Le projet de loi 78 est contraignant et plus large qu'il ne faut, selon Stéphane Beaulac, professeur titulaire à la Faculté de droit de l'Université de Montréal et spécialiste en interprétation législative. «C'est plus qu'il n'en faut pour atteindre l'objectif visé, soit rétablir l'accès aux établissements d'enseignement. On dirait presque que le gouvernement en a passé une petite vite. On ratisse large pour limiter de façon importante le droit de manifester», a-t-il dit hier soir après une première lecture du texte.

Il cite par exemple le fait que les étudiants devront fournir par écrit, huit heures à l'avance, «la date, l'heure, la durée et le lieu» d'une manifestation, et que celle-ci ne puisse s'approcher à moins de 50 m d'un établissement d'enseignement. Le trajet peut être modifié à la demande des policiers.

«Ce n'est pas à 50 m de la porte, c'est à 50 m du périmètre de l'établissement. On est rendu pas mal loin», renchérit Louis-Philippe Lampron, professeur de droit à l'Université Laval.

Il estime que le projet de loi met fin à 50 ans de consensus social. Il n'existait pas à proprement parler de droit de grève pour les associations étudiantes, mais on leur en a toujours reconnu les prérogatives, soutient-il. «Maintenant, cela disparaît. Les associations étudiantes deviennent un club social. Tout ce qu'elles peuvent faire, c'est boycotter leur cours. La loi fait bien plus que régler le conflit actuel.»

Le projet de loi met aussi en cause les salariés des établissements : «Ils doivent travailler même si un seul étudiant assiste à son cours à cause d'un boycottage», souligne le professeur Lampron.

On impose plusieurs responsabilités aux manifestants, et on ajoute même la notion de crime par omission. En effet, l'article 29 indique que quiconque, par un «acte», «omission», «consentement» ou «conseil», amène une autre personne à violer les dispositions de la loi commet lui-même une infraction et est passible d'une forte amende.

Les associations étudiantes ont annoncé qu'elles contesteraient le projet de loi 78. Pourrait-il être jugé anticonstitutionnel? «Ce serait possible de construire un argument pour le contester en vertu du test de la charte, répond Me Beaulac. Mais il n'y a pas de lumière rouge qui s'allume à cet égard.»