La mafia peut dormir tranquille malgré la tenue d'une commission d'enquête sur l'industrie de la construction, selon l'opposition péquiste.

Les partis d'opposition sont revenus à la charge jeudi pour juger que l'annonce faite la veille par le premier ministre Jean Charest n'était pas de nature à effrayer qui que ce soit de familier avec les stratagèmes visant à contourner les lois régissant le monde de la construction.

En Chambre, la chef de l'opposition officielle, Pauline Marois, a exhorté le premier ministre à s'amender en édictant que la loi québécoise sur les commissions d'enquête s'applique à la nouvelle commission dirigée par la juge France Charbonneau. Ainsi, la commission aurait le pouvoir de forcer quiconque à venir témoigner devant elle, ce qui n'est pas le cas en vertu du décret adopté mercredi par le conseil des ministres.

Sinon, il apparaît évident que ceux qui ont des choses à se reprocher et qui auraient pu être contraints de venir témoigner seront «morts de rire» et pousseront «de grands soupirs de soulagement», selon Mme Marois.

«La mafia tremble sûrement à ce moment-ci», a-t-elle ironisé, tandis que le premier ministre Charest continuait à défendre sa façon de procéder, fondée sur la protection des enquêtes policières.

En appui à sa position, Mme Marois a pris soin de citer les passages les plus accablants de plusieurs chroniqueurs et éditorialistes prompts eux aussi à dénoncer la décision du premier ministre de renoncer à contraindre les personnes à témoigner, sous prétexte de ne pas nuire aux enquêtes policières.

L'opposition péquiste ne lâchera pas le morceau et déposera la semaine prochaine, à l'Assemblée nationale, une motion de censure visant à défaire le gouvernement.

Le député péquiste de Chambly, Bertrand Saint-Arnaud, en a rajouté pour dire qu'il était certain qu'en l'absence de toute obligation légale personne ne prendra le risque de témoigner devant la commission.

«Pensez-vous que les Accurso et les Catania de ce monde vont gentiment accepter l'invitation de la juge Charbonneau pour venir expliquer comment ils font pour avoir, année après année, 100% de tous les contrats dans certains arrondissements de Montréal?», s'est-il interrogé en Chambre.

Le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, a convenu que la formule choisie par le gouvernement n'était pas sans failles.

«Aucune décision n'est parfaite, mais nous estimons que cette décision-là est la meilleure dans les circonstances», a-t-il dit.

Le chef adéquiste Gérard Deltell estime lui aussi que le premier ministre Charest choisit de protéger son parti en instituant une commission d'enquête à participation volontaire.

Jeudi matin, en point de presse, M. Deltell a soutenu que M. Charest avait inventé une version «émasculée» de l'enquête publique prévue par la loi.

En refusant de donner à la commission le pouvoir de forcer une personne à rendre des comptes, le premier ministre a choisi de protéger les intérêts du Parti libéral du Québec plutôt que ceux du Québec, selon lui.

M. Deltell a rappelé qu'une simple commission parlementaire de l'Assemblée nationale disposait du pouvoir de contraindre des témoins.

Photo: Alain Roberge, La Presse

Le chef adéquiste, Gérard Deltell, soutient que Jean Charest a choisi de protéger les intérêts du Parti libéral du Québec plutôt que ceux du Québec.