La FTQ-Construction est la cible d'un recours collectif intenté par des travailleurs et des entrepreneurs victimes de la fermeture forcée des chantiers à la fin du mois d'octobre.

Deux entrepreneurs en maçonnerie et un de leur salarié affirment que la FTQ-Construction a été le véritable maître d'oeuvre du débrayage massif et que la centrale syndicale est responsable de leurs pertes.

Les perturbations étaient loin d'être un geste spontané, selon la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif qui a été déposée, hier, au palais de justice de Montréal. Au contraire, la FTQ-Construction a «pris en otage l'industrie de la construction» en lançant une «action concertée et orchestrée dans le cadre d'une stratégie globale d'intimidation d'envergure provinciale», indique la requête.

Les entrepreneurs Turenne Briques et Pierres ainsi que Maçonnerie Magloire Gosselin, qui agissent à titre de requérants, ont dû fermer plusieurs chantiers à cause des perturbations les 21, 24 et 25 octobre derniers. Ils réclament à la FTQ-Construction l'équivalent des pertes de profits qu'ils ont subies, de 10 000$ et 3500$, plus les intérêts.

Le recours collectif pourrait regrouper toutes les entreprises de 50 employés et moins qui ont aussi subi des pertes à cause des perturbations sur près de 200 chantiers partout au Québec. Il y aurait environ un millier d'entreprises, avance Me David Bourgoin, du cabinet BGA Avocats, qui pilote le recours.

La semaine dernière, l'Association de la construction du Québec (ACQ) a avisé ses 15 000 entreprises affiliées des mesures à prendre afin d'intenter une poursuite contre les responsables du débrayage massif.

Le recours collectif englobe aussi tous les travailleurs qui ont perdu des heures de travail, comme Sylvain Gosselin, salarié de Maçonnerie Magloire Gosselin, qui a été privé de 140$ pour quatre heures de travail.

Il agit au nom de tous les travailleurs de la construction du Québec dont le salaire a été amputé par la fermeture des chantiers. «Comme ce n'était ni une grève ni un congé de maladie, ils n'ont pas été payés. C'est comme une absence non motivée, dit Me Bourgoin. C'est un peu comme s'ils réclamaient leur fonds de grève à la FTQ.»

La FTQ-Construction représente 70 000 travailleurs provenant de 17 syndicats affiliés, près de la moitié de toutes les personnes qui travaillent dans la construction.

Il arrive parfois que des conflits de travail déclenchent un recours collectif intenté par des contribuables ou des usagers qui ont été privés de service. Par exemple, les conflits à la Société de transport de Montréal ont déjà fait l'objet de recours collectifs.

Cependant, il est assez inusité de voir des syndiqués poursuivre leur propre centrale syndicale, dit Me Bourgoin, qui réclame aussi le versement de 10 millions de dollars en dommages punitifs par la FTQ.

L'avocat entend faire la preuve que la FTQ-Construction a été le véritable cerveau du débrayage. «Il y avait des autobus qui avaient été nolisés pour que les délégués syndicaux débarquent sur les chantiers pour les fermer. Il y avait un genre de quartier général de prévu pour coordonner les choses. Pour nous, ce sont des éléments qui démontrent le caractère concerté», dit-il.

Il rappelle que la FTQ-Construction a réagi négativement au projet de loi 33 sur l'abolition du placement syndical sur les chantiers de construction qui a été déposé le 6 octobre par la ministre du Travail.

Dès les jours suivants, les leaders syndicaux ont laissé planer la menace de ralentissements et d'arrêts de travail sur plusieurs chantiers. La FTQ-Construction a «sciemment» et «volontairement» perturbé le travail sur les chantiers, indique la requête. Par son silence, la FTQ-Construction a ensuite cautionné et encouragé les moyens de pression, alors que la CSN a plutôt lancé une directive pour encourager ses membres à se rendre au travail.

La FTQ-Construction n'a pas été en mesure de réagir au dépôt du recours collectif hier.