Les débordements qui surviennent pendant les manifestations étudiantes risquent de mener à une tragédie, craint de plus en plus le maire de Montréal. Pendant que le dialogue de sourds se poursuit entre le gouvernement et les étudiants, Gérald Tremblay les somme de trouver une solution rapide pour éviter le pire.

«Pourquoi attendre une tragédie pour trouver une solution?», a demandé le maire, hier en conférence de presse. Il affirme avoir été particulièrement choqué par deux gestes faits par des casseurs. Les fumigènes lancés dans le métro et les pierres jetées sur l'autoroute Ville-Marie «auraient pu être tragiques». «Nous avons été chanceux.»

Inquiet, il se demande qui porterait le blâme si une personne devait être blessée gravement ou, pire, tuée pendant les affrontements. «Qui va assumer la responsabilité d'une tragédie? Si ça se produit, qui va faire son mea-culpa? Qui va dire: "J'aurais peut-être dû ouvrir le dialogue, faire des compromis, sortir des sentiers battus pour trouver des solutions"?» Les craintes de dérapage du maire s'accentuent au moment où les policiers montrent, selon lui, des signes de fatigue.

Exaspéré de voir les manifestations dégénérer sur une base presque quotidienne à Montréal, Gérald Tremblay a lancé hier l'énième appel au calme, tant aux étudiants qu'au gouvernement. «C'est totalement inacceptable qu'on soit dans une telle situation. Assez, c'est assez.»

Les coûts du conflit auraient dépassé la barre des 2 millions, selon ce qu'aurait dit le chef de police, Marc Parent, lors d'une rencontre de la Commission de la sécurité publique, mercredi.

Médiateur réclamé

Malgré son impatience, Gérald Tremblay a toutefois refusé hier d'appuyer la proposition de l'opposition de presser le gouvernement de nommer un médiateur dans le conflit étudiant. «Mon travail n'est pas de dire au gouvernement quoi faire. Si c'est la solution, qu'ils fassent appel à un médiateur.»

Hier matin, la chef de l'opposition à Montréal, Louise Harel, a souhaité voir les trois partis municipaux faire front commun pour réclamer l'intervention d'un médiateur. «Ça ne peut plus durer. La situation s'aggrave de jour en jour. Il faut une sortie de crise, a-t-elle soutenu lors d'un point de presse. Québec ne peut pas abandonner la situation et attendre. Il faut un geste fort, rapidement, dans les prochaines heures.»

La deuxième opposition a appuyé la demande même si son chef la juge «rose bonbon». «Ce qu'a vécu Montréal [mercredi] soir est absolument intolérable. Ces débordements de violence doivent cesser», a souligné le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron. L'homme, qui habite au centre-ville, était aux premières loges lorsque casseurs et policiers antiémeutes se sont affrontés dans sa rue.

Richard Bergeron, qui dit avoir assisté à de nombreuses manifestations pacifiques, invite les manifestants à quitter un rassemblement quand ils constatent la présence de casseurs. «Quand vous constatez qu'une manifestation est détournée de son esprit, rentrez chez vous.»

Les deux oppositions ont également invité Gérald Tremblay à ne pas se rendre en mission économique au Moyen-Orient, la semaine prochaine. Le maire n'a toutefois pas l'intention d'abandonner son voyage, a-t-on fait savoir dans son entourage.

L'image de Montréal «ternie»



L'image de Montréal à l'étranger est «ternie» par la multiplication des manifestations violentes, s'indigne Gérald Tremblay. Les images des affrontements entre casseurs et policiers survenus depuis une semaine ont fait le tour du monde: les chaînes télévisées ABC, CNN, BBC et des journaux comme le Wall Street Journal ont rapporté le tumulte. Même la chaîne de nouvelles en continu Russia Today a consacré un reportage aux manifestations contre la hausse des droits de scolarité. «Imaginez ma réaction lorsque je vois les images qui ne reflètent pas nos valeurs», a dit Gérald Tremblay.

Le nombre de reportages reste faible, tempère toutefois Jean-François Dumas, dont la firme Influence Communication évalue l'importance des nouvelles. «Si on faisait le palmarès depuis une semaine des principales raisons pour lesquelles on a parlé du Québec, les émeutes arrivent au 50e rang. Oui, on en parle, mais on parle davantage des attraits touristiques de Montréal et de Québec, alors il faut relativiser.» Pour l'instant, les manifestations violentes ont été traitées comme de simples faits divers. Jean-François Dumas évalue que les médias étrangers ont davantage parlé de l'annulation des spectacles du chanteur français Charles Aznavour et des funérailles du hockeyeur Émile Butch Bouchard.

Les quelques reportages diffusés ont également un impact très limité sur l'attrait qu'exerce le Québec sur les touristes. «Il y a de la violence aux États-Unis tous les jours à la télé et nos snowbirds continuent à aller en Floride l'hiver, non?»