Assimiler la grève étudiante à un boycottage a créé une crise sociale, croit le ministre de l'Enseignement supérieur, Pierre Duchesne. Il songe à changer la loi pour accorder aux étudiants le droit de grève, ce qui leur permettrait d'empêcher leurs confrères d'assister à leurs cours. Le ministre examinera la question l'hiver prochain, au sommet sur l'enseignement supérieur.

«Pendant 40 ans, au Québec, on parlait de droit de grève (étudiante), a dit M. Duchesne. Il y a eu des grèves, des situations dans les cégeps et universités. Puis l'ancien gouvernement libéral a décidé qu'il inventait le mot boycott. La conséquence, c'est qu'on a eu une crise sociale importante, avec une instabilité qui a duré longtemps. On a eu, à un certain moment, 300 000 étudiants en grève. On avait 200 000, 300 000 personnes dans les rues chaque mois, pendant trois ou quatre mois. On a créé de l'instabilité.»

«L'ancien gouvernement libéral, qui était dans la politique de la division, a dit: "On va faire rappeler les juges, on va multiplier les injonctions et on va appeler la police." Ça n'a pas donné un climat favorable aux études», a poursuivi le ministre.

Les étudiants n'avaient pas droit de grève, mais grâce à un «consensus social», on le leur a reconnu dans les faits, a déjà soutenu Louis-Philippe Lampron, professeur de droit à l'Université Laval. Le printemps dernier, on a interprété la grève étudiante de façon plus étroite. Elle était devenue un droit individuel de boycotter un cours.

Cette interprétation a été retenue par plusieurs tribunaux, qui ont rendu plus de 20 injonctions afin de permettre à des étudiants de rentrer en classe même si leur association avait voté pour la grève (rappel ici et ici). Certaines injonctions forçaient des établissements à donner les cours malgré le vote pour la grève. D'autres empêchaient qu'on bloque l'accès aux salles de cours.

En avril, le juge de la Cour supérieure Marc-André Blanchard avait toutefois refusé re rendre l'injonction que demandaient des élèves du cégep de Lanaudière, qui voulaient que leurs cours reprennent.

Plusieurs injonctions n'ont pas été respectées, et des établissements comme le cégep et l'Université de Sherbrooke ont été accusés d'outrage au tribunal. Après l'adoption de la loi 12, seule l'accusation d'outrage au tribunal contre Gabriel Nadeau-Dubois, alors porte-parole de la CLASSE, avait été maintenue.

Sklavounos contre le «droit de bloquer les portes»

Le porte-parole libéral en matière d'éducation, Gerry Sklavounos, accuse le ministre Duchesne de vouloir donner aux étudiants le «droit de bloquer les portes». Il rappelle que, même si le conflit étudiant du printemps dernier est le plus important de l'histoire québécoise, la majorité des étudiants ont terminé leurs cours. «Alors que 70% de nos étudiants ont terminé leurs cours normalement le printemps dernier, le ministre permettrait à ceux qui veulent bloquer l'accès aux salles de classe de le faire légalement et en toute impunité. Pendant ce temps, les classes seront éclairées, chauffées ou climatisées, les professeurs, chargés de cours, administrateurs et employés de soutien, payés. Les Québécois assumeront la note, mais nos étudiants ne recevront pas leurs cours», a-t-il dénoncé.

Il accuse le gouvernement Marois d'avoir «essayé d'acheter la paix en gelant les droits de scolarité»  et en «refilant la facture de 120 millions à la classe moyenne». Et l'ASSÉ menace de relancer un cycle de perturbations, a-t-il rappelé.

M. Duchesne réplique que les étudiants ont le droit de manifester. «Mais ce qu'on dit aux gens, c'est qu'on manifeste quand il y a un blocage, quand on n'écoute pas», a-t-il lancé. Il a rappelé que tous les étudiants seront entendus au sommet sur l'éducation supérieure.

Dans un communiqué de presse, la Fédération étudiante collégiale du Québec a dénoncé les attaques de M. Sklavounos: «Il est simplement irresponsable de nier l'importance de la démocratie étudiante, de refuser de penser à s'assoir afin d'évaluer les méthodes qui nous permettraient un meilleur arrimage législatif des droits qu'exercent déjà les associations étudiantes depuis la fin des années 60. De plus, M. Sklavounos fait fi des constats et problématiques rencontrés au printemps, tout en refusant d'observer les droits fondamentaux que confèrent normalement le droit d'association.»