Si le conflit ne s'est pas réglé plus tôt, c'est à cause des étudiants, a laissé entendre le premier ministre Jean Charest. Et ce serait «une dérive» d'imputer les violentes manifestations de vendredi soir à sa gestion de la crise.

Il a fallu des négociations intensives de 22 heures pour conclure une entente de principe sur le conflit étudiant, qui s'étirait depuis près de trois mois. Mais M. Charest affirme qu'il n'aurait rien pu faire de plus pour le régler plus tôt. «On a fait tous les efforts nécessaires», a-t-il soutenu à la clôture du conseil général du Parti libéral du Québec (PLQ).

Il n'a pas voulu dire ce qu'il aurait pu faire autrement. Selon lui, le gouvernement a «tendu la main à plusieurs reprises, privément et publiquement» aux leaders étudiants, mais «il faut être deux» pour discuter. Hier matin, le PLQ avait tenu à rassurer ses députés. «Le gouvernement maintient intégralement les hausses» dans l'entente-cadre, leur a-t-on rappelé dans un courriel. «Il est faux de prétendre que l'augmentation des droits de scolarité sera obligatoirement compensée par la baisse des frais.»

À la suite de la manifestation qui a dégénéré vendredi soir, deux manifestants sont dans un état grave. L'un a perdu un oeil, et l'autre a une fracture au visage, une fracture du crâne et une contusion cérébrale.

«Les policiers de la SQ remplissent un mandat de protection qui est difficile. Ils font du mieux qu'ils peuvent. Est-ce qu'il est possible que, dans l'exécution de leur mandat, il y ait des bavures? C'est possible. Il y a des mécanismes justement pour corriger ces choses-là», a observé le premier ministre.

«Mais les boules de billard et les briques, ce n'est pas la SQ qui avait ça», a-t-il rappelé. Selon lui, les policiers ont «fait un travail remarquable dans des circonstances très difficiles.»

Pas d'élections avant l'été

M. Charest a explicitement passé à la trappe tout scénario d'élections avant l'été. «Pour le mois de juin, on n'est pas programmé pour des élections», a-t-il laissé tomber, après quelques réponses plus équivoques. Une question l'a manifestement agacé: comptez-vous profiter de l'été pour réfléchir à votre avenir? «Je vais diriger le parti aux prochaines élections», a-t-il répondu, coupant court quand on lui a demandé de le «promettre». «J'en ai déjà parlé à quelques reprises, c'est assez», a-t-il tranché.

«Les gens qui font des amalgames entre la crise étudiante et un scénario électoral se sont trompés royalement», a-t-il martelé.

Après un discours aux accents nettement préélectoraux, il s'en est pris rudement à son adversaire Pauline Marois. Selon M. Charest, «par sa valse-hésitation» dans le conflit étudiant, Mme Marois «a fait la démonstration qu'elle n'a pas ce qu'il faut pour être premier ministre». Elle offre «un déficit abyssal de leadership» dans un dossier où elle a tout proposé, «du gel à l'indexation», a-t-il ajouté. «Cela dépend à qui elle parle», a conclu M. Charest.

Secoués par les événements de vendredi soir, les délégués ont accueilli avec un soulagement évident le retour à la normale - un discours enflammé où leur chef harangue son adversaire.

Devant les 500 délégués, M. Charest a durement attaqué Mme Marois, dont l'attitude, selon lui, prive le Québec d'occasions économiques comme le Plan Nord. «Sa vision, c'est que tant qu'il n'y a pas de référendum, tout s'arrête au Québec, c'est le gel... des moratoires!» a-t-il lancé, sortant de son texte à la fin de sa brève allocution de clôture.

Après avoir rappelé que son parti était l'artisan d'une future entente entre le Canada et l'Union européenne ainsi qu'un partisan absolu de la mise en valeur du Nord - le Plan Nord a été annoncé il y a un an -, il a longuement dépeint le PQ et sa chef, Pauline Marois, comme enferrés dans une attitude défensive.

Gérer à coups de moratoires

«Où on voit des rampes de lancement, le PQ voit des menaces», a-t-il affirmé. «Elle veut gérer le Québec à coup de gels, de moratoires», a-t-il poursuivi en allusion à sa position dans le dossier du financement des universités. «Nous voulons que nos universités soient les meilleures, Pauline Marois veut un gel, a dit Jean Charest. On veut développer le Nord, Pauline Marois est contre. On veut construire de nouvelles alliances, Mme Marois veut ériger de nouvelles barrières!»

Selon lui, pour la chef péquiste et son parti, de même que pour François Legault, «rien n'est possible au Québec sans qu'on ait posé un geste de rupture. Il faut qu'on se sépare du Canada pour rendre au Québec son avenir!»