Dans une lettre envoyée à l'Assemblée nationale, Tamara Thermitus soutient que demander sa démission ou sa destitution à ce stade-ci «constitue un grave déni de justice et une entrave aux principes de justice naturelle les plus élémentaires». La présidente de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) demande à être entendue par les parlementaires «au moment opportun».

Sa sortie survient une semaine après le dépôt du rapport de la vérificatrice externe, Lise Verreault, commandé par la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée. Selon ce rapport, Mme Thermitus doit quitter la tête de la CDPDJ. Elle a un style de gestion inapproprié et n'a pas ce qu'il faut pour «redresser la situation» au sein de cet organisme aux prises avec divers problèmes internes, ajoute l'auteure Lise Verreault.

En arrêt de travail depuis octobre dernier, Tamara Thermitus a écrit au président de l'Assemblée nationale, Jacques Chagnon, le 3 mai, une lettre qui a été déposée au Salon bleu mardi.

Elle constate que le rapport Verreault «a suscité des réactions suite auxquelles l'on demande ma démission et/ou ma destitution sans indemnisation». Le Parti québécois et la Coalition avenir Québec, qui avaient appuyé sa nomination en février 2017, réclament son départ car ils n'ont plus confiance en elle. De son côté, Québec lui a suggéré de prendre la porte dès janvier, en vain. Il envisage de déposer une motion de destitution à l'Assemblée nationale pour la mettre à la porte.

Dans sa lettre, Mme Thermitus souligne que l'enquête du Protecteur du citoyen contre elle - qui concerne des plaintes pour mauvaise gestion notamment - se poursuit toujours. Rappelons qu'elle avait tenté de faire annuler cette enquête devant les tribunaux, pour ensuite abandonner ses démarches. «Mon témoignage devant le Protecteur du citoyen est présentement en cours et l'enquête de celui-ci n'est pas encore terminée», affirme-t-elle. Les enquêteurs du Protecteur avaient auparavant tenté de la rencontrer, en vain.

«Je tiens à être entendue et à ce que la lumière soit faite sur cette affaire. Demander ma démission ou me destituer alors que le processus devant le Protecteur du citoyen n'est pas encore terminé constitue un grave déni de justice et une entrave aux principes de justice naturelle les plus élémentaires», affirme-t-elle.

Elle fait valoir qu'elle est «la première femme noire à avoir été nommée présidente de la CDPDJ» et qu'elle a «passé (sa) carrière à défendre les droits de la personne».

«Je vous demande à ce que mes droits soient respectés et qu'aucun processus de destitution ne soit entamé tant et aussi longtemps que l'enquête du Protecteur du citoyen est en cours», ajoute-t-elle.

Elle a une autre demande: «je tiens à être entendue par les parlementaires au moment opportun».

Comme Tamara Thermitus refuse de démissionner pour le moment, le gouvernement Couillard envisage le dépôt d'une motion à l'Assemblée nationale pour la destituer de son poste, un geste qui serait sans précédent. Des sources laissent entendre qu'on attendrait le dépôt du rapport du Protecteur du citoyen avant de statuer sur le dépôt ou non de cette motion.

Il faut comprendre que le gouvernement ne peut pas congédier Mme Thermitus, car le poste de président de la CDPDJ est l'une des rares nominations faites par les parlementaires à l'Assemblée nationale, comme celui de Vérificateur général par exemple. La seule façon de mettre à la porte le titulaire d'une telle fonction, c'est que les députés le destituent, ce qui ne s'est jamais vu. Preuve que la situation est inusitée: la mécanique exacte pour faire une destitution n'est prévue nulle part.

Selon nos sources, le gouvernement est arrivé à la conclusion que si une telle destitution devait avoir lieu, le premier ministre devrait déposer en Chambre une motion en ce sens, car c'est lui qui avait proposé la nomination de Mme Thermitus à l'Assemblée nationale. Et comme pour une nomination, les deux tiers des députés devraient voter en faveur de la destitution pour qu'elle prenne effet. L'appui de l'opposition paraît acquis, puisque le PQ et la CAQ réclament le départ de Mme Thermitus.

Au cabinet du premier ministre Philippe Couillard, on refuse de commenter le dossier. On attend le rapport du Protecteur du citoyen, qui refuse de dire à quel moment son enquête sera terminée. La session parlementaire prend fin le 15 juin.