Le yacht Touch, à bord duquel se sont prélassées des personnalités du monde politique et syndical québécois, a été transformé en palace flottant à coups de millions, en partie aux frais des contribuables, a conclu le fisc.  

La preuve produite en Cour mardi par la Couronne contient une liste de dépenses engagées auprès de différents fournisseurs entre 2003 et 2008 par Construction Louisbourg, dont Tony Accurso était administrateur.

Le fisc a estimé que ces dépenses totalisant 10,4 millions de dollars n'étaient pas admissibles à des déductions fiscales.

Il faut préciser que les fournisseurs en question ne sont pas impliqués dans cette affaire et ne font l'objet d'aucune accusation.

Plusieurs de ces factures concernent en partie ou en totalité des travaux réalisés dans le Touch, comme La Presse a pu le vérifier en particulier auprès de la majorité des entreprises citées.

À titre d'exemple, Louisbourg a déduit 1,8 million de dollars en salaires versés à des personnes chargées de la «construction du bateau Touch».

Près de 100 000$ ont aussi été versés à la firme Edward Marine, et environ 200 000$ à deux designers québécois chargés de dessiner les lignes extérieures et l'intérieur du navire.

«L'amour des belles choses»

Une partie des 5,5 millions de dollars payés à l'Atelier Luc Laramée concernait aussi le Touch, a confirmé Luc Laramée à La Presse, sans toutefois donner plus de détails.

Cet artiste ébéniste, qui a réalisé un buste de Louis Laberge en bronze pour la FTQ, tient à faire état de son «admiration» pour Tony Accurso malgré la tourmente judiciaire dans laquelle l'entrepreneur est plongé depuis lundi.

«C'est un homme qui a l'amour des belles choses, qui sait reconnaître le travail bien fait et qui nous a hissés à un niveau de professionnalisme très élevé», a-t-il dit. Tony Accurso a acquis le Touch aux îles Vierges. De 1994 à 2004 environ, jusqu'à 75 employés ont été mis à contribution dans un chantier naval proche de Trois-Rivières pour soumettre ce bateau d'aluminium à une transformation extrême.

La liste de ceux qui ont pu profiter par la suite de son intérieur luxueux - baignoire à remous pour six personnes, télé au plasma, système de karaoké avec guitare électrique, Xbox, cave à vin de 200 bouteilles, table et sol en marbre, robinets plaqués or, etc. - est longue. Citons en particulier Frank Zampino (ex-président du comité exécutif de Montréal), Michel Arsenault (président de la FTQ), le maire de Mascouche, Richard Marcotte, Rosaire Sauriol (Dessau) et Bernard Poulin (Groupe SM).

Aujourd'hui, ce yacht est à vendre sur le site yachtworld.com au prix de 8,5 millions US. Un autre site le propose en location au prix de 75 000 euros (100 000$) par semaine.

Le nom d'une célèbre bijouterie de Montréal, Everest, où Tony Accurso et Louisbourg ont dépensé près de 600 000$ en 2007 et 2008, figure aussi sur la liste dévoilée par la Couronne. Ce commerce vend notamment des stylos et des montres de luxe.

Normand Cherbaka, le président, confirme que Tony Accurso est un client de longue date qui achète beaucoup de choses. «Je ne connais rien de sa vie personnelle; je le connais seulement comme client, et je prends soin de lui comme de tous mes clients.»