Demain, au plus tard. Les représentants du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ) préfèrent attendre avant de donner les premiers résultats de leur tournée de la fin de semaine dernière chez les fabricants et les détaillants de fromages.

Ils ont pourtant en main une précieuse liste qui place hors de tout soupçon de nombreux fromagers de la province. « Nous travaillons sur notre plan de communication », a indiqué Guy Auclair, porte-parole du MAPAQ dans le dossier Listeria.

La fin de semaine dernière, une partie des inspecteurs du MAPAQ a fait le tour de tous les fromagers qui travaillent avec du lait cru. Ils ont demandé aux propriétaires de consulter les résultats de leurs analyses pour la bactérie Listeria.

Le hic, c'est que, présentement, les artisans sont libres de faire ou non des tests sur leurs fromages. « Il n'y a pas d'inspection obligatoire pour les bactéries pathogènes », explique Guy Auclair, qui concède que cette façon de faire sera peut-être revue, une fois la crise passée. Toutes les entreprises qui n'avaient pas en main de récents tests, faits dans les deux derniers mois, indiquant qu'il n'y avait pas de Listeria ont fourni des échantillons de fromages.

Le MAPAQ ne pouvait pas dire hier combien de fromageries sur les 40 visitées ont dû se soumettre aux tests. On tarde aussi à dévoiler les noms des entreprises dont les fromages sont hors de tous soupçons. Dès que les détaillants l'auront en main, ils pourront reprendre leurs achats sans crainte de devoir jeter une partie de leur marchandise à cause de risques de contamination croisée.

« Si ça continue comme ça, on risque de vite parler au passé de plusieurs artisans québécois », dit Éric Proulx qui fait du fromage de chèvre à la Ferme Tourilli de Saint-Raymond-de-Portneuf. Il n'a pas reçu la visite des inspecteurs du MAPAQ, puisqu'il fait du chèvre de lait pasteurisé, mais il sent bien que les consommateurs hésitent à mettre un fromage sur la table par les temps qui courent. « L'humeur n'est pas jojo... », avoue l'artisan qui est d'ordinaire beaucoup plus loquace.

Au coeur de cette énorme crise de santé publique, il y en a une petite qui est en train d'envenimer le petit milieu du fromage haut de gamme québécois.

Des détaillants sont furieux parce qu'on les a publiquement accusés d'avoir contaminé des fromages. Des petits fromagers estiment que des confrères ont manqué de rigueur et leur attribuent la responsabilité de cette crise. En coulisses, on s'accuse l'un l'autre, les couteaux volent bas et toutes les rumeurs circulent sur le prochain rappel.

Mais à peu près tout ce monde en a contre la gestion de crise du MAPAQ. « Le MAPAQ vit avec le syndrome de la poule sans tête », dit l'ancien fromager Luc Mailloux. Il est loin d'être le seul à critiquer durement le gouvernement québécois.

Le représentant du MAPAQ sait qu'il y a beaucoup de grogne dans le milieu, mais invoque la santé publique pour justifier la spectaculaire opération de la fin de semaine où l'on a détruit des milliers de kilos de fromages.

Hier, le Parti québécois s'est joint au concert de critiques. Le député des Îles-de-la-Madeleine et porte-parole en matière d'agriculture, Maxime Arseneau, a mis en doute la pertinence de la saisie. Cette «opération musclée», «mal expliquée», «nuit à la réputation des fromages du Québec et mine la confiance des consommateurs», a-t-il affirmé.

Selon lui, le ministre Laurent Lessard, dont il déplore «l'absence de leadership», aurait dû instaurer des tests de Listeria avant la mise en marché des fromages, dans les usines de fabrication. Il doit maintenant «corriger les dégâts qui résultent de son geste intempestif», en offrant un dédommagement à l'industrie et en travaillant à sa relance, a ajouté M. Arseneau.

Le ministre Laurent Lessard est à l'extérieur de son bureau jusqu'à lundi prochain. Il se remet d'une opération à la mâchoire.

Deux autres décès confirmés au Canada

Par ailleurs, deux autres décès liés à la listériose ont été confirmés ces derniers jours à Ottawa et à Kelowna, en Colombie-Britannique.