Luc Tanguay pensait que Guy Turcotte avait fait un «black-out» quand il avait tué ses enfants, le 20 février 2009. Mais deux semaines après le drame, lors d'une rencontre à l'institut Philippe-Pinel, M. Turcotte lui a décrit comment les choses s'étaient passées et a donné des détails précis, comme le fait qu'il entendait son fils «mourir dans son sang», pendant qu'il était dans la chambre de sa fille.

C'est ce que M. Tanguay a raconté, hier, alors qu'il témoignait au procès de Guy Turcotte. M. Tanguay est un consultant en communications qui aidait M. Turcotte à apprendre à mieux communiquer à l'époque.

M. Tanguay a vu M. Turcotte  trois jours avant le drame. Ce dernier était séparé d'Isabelle Gaston. Il était triste, mais semblait en phase de reconstruction. Il voulait que la séparation se passe le mieux possible, il désirait que Mme Gaston et les enfants soient bien en selle financièrement. Il voulait les protéger, a admis M. Tanguay. «Je me suis dit: je ne le reverrai plus chez moi», a relaté M. Tanguay.

Mais l'impensable est arrivé. M. Tanguay l'a appris par le journal, il a «capoté», ne s'attendant pas du tout à un geste pareil de la part de M. Turcotte.

Peu de temps après, M. Turcotte a appelé M. Tanguay et lui a demandé de venir lui rendre visite à l'Institut Philippe-Pinel. «Ma femme m'a dit que je suis devenu vert», a relaté M. Tanguay, hier. Il a néanmoins accepté d'aller le rencontrer, car «j'aimais Guy Turcotte. J'étais sensible à son histoire de vie», a-t-il dit, la voix brisée, au bord des larmes.

Visite à Pinel

Quand ils se sont vus à Pinel, le 7 mars 2009, ils se sont étreints. «Il était calme. Il m'a raconté que ce soir-là, il avait amené ses enfants louer des vidéos. Ils ont soupé ensemble, ont regardé les vidéos ensemble. Ensuite, il a couché ses enfants. Il est allé sur internet, a fait des recherches sur le suicide, parce qu'il avait découvert des échanges entre sa conjointe et un dénommé Martin. Après, il a bu du lave-glace, a parlé une heure avec sa mère, s'est rendu compte qu'il allait mourir et a décidé d'emmener les enfants avec lui», a relaté M. Tanguay.

Selon le récit de M. Tanguay, Guy Turcotte a tué son fils, qui suppliait: «Non, papa, non, papa.» Puis il est allé tuer sa fille. Ce faisant, il entendait son fils mourir. D'un ton de médecin, objectif, rationnel, M. Turcotte a expliqué qu'il fallait dix minutes à une personne pour se vider de son sang.

En contre-interrogatoire, M. Tanguay a admis que M. Turcotte était en pleurs quand il avait fait ces confidences et qu'il semblait sous médication. Il a aussi convenu que M. Turcotte n'avait pas l'air en proie à la rage ni à la colère, trois jours avant le drame. Enfin, M. Tanguay a reconnu qu'il n'avait pas fait état des propos de M. Turcottte sur le temps qu'il fallait pour se vider de son sang, lors de sa déclaration à la police, en 2009. Il ne s'en est souvenu qu'en 2010, a dit M. Tanguay.

«J'ai eu un flash, un vertige, un haut-le-coeur, j'avais des sueurs, j'ai failli m'évanouir. C'est un souvenir que j'avais occulté de façon involontaire.»

Le procès reprendra lundi. Ce sera alors à la défense de commencer sa preuve.