Un mois après que l'eau se soit retirée de la dernière maison inondée de la Montérégie, l'économie du Haut-Richelieu peine toujours à se relever.

L'industrie touristique et nautique, moteur économique de la région durant la période estivale, a été la plus durement touchée, amorçant ses activités avec beaucoup de retard.

«Nous sommes à environ 50% de notre chiffre d'affaires normal, comparativement aux autres années auparavant, déplore François Doré, gérant du Bistro Manhattan à Saint-Jean-sur-Richelieu. Le commerce a commencé à reprendre au mois de juillet. Habituellement, ça commence au mois de mai, mais on commence seulement à avoir du monde et à prendre des demandes d'emploi pour engager du personnel pour le reste de l'été.»

L'établissement est situé précisément devant le petit parc où, à tous les jours pendant près de deux mois, les porte-parole de la sécurité civile, de l'armée, de la Sûreté du Québec, de même que le premier ministre Jean Charest, plusieurs ministres et députés se sont succédés pour faire le point sur la situation.

Durant cette période, on ne voyait derrière eux que la rivière Richelieu déchaînée, dont le niveau s'approchait dangereusement du tablier du pont Gouin, qui le traverse à cette hauteur et qui a été fermé durant plusieurs semaines. Or, aujourd'hui, on constate qu'il n'y a pas qu'un cours d'eau, mais bien deux à cet endroit puisque c'est là que commence le canal Chambly, dont les rebords étaient complètement submergés durant les inondations, au point d'en nier l'existence.

Saint-Paul-de-l'Île-aux-Noix, qui se proclame la «capitale nautique du Québec», n'a pu être à la hauteur de ses prétentions durant tout le printemps. Les bateaux, habituellement mis à l'eau en mai, ont dû hiberner jusqu'à l'été puisque la circulation maritime avait été interdite sur le cours d'eau.

«Ç'a repris au moment où on a donné la permission aux bateaux de circuler sur la rivière, le 22 juin», explique le maire de l'endroit, Gérard Dutil.

De plus, il note que sa municipalité n'a pu bénéficier de son principal attrait touristique, le Fort Lennox, qui n'a ouvert ses portes que samedi après un nettoyage post-inondation et avec environ deux mois de retard.

Plus au sud, ce sont les croisières sur le lac Champlain qui se sont amorcées avec un retard de près d'un mois, avec les conséquences prévisibles là aussi.

Sur les berges du lac Champlain, dans la baie Missisquoi, le visiteur peine à voir l'eau sous l'épaisse et odorante couverture d'algues bleu vert. «Présentement, la baignade est interdite, explique l'inspecteur municipal de Saint-Armand, Luc Marchesseault. Chaque année, nous avons quelques semaines comme ça, mais cette année, c'est plus tôt que d'habitude. Nous croyons que c'est à cause d'un apport de phosphore plus important à cause des inondations.»

Le pro-maire de Saint-Armand, Daniel Boucher, note toutefois que l'inondation est devenue elle-même un attrait touristique. «Il y a eu passablement de curieux. À un moment donné, il a fallu fermer la route pour empêcher les gens de venir.»

Cette affluence a même été bénéfique pour certains. «Il y a eu du monde qui sont venus dans le coin, des curieux, malheureusement», raconte Isabelle Charlebois, propriétaire du Bistro 8e Ciel, sur le quai de Saint-Armand, dont la maison située tout juste derrière l'établissement, a été inondée.

Et bien qu'elle ait dû déménager à trois reprises durant le sinistre, elle a tenu le fort. «Ç'a été, je crois, une meilleure année que les autres années. Ça n'a pas nui du tout, au contraire; il y a eu les pompiers, la sécurité publique, tout le monde qui venait manger», explique-t-elle, tout en déplorant les impacts sur de nombreux propriétaires de résidences secondaires dans le secteur, particulièrement à Venise-en-Québec, de l'autre côté de la baie Missisquoi.

Il n'y a pas que le tourisme qui ait été affecté, indique Michel Fecteau, président de SOS Richelieu. «Je parle à des pharmaciens, qui me disent qu'ils ne vendent que les produits de base. Les extras, les parfums, le chocolat, les petits luxes, c'est tombé complètement à plat.» Les ventes du concessionnaire automobile où lui-même il travaille sont, elles, fortement en baisse.

Personne ne sera surpris, par ailleurs, que les propriétés au bord de l'eau aient perdu tout leur lustre.

«Les agents immobiliers ont perdu beaucoup de ventes sur le bord de l'eau, c'est évident, rapporte le maire de Saint-Jean-sur-Richelieu, Gilles Dolbec. Mais les gens oublient vite. À un certain moment, il y en aura pour acheter. Mais c'est certain que la valeur moyenne des maisons va baisser et les ventes sur le bord de l'eau, pour cette année, les agents d'immeubles doivent oublier cela.»

Le maire Dolbec ajoute que les commerces du centre-ville ont davantage souffert de la médiatisation que de l'inondation. «Il y a encore des gens qui appellent pour savoir si c'est sécuritaire de venir! Nos commerces n'ont pas été touchés par l'inondation. Mais ils ont été touchés parce que la population pensait que la municipalité était inondée au complet.»

Tous constatent que l'activité économique et touristique revient tranquillement à la normale et Michel Fecteau dit espérer un tournant avec la réintégration des sinistrés. «J'espère que le vieil adage qui dit que quand la construction marche, tout marche va être vrai parce que de la construction, il va y en avoir!»