vote libéral vers les conservateurs, dit-il. Le milieu d'affaires s'est mobilisé en faveur du ministre Jean-Pierre Blackburn, comme ça s'était produit en 2006. Et Bernard Lord, qui est né à Roberval, est venu dans la circonscription apporter son soutien. Cela a créé un retournement de la situation.»

Sinon, les sondages faits localement au Québec par CROP ou Segma ont tous sans exception prévu le résultat final. Dans Outremont, le CROP des 23-28 septembre a prévu la réélection de Thomas Mulcair. Comme ailleurs au Québec, le libéral (Sébastien Dhavernas) a fait un meilleur score que prévu au détriment du bloquiste et du conservateur qui ont eu moins de voix qu'anticipé.

Même chose dans Vaudreuil-Soulanges, mais en sens inverse: la bloquiste Meili Faille a eu près de 8 points de moins qu'anticipé. Et ce n'est pas à cause d'un meilleur score de Michael Fortier qui, en obtenant 23,8% des voix, n'a eu que 2,8% de mieux que prévu. En fait, la candidate libérale a recueilli 21,3% alors que le sondage ne la créditait que de 15% des suffrages.