Conséquence possible du durcissement des mesures contre l'immigration illégale aux États-Unis, de plus en plus de personnes demandent l'asile au Canada, révèlent de récentes données du gouvernement.

Au cours des quatre premiers mois de 2008, le nombre total de demandes d'asile a augmenté de 51 % par rapport à la même période en 2007, selon un bulletin d'information préparé par les services de renseignement de l'Agence des services frontaliers du Canada.

Le document, que La Presse a obtenu grâce à la Loi sur l'accès à l'information, indique également que le nombre de demandes faites par des ressortissants des États-Unis a augmenté de 148 %, et de 127 % chez les Haïtiens.

«En 2008, le Canada a déjà enregistré sa troisième hausse annuelle consécutive,

ont écrit les auteurs du document interne. Le nombre de demandes d'asile a augmenté de 16 % en 2006, de 25 % en 2007 et de 51 % au cours des quatre premiers mois de 2008.»

«Même s'il reste encore plusieurs mois dans l'année (et que plusieurs autres initiatives viendront probablement influer sur les chiffres), un total de fin d'année d'au moins 40 000 demandes d'asile peut être prévu», peut-on lire un peu plus loin. En 2007, le Canada avait reçu 28 238 demandes en tout.

Personne à l'Agence des services frontaliers (ASFC) n'a pu expliquer cette différence, hier.

Mais selon des groupes d'aide aux réfugiés, la situation s'explique par deux facteurs. D'abord, le climat aux États-Unis. Depuis le 11 septembre 2001, le gouvernement a fermé les frontières, surveille l'immigration et met davantage de pression sur les employeurs. La police fait des descentes dans des usines pour mettre la main au collet de travailleurs illégaux.

«Je pense que c'est à la fois la peur d'un resserrement, une question de perception, et en même temps c'est vrai qu'il se passe quelque chose parce qu'on voit régulièrement des descentes là-bas et des expulsions en masse de personnes illégales», indique Richard Goldman, du Comité d'aide aux réfugiés.

Autre facteur, et qui marquerait la continuité d'un phénomène observé dans la dernière moitié de 2007 : des malfaiteurs ont trompé des membres de la communauté haïtienne aux États-Unis.

Vers la fin de l'été dernier, des demandeurs d'asile haïtiens ont commencé à

affluer aux frontières canadiennes, munis de formulaires qu'ils croyaient être des demandes d'asile. Malheureusement, les documents étaient faux. Des réseaux de malfaiteurs auraient apparemment profité de rumeurs répandues au sud de la frontière pour prétendre les aider, moyennant quelques centaines de dollars...

Si ces réseaux semblent avoir été démantelés, les rumeurs, elles, ont la vie dure. « Il y a encore des gens qui m'appellent et qui croient qu'ils peuvent obtenir l'asile grâce à un programme spécial », soutient Richard Goldman.

Pascal Alatorre, directeur du YMCA, plus important centre d'hébergement de nouveaux arrivants à Montréal, confirme la tendance. «Les Haïtiens et les Mexicains représentent environ 90 % de notre clientèle et ils se partagent en proportions à peu près égales, a-t-il observé. L'augmentation de ces deux groupes a fait que l'on a atteint des records.» Selon le directeur, cette augmentation dure depuis près d'un an.

L'une des particularités de cette vague de demandeurs d'asile est le fait qu'il y a beaucoup d'enfants, a pour sa part indiqué Janet Dench, directrice du Conseil canadien pour les réfugiés. C'est d'ailleurs ce qui explique la hausse de 148 % de ressortissants américains signalée par les services de renseignement de l'ASFC.

Les demandeurs américains sont en effet généralement des enfants nés aux États-Unis qui suivent leurs parents. «Ça a toujours été le cas, a confirmé Mme Dench. Mais avec cette grande population haïtienne, ça l'est particulièrement. Beaucoup d'entre eux sont depuis des années et des années aux États-Unis. On voit beaucoup de familles avec de nombreux enfants, dont plusieurs sont nés aux États-Unis.»

Janet Dench croit néanmoins que les chiffres obtenus par La Presse sont à prendre avec un grain de sel. D'abord, dit-elle, parce qu'ils ne cadrent pas nécessairement avec les siens, qu'elle ne nous a pas fournis en entier. Ensuite parce que, à son avis, la vague d'immigration haïtienne observée au moment des fraudes aux États-Unis tend à se résorber.

« C'est sûr que ça a augmenté depuis l'année dernière, mais en même temps on peut aussi noter qu'il y a en moyenne moins de demandes que dans la deuxième moitié de 2007. »

D'autres chiffres fournis par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié

du Canada indiquent que le nombre de demandes s'élevait à 16 409 en juin. Ces données n'ont pas permis de contre-vérifier celles des services de renseignement de l'ASFC.

Avec la collaboration de William Leclerc