«Oui la France!» La missive est signée Sylvie Verez, représentante du Front national (FN) au Québec. Adressée aux Français du Canada, la lettre a fait tiquer plusieurs expatriés. Pourtant, le FN, hostile à l'immigration, vit au-delà des frontières hexagonales.

«Vous savez, même si je suis loin, je suis toujours patriote», dit Mme Verez, 46 ans, installée à Québec.

Depuis un peu moins d'un an, elle se consacre à temps plein à la vie de parti du FN au Canada: un tout nouveau mandat.

Selon elle, le parti compte des adhérents de plus en plus nombreux à Chicoutimi, Toronto, Québec, Montréal, Winnipeg. Des Français et des Québécois, dit-elle, sans toutefois donner de chiffres.

Sylvie Verez est sensible aux idées du FN depuis son plus jeune âge.

«En France, on a ouvert les portes à tout le monde. Nous avons eu des Polonais, des Allemands, des Italiens... Il n'y a jamais eu de problèmes de laïcité. Maintenant, beaucoup de personnes qui arrivent chez nous ne respectent plus la laïcité, brûlent notre drapeau, sifflent La Marseillaise.Il faut remettre les choses en ordre.»

Elle devait représenter le FN aux élections législatives de juin, mais elle s'est désistée. C'est Claire Savreux qui la remplace.

Loin de leur pays natal, certains Français restent séduits par le FN, et surtout par sa présidente, Marine Le Pen.

«Moi, je n'ai rien contre les immigrés, le FN non plus. Mais si on part dans un pays, il faut accepter de s'adapter», croit Philippe, Montréalais d'origine française.

Sur Twitter, il relaie des articles touchant à l'immigration et commente l'actualité avec virulence.

Ce petit-fils d'Algérien, ancien sympathisant du Parti communiste, croit que les «barbus» essaient de «détruire les identités».

Aux États-Unis, le représentant du Front national n'a adhéré au FN qu'en 2007: pourtant, Joanny Leroy partage depuis longtemps les idées de Jean-Marie Le Pen. Il a quitté la France en 1979, par peur «des socialistes». À San Diego, M. Leroy travaille dans le «recycling» («ça fait mieux que ferrailleur», dit-il) et est devenu américain. Mais il n'a pas oublié les idées poujadistes de sa jeunesse.

«On est submergés par des vagues d'invasion, comme dans le temps d'Attila! Sauf que les Wisigoths, ils arrivent maintenant en Mercedes plutôt qu'à cheval», nous dit-il lorsque nous le rencontrons à Montréal.

Sur l'immigration, ses positions sont à géométrie variable. La France est trop laxiste, mais les États-Unis, trop stricts, dit-il: l'une de ses filles a d'ailleurs été expulsée vers la France. Il n'est pas défavorable à la double citoyenneté, pourtant décriée par Marine Le Pen, mais pour les expatriés français seulement: les immigrés, eux, devraient se contenter d'une seule citoyenneté.

Comme en France, où il est populaire auprès des jeunes, le FN séduit aussi de jeunes expatriés. C'est le cas de Florian, 20 ans.

Il était enfant lors du face-à-face entre Jean-Marie Le Pen et Jacques Chirac, en 2002, mais était déjà fasciné par le leader d'extrême droite.

Aujourd'hui étudiant à Montréal, Florian a des idées de gauche pour l'économie, mais n'aime pas «l'acculturation» de la France.

«On ne parle jamais du racisme anti-blancs, soutient le jeune homme. Je ne suis pas antiarabes, mais quand on voit ce qui se passe dans notre pays...»

Les batailles plus traditionnelles du FN, contre l'avortement et pour la peine de mort, le laissent perplexe. Mais il croit que le FN a rompu avec ses racines d'extrême droite.

Il votera Le Pen, demain: un choix longtemps marginal au Canada, où le FN a recueilli 3,27% des suffrages en 2007.

Quels que soient les résultats du scrutin, Florian ne retournera «jamais en France tant que le FN ne sera pas au pouvoir».