Imran Rana a un baccalauréat et une maîtrise en administration des affaires. Que fait-il pour gagner sa vie ? Il travaille à la réception d’un hôtel du centre-ville de Montréal. 

Son cas est loin d’être unique, selon une nouvelle étude de Statistique Canada qui jette un regard sur une catégorie de l’immigration moins connue, celle des résidents non permanents.

« On m’a offert ce travail et on m’a dit qu’il n’y avait aucun rôle de supervision en ce moment ou correspondant à ma capacité et à mes compétences », explique M. Rana, qui est arrivé au Québec le 3 août 2022 comme demandeur d’asile. Dans son pays, le Pakistan, il était chef du département des ressources humaines dans une station de télé.

« Déménager dans un autre pays et demander l’asile, ce n’est pas facile, dit-il. Vous devez faire vos preuves à partir de zéro. »

Cinq catégories

Dans le recensement de 2021, un total de 924 850 résidents non permanents a été dénombré, dont plus de 205 700 au Québec. Ce nombre est réparti en cinq catégories dans l’étude de Statistique Canada : les demandeurs d’asile (139 200), les titulaires d’un permis de travail (370 420), les titulaires d’un permis d’études (202 795), ceux qui ont un permis de travail et d’études (131 560) et les autres (80 875).

Les données sont basées sur les permis valides pour la période allant du 1er janvier au 11 mai 2021.

Le taux de surqualification est élevé chez toutes les catégories de résidents non permanents, RNP dans le jargon de l’administration fédérale. Au Québec, il atteint 56 % chez les demandeurs. Il est de 36 % chez les titulaires d’un permis d’études et de 44 % chez ceux qui ont un permis de travail et d’études.

Fait étonnant : ce taux est semblable chez les diplômés ayant obtenu leur titre de compétence à l’étranger et ceux l’ayant obtenu au Canada, note Statistique Canada.

Par surqualification, l’agence fédérale entend « le fait d’être titulaire d’un baccalauréat ou d’un grade supérieur, mais d’occuper un emploi exigeant tout au plus un diplôme d’études secondaires ».

Bardés de diplômés

L’étude montre aussi que les RNP sont beaucoup plus nombreux à détenir des diplômes universitaires que l’ensemble de la population. La proportion de bacheliers est de 27 %, contre 17 % pour la population canadienne. Et 20 % des RNP ont un diplôme supérieur à un baccalauréat, contre 9 % pour la population.

Au Québec, le taux de bacheliers est de 22 % chez les RNP, contre 14 % pour la population ; et 28 % ont plus qu’un bac, contre 8 % pour l’ensemble des Québécois.

Pour les deux catégories, cela donne un total de 50 %, plus du double du taux de 22 % observé dans la population. Même les demandeurs d’asile sont davantage diplômés, avec 25 %. Le total est particulièrement élevé pour les titulaires d’un permis de travail : 63 %.

Quels métiers occupent ces personnes bardées de diplômes qui ont un permis de travail ?

Statistique Canada a dressé le top 10 : serveurs (3,3 %), superviseurs des services alimentaires (3,1 %), cuisiniers (2,9 %), vendeurs (2,7 %), chauffeurs de camion (2,6 %), ingénieurs et concepteurs en logiciel (2,3 %), préposés au service à la clientèle (2,2 %), caissiers (2,0 %), aides-soignants (2,0 %) et développeurs de logiciels (1,9 %). Dans ce top, il n’y a que deux professions qui demandent un diplôme d’études post-secondaires : ingénieurs et concepteurs en logiciel, et développeurs de logiciels.

« Les services et la vente ressortent fortement chez les résidents non permanents », constate Nicolas Bastien, analyste, diversité et statistique socioculturelle, à Statistique Canada.

Même si ces emplois peu qualifiés dominent le classement des postes les plus fréquents, il n’en reste pas moins qu’une proportion importante des détenteurs de permis de travail occupent des emplois exigeant des niveaux de compétence plus élevés : 23 % effectuent un travail qui demande habituellement un diplôme universitaire et 21 %, une formation postsecondaire.

C’est la première fois qu’on a une idée du type de professions que les résidents non permanents occupent. C’est une des forces de l’étude, de savoir concrètement où on les retrouve.

Nicolas Bastien, analyste à Statistique Canada

L’étude s’est aussi penchée sur la connaissance des langues officielles chez les résidents non permanents.

Au Québec, 27 % des RNP parlent seulement l’anglais, 26 % parlent le français et 42 % sont bilingues. Pour ceux qui ont un permis de travail, 23 % parlent seulement l’anglais, 22 % parlent seulement le français et 51 %, les deux langues. La proportion de RNP qui parlent seulement l’anglais est particulièrement élevée chez les titulaires d’un permis de travail et d’études : 41 %.

« Chez les demandeurs d’asile, où on compte beaucoup d’Haïtiens, 38 % parlent seulement français », fait remarquer M. Bastien.

Les Français au premier rang

Le Québec accueille 22 % de tous les RNP, soit l’équivalent de son poids dans l’ensemble canadien.

En 2021, il comptait 36 % des demandeurs d’asile, plus que son poids. Mais c’est également vrai de l’Ontario qui, avec 38,5 % de la population permanente canadienne, accueillait 53 % des demandeurs d’asile. Pour les autres catégories, le poids des résidents non permanents au Québec est légèrement plus faible que sa population : 20 % pour les permis de travail, 18 % pour les permis d’études, 21 % pour les permis de travail et d’études.

Les principaux pays d’origine des RNP sont l’Inde (28 %) et la Chine (10 %) au Canada. Au Québec, c’est la France qui est le lieu de naissance le plus fréquent : 20 %.