Acquis au coût de 79 millions, des équipements neufs destinés à la centrale nucléaire Gentilly-2 ont été écoulés pour moins de 75 000 $ sur le marché de la ferraille, révèle un rapport de la vérificatrice générale Guylaine Leclerc.

Le rapport 2015-2016 de la vérificatrice observe qu'Hydro-Québec n'a pas jugé bon lancer un appel de propositions en bonne et due forme pour vendre la turbine à vapeur de la centrale. La société d'État s'est limitée à un appel de propositions restreint pour écouler rotors, supports et autres outillages sur la base d'une évaluation «peu rigoureuse» de la valeur marchande des biens.

«Ils ne sont pas allés en appel d'offres public, a soulevé Mme Leclerc, qui présentait mercredi son tout premier rapport depuis son entrée en fonction. Le temps pressait pour différents éléments (...) et ils se sont tournés vers des fournisseurs ou des intervenants avec qui ils faisaient affaire habituellement, soit des recycleurs de métaux. Ils ont proposé sur invitation à des recycleurs de métaux, à des organismes de démolition, de faire des propositions.»

Les équipements dernier cri avaient été livrés à l'été 2011, un peu plus d'un an avant l'annonce par le gouvernement du Parti québécois de la fermeture de la centrale et de l'abandon du projet de réfection.

Hydro-Québec a négocié de gré à gré avec le fabricant de la turbine pour tenter de lui revendre les pièces, mais ce dernier s'est désisté en septembre 2014. Après trois mois de recherche, la société d'État s'est tournée vers le marché des ferrailleurs qui ont mis la main sur la marchandise pour une bouchée de pain.

Compte tenu du fait que les pièces étaient conçues sur mesure pour Gentilly-2, il est possible de présumer que le marché était fort restreint, a convenu Mme Leclerc.

Néanmoins, «nous n'avons pas évidence qu'ils ont fait tous les efforts pour valoriser l'équipement et le vendre sur un marché qui aurait été plus approprié», a affirmé la vérificatrice en point de presse.

Devant les représentants de la presse nationale, Mme Leclerc a fait état des difficultés d'obtenir des justifications auprès d'Hydro-Québec.

«C'est un des défis de ce dossier-là. On ne peut pas conclure parce qu'on n'a pas l'information des décisions qui ont été prises. Pourquoi les décisions ont été prises de telle et telle façon? On n'a pas l'information, ça n'a pas été documenté», a-t-elle dit.

De son côté, Hydro-Québec prétend avoir investi tous les efforts requis pour trouver un acquéreur, mais la fabrication sur mesure des équipements rendait la transaction peu attrayante pour les éventuels acheteurs.

«On a alloué les ressources et mis beaucoup d'efforts», a assuré une porte-parole de la société d'État, Marie-Élaine Deveault.

De même, dans un communiqué, Hydro-Québec minimise l'impact de la décision d'écouler les biens sur le marché du recyclage des métaux.

«Hydro-Québec a radié l'ensemble des actifs de la centrale de Gentilly-2 dès l'exercice financier de 2012. Conséquemment, les actifs à valoriser, comme ceux faisant l'objet de ce rapport, ont une valeur nulle au plan comptable», souligne le communiqué.

À ce jour, la vente d'actifs a rapporté près de 9 millions, se félicite le producteur d'électricité.

Le ministre de l'Énergie, Pierre Arcand, est en accord avec les explications d'Hydro-Québec et ne voit rien de «majeur» dans la liquidation d'équipements achetés pour 79 millions.

«Ces équipements, faits sur mesure, n'avaient pas ou à peu près pas de valeur sur le marché, a dit le ministre. Il y a eu sept groupes qui ont soumissionné et le meilleur prix a été obtenu dans les circonstances.»

Mais pour le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, cette vente de feu dépasse l'entendement et mérite un examen. Hydro-Québec «brûle» l'argent des Québécois, a-t-il allégué.

«Il faut aller au fond du dossier, a-t-il lancé. Est-ce qu'il y a des problèmes de corruption? Est-ce qu'il y a des problèmes de mauvaise gestion? C'est impensable qu'une turbine de plus de 70 millions soit vendue 75 000 piastres, voyons donc. Je ne crois pas ça», a lancé M. Legault