Roxane Mbikay n’est pas tendre envers Immigration Canada. « Ils ont botché le dossier, déclare-t-elle, en entrevue avec La Presse. Ils l’ont vraiment botché. »

Ce dossier, c’est celui du parrainage des parents de son mari. Le document qu’elle nous a fait parvenir par courriel, relatant toutes les démarches entreprises depuis cinq ans, fait 35 pages.

Roxane Mbikay est née à Montréal. Son mari, Kally Kalambay Ilunga, originaire de la République démocratique du Congo (RDC), est arrivé au Québec en 2001 comme demandeur d’asile. Il a obtenu le statut de réfugié, puis la résidence permanente et la citoyenneté canadienne. Tous les deux, mariés et parents de quatre enfants, travaillent pour le gouvernement fédéral. Mme Mbikay est au ministère de la Justice et son mari est à Environnement Canada.

En 2018, Kally Kalambay Ilunga entreprend des démarches auprès d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) pour parrainer son père et sa belle-mère, conjointement avec sa femme.

Le 1er août 2018, IRCC l’invite à participer au Programme des parents et des grands-parents. Il remplit la demande et paie les frais demandés.

Le 4 janvier 2019, on lui dit que la demande est acceptée. Son père et sa belle-mère vont devoir fournir leurs données biométriques et passer un examen médical dans les prochains mois.

Le 23 décembre, il obtient pour chacun d’eux le Certificat de sélection du Québec, préalable à la résidence permanente au Québec.

Du 8 janvier au 20 mai, M. Kalambay Ilunga et sa femme relancent IRCC et le bureau de Dakar, qui traite le dossier en Afrique.

Complications

Entre-temps, la pandémie frappe. Le père de M. Kalambay Ilunga meurt le 8 juin. La cause du décès ? Le couple l’ignore.

On enterrait les gens très rapidement à cette époque à cause de la COVID. Il n’y a pas eu d’autopsie.

Roxane Mbikay

Les choses se compliquent par la suite. Le père de M. Kalambay Ilunga était le demandeur principal. Sa femme, qui n’est pas sa mère biologique, était considérée comme « dépendante ».

En juillet, le couple informe IRCC de la mort du père de M. Kalambay Ilunga et précise vouloir poursuivre les démarches de parrainage de sa belle-mère.

Le 5 novembre, il reçoit un courriel du bureau de Dakar. « On nous demande le certificat de décès de ma belle-mère », précise Mme Mbikay. M. Kalambay Ilunga répond que c’est son père qui est mort, pas sa belle-mère…

Le 5 décembre, une lettre d’IRCC lui confirme que sa belle-mère est admissible au programme.

En 2021, il écrit à son député, au ministre fédéral de l’Immigration et à IRCC pour avoir des nouvelles. Il fait même des demandes en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

Mauvaise surprise

Le 10 juin 2021, M. Kalambay Ilunga découvre que le bureau de Dakar lui a envoyé un courriel à une mauvaise adresse, le 18 mai, pour l’informer que sa belle-mère n’est plus admissible, à la suite du décès de son père, parce qu’elle n’est pas sa mère biologique.

Le courriel, consulté par La Presse, précise : « Avant que nous prenions une décision finale, vous avez l’occasion de nous expliquer pourquoi votre demande ne devrait pas être refusée. Vous devez faire parvenir toutes informations et/ou documents qui selon vous sont aptes à enrayer toutes les préoccupations concernant votre demande de résidence permanente. »

Le 15 juillet, M. Kalambay Ilunga envoie une lettre « justificative » à IRCC et reste sans nouvelles pendant près d’un an.

Je considère ma belle-mère comme ma mère. C’est elle qui m’a élevé à partir de l’âge de 4 ans.

Kally Kalambay Ilunga

Le 6 juin 2022, IRCC lui écrit pour l’informer que sa belle-mère doit subir un examen médical à Kinshasa, capitale de la RDC. Il comprend alors que sa demande est en traitement. « Si la décision avait été finale, ils ne nous auraient jamais demandé d’aller de l’avant avec l’examen médical », dit-il.

Le 19 août, on lui demande d’envoyer le Certificat de sélection du Québec, la liste des voyages effectués au cours des 10 dernières années par sa belle-mère, les données biométriques et le passeport. L’examen médical a lieu le 17 octobre.

Le 18 novembre, IRCC confirme avoir reçu tous les documents.

Puis, le 1er février 2023, il apprend que la demande est refusée. La raison ? Maguy Ngandu Ngalula n’est pas sa mère biologique.

Pendant deux ans, ils nous ont laissés croire qu’on était à la fin du processus.

Kally Kalambay Ilunga

« Normalement, IRCC ne demande pas à quelqu’un d’aller faire un examen médical pour lui dire non à la fin. Mais le problème, c’est que le dossier passe de main en main, d’une personne à une autre, dans différents bureaux, à Mississauga, Montréal, Vancouver, Dakar », ajoute sa femme.

Contestation, en vain

Le couple a contesté la décision en Cour d’appel, mais sa demande a été refusée parce que le délai d’appel, qui est de 30 jours à partir de la date de la décision, est dépassé, et que Maguy Ngandu Ngalula n’est pas la mère biologique de M. Kalambay Ilunga.

La Cour d’appel a tenu compte du courriel du 18 mai 2021 plutôt que de la décision du 1er février 2023. « Le refus n’a jamais été soumis le 18 mai [2021], insiste Roxane Mbikay. Ils ont continué le dossier quand ils ont ensuite envoyé les lettres pour les données biométriques et l’examen médical. »

En dernier recours, le couple a fait une demande de résidence permanente pour des considérations d’ordre humanitaire, mais cette demande a aussi été refusée.

En savoir plus
  • 36 800
    Nombre de personnes à destination du Québec ayant une demande de résidence permanente en traitement à IRCC dans le programme du regroupement familial
    Source : ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration