Le père Noël, qui boira un verre de lait dans toutes les maisons visitées ce soir, fait de moins en moins d'émules. Au Québec, la consommation de lait a chuté de 20% en 30 ans, passant de 96,3 à 77 litres par personne, par an, entre 1981 et 2011.

«La diminution de la consommation de lait, c'est un phénomène qu'on observe tant au Québec qu'au Canada et aux États-Unis», indique Dominique Benoit, vice-président aux affaires institutionnelles et aux communications d'Agropur, la plus grande coopérative laitière du pays. Encore en 2011, le volume de lait frais vendu au détail au Québec a baissé de 2% par rapport à l'année précédente, selon ACNielsen.

«C'est inquiétant, parce qu'on remplace forcément le lait par d'autres boissons, souvent à calories vides», dit Amélie Charest, professionnelle de recherche à l'Institut des nutraceutiques et des aliments fonctionnels de l'Université Laval. On se prive de calcium, de vitamine B12 et des 14 autres éléments nutritifs du lait pour consommer plus de sucre.

Il y avait à la disposition de chaque Canadien 79,7 litres de boissons gazeuses en 2011, contre 71,8 litres de lait. C'est sans compter les eaux vitaminées, boissons énergisantes, boissons sportives et thés glacés, omniprésents dans les dépanneurs et les machines distributrices.

«La concurrence d'autres produits prend de l'importance, reconnaît M. Benoit. Individuellement, les ventes de boissons de riz, d'amande ou de soya ne sont pas très grandes encore, mais globalement, ça finit par faire des quantités notables.»

Laits spécialisés

Succès à souligner, le volume de boissons de riz réfrigérées vendues au Québec a bondi de 23,4%, entre 2010 et 2011. Certains laits spécialisés suscitent aussi l'engouement: le volume du lait biologique vendu a augmenté de 14,3% en un an, et celui du lait réduit en lactose a progressé de 11,8%. Mais d'autres produits déclinent, comme le lait enrichi en oméga-3 (chute de 15,96% du volume vendu en un an) et le lait filtré (-6,7%).

«On travaille du côté de l'innovation, pour tenter de renverser les tendances», assure M. Benoit. Natrel a lancé Baboo, un lait formulé pour les bambins de 12 à 24 mois. Saputo courtise, quant à elle, les sportifs, avec les nouveaux laits de récupération Ultimate, enrichis en protéines.

Vieillissement de la population en cause

Peut-être faudrait-il développer un lait s'adressant aux personnes âgées, le vieillissement de la population étant l'une des principales causes du déclin des ventes de lait.

Plus les gens vieillissent, moins ils prennent du lait comme boisson, confirme Nicole Dubé, directrice du marketing à la Fédération des producteurs de lait du Québec. Ils se tournent vers les yogourts et les fromages pour le calcium.» Paradoxalement, certains boivent moins de lait pour diminuer leur apport en gras, mais mangent plus de fromage, «qui contient entre 20% et 35% de gras», souligne Mme Charest.

Et ce n'est pas suffisant: les deux tiers des Canadiens ne consomment pas les deux (pour les 19 à 50 ans) ou trois portions (pour les 51 ans et plus) de produits laitiers recommandées par jour.

Il faut dire que le lait est moins abordable que d'autres boissons. Vendredi, Pharmaprix offrait quatre bouteilles de deux litres de Pepsi ou de Coca-Cola pour 5$. Acheter du lait 1% coûte deux fois plus cher.

Le Québec a produit 2,9 milliards de litres de lait en 2011, exactement autant qu'en 1981. Ce lait est bu sous forme liquide, mais il est aussi transformé (en crème, beurre, yogourt, etc.) et en partie exporté.

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LE LAIT DEPUIS 30 ANS

20% moins de lait consommé

1981: 96,3 litres de lait par personne

2011: 77 litres de lait par personne

69% des fermes laitières ont disparu

1981: 20 125 fermes laitières

2011: 6287 fermes laitières

47% du cheptel a disparu

1981: 705 000 vaches laitières

2011: 370 000 vaches laitières

2,9 milliards

Production laitière stable

1981: 2,9 milliards de litres

2011: 2,9 milliards de litres

Source: Fédération des producteurs de lait du Québec.

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BON EN CHOCOLAT

Le lait nature doit être jaloux de son frère sucré, le lait au chocolat. Les Québécois consomment aujourd'hui 45% plus de lait au chocolat qu'en 2002, contre 10% moins de lait nature au cours de la même période.

«On fait beaucoup la promotion du lait au chocolat, indique Nicole Dubé, directrice du marketing de la Fédération des producteurs de lait du Québec. Notre stratégie est de dire que le lait au chocolat, c'est la boisson de récupération par excellence, après une activité intense. Au lieu de prendre des poudres, du Red Bull, des boissons énergisantes, les gens qui s'entraînent beaucoup se tournent vers le lait au chocolat.»

Mais attention: il faut faire plus d'une heure de sport (emballer des cadeaux ne compte pas) pour que l'organisme ait besoin d'une boisson de récupération.

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Séduire les immigrants par l'entremise de leurs enfants

Si l'on boit moins de lait par personne au Québec, c'est aussi parce que de nouveaux arrivants n'ont pas l'habitude de boire ce liquide blanc.

«Les Asiatiques, en particulier, ont un moins grand historique de consommation de produits laitiers», note Dominique Benoit, vice-président aux affaires institutionnelles et aux communications d'Agropur.

La Fédération des producteurs de lait du Québec tente de les joindre par la bouche de leurs enfants. «Dans le grand Montréal, les écoles sont très multiethniques, souligne Nicole Dubé, directrice du marketing à la Fédération des producteurs de lait du Québec. Dans ces écoles, il y a un programme de lait-école.»

Lait-école

Le quart des écoles primaires du Québec (560 sur un total de 2201) offrent un berlingot de lait frais à leurs élèves, dans le cadre de ce programme financé par le ministère de l'Éducation. «Ça équivaut à 11 millions de berlingots de lait par an», précise Mme Dubé.

Pour offrir du lait à plus d'enfants encore, la Fédération se dit prête à bonifier le budget gouvernemental. «On travaille à un projet qu'on annoncera en temps et lieu», dit Mme Dubé.