(Québec) Berceau de l’Amérique française, le Vieux-Québec attire son lot de touristes, et pour cause. Or, trop peu de visiteurs prennent la peine de découvrir les trésors qui se trouvent au-delà des fortifications. Nous sommes allés à la rencontre des gens qui animent ces quartiers qui forment le véritable cœur de la Vieille Capitale. Cette semaine : l’avenue Maguire, à Sillery.

On ne passe pas par accident sur l’avenue Maguire, on s’y rend. Niché en retrait entre les pôles de Sainte-Foy et du Vieux-Québec, le quartier est unique avec ses arbres matures et ses belles résidences qui rappellent la Nouvelle-Angleterre. Un charme suranné dynamisé par l’arrivée nombreuse de familles, mais aussi par celle de commerçants énergiques et fiers de leur quartier.

Tapas et Liège

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Le vin tient une place centrale chez Tapas et Liège : en plus des bouteilles et bouchons qui ornent plafond et mur, le restaurant propose une carte des vins sur laquelle on retrouve plus de 300 choix.

Quand on quitte le boulevard Laurier, rien ne laisse présager que la coquette avenue résidentielle va rapidement faire place à une jolie artère commerciale où l’on trouve de tout. En plus des incontournables Montego et Pat Rétro, Tapas et Liège s’affirme comme l’un des nouveaux piliers de la restauration sur l’avenue Maguire — on prononce Magouâre pour faire comme les gens du coin. Un menu qui trahit avec bonheur les origines mexicaines de la cheffe Alexandra Romero et qui s’accompagne d’une carte de plus de 300 vins et autant de spiritueux, reconnue par la certification d’excellence du Wine Spectator.

Lors de notre visite, un mardi en début d’après-midi, il y avait encore une poignée de clients, et l’endroit affichait complet pour le repas du soir. « La réponse des clients est au-delà de nos espérances », nous apprend la copropriétaire Vanessa Roberge en nous avouant au détour qu’elle lorgnait d’abord la Rive-Sud avant de choisir de s’établir à Sillery. « Je crois même que notre notoriété va au-delà du quartier, on est devenu un resto de destination. »

« Je peux maintenant dire qu’on a des bases solides », soutient de son côté son associé Pierre-Luc Cullen — il est aussi sommelier. « On sait qu’on a encore de belles années devant nous. On veut notamment offrir des plats à emporter de même qu’une terrasse sur le toit — on ambitionne d’en faire la plus belle du quartier. »

1297, avenue Maguire, Québec

> Consultez le site web de Tapas et Liège

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Les copropriétaires du Tapas et Liège, Vanessa Roberge et Jean-Sébastien Cullen

Au début, les gens n’y croyaient pas. « Tu ne t’en vas pas sur Maguire, voyons donc ! », qu’ils nous disaient. Mais c’est vraiment une belle rue, avec plein de jeunes familles, c’est très dynamique.

Vanessa Roberge, copropriétaire du Tapas et Liège

Eddy Laurent chocolatier

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

La chocolaterie a ouvert ses portes en 1990.

Avec son élégant concept qui mêle une boutique d’accessoires de mode et d’art de la table à la chocolaterie et la pâtisserie, Eddy Laurent exprime de belle façon le côté chic de l’avenue Maguire. Mais qui dit chic ne dit pas guindé, comme en témoigne l’accueil chaleureux des copropriétaires Catherine Beauregard et François Lemire, à qui Eddy Laurent a transmis son commerce et son savoir. « Je me sens fébrile, c’est tout un défi que je relève », nous avoue François Lemire, qui a commencé à travailler pour M. Laurent un an après l’ouverture de la chocolaterie, en 1990. « Mais cela dit, je ne vais pas commencer à me plaindre ! Ça fait 28 ans que je fabrique du bonheur ! »

Les enseignements d’Eddy Laurent ont manifestement porté leurs fruits, car les chocolats qu’on trouve ici sont remarquables. Tout est fait sur place ; on offre même des produits élaborés à partir de la fève de cacao brute. À cela s’est ajoutée une gamme de pâtisseries confectionnées par Catherine Beauregard en s’inspirant du comptoir chocolat. « Tout était à créer, c’est ce qui était intéressant, nous confie-t-elle. Je fais tout maison, même ma pâte feuilletée, et pour le reste, j’ai carte blanche. Je peux y aller autant avec des saveurs boréales qu’exotiques ou que celles du terroir. »

1276, avenue Maguire, Québec

> Consultez le site web d’Eddy Laurent chocolatier

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Catherine Beauregard et François Lemire, copropriétaires d’Eddy Laurent chocolatier

La clientèle de Sillery a beaucoup rajeuni depuis 10 ans. On voit notamment beaucoup plus de jeunes familles. Ça nous aide énormément parce que les jeunes sont intéressés à s’offrir de belles et bonnes choses.

François Lemire, copropriétaire d’Eddy Laurent chocolatier

Chaz

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Le Chaz

C’est justement avec cette nouvelle clientèle en tête que les partenaires du Chaz ont décidé de ressusciter ce resto qui a connu ses heures de gloire à la fin des années 80. « On voulait offrir quelque chose de complémentaire dans le coin, quelque chose de différent du Montego et du Tapas et Liège, d’autant plus que c’est ma conjointe qui est cheffe là-bas ! », nous explique Jérôme Gilpin, qui a lui-même œuvré dans les cuisines de l’Initiale, du Toast !, du Cendrillon et du SSS. « Je ne voulais pas que ce soit un pub à proprement parler, mais quelque chose d’un peu plus ouvrier, bière et 5 à 7, qu’on peut se permettre tous les jours. »

Ouvert depuis l’été dans le local qui abritait le Cochon Dingue — déménagé à la Place de la Cité, à Sainte-Foy —, le Chaz a déjà une clientèle d’habitués, attirée en grande partie par le bouche-à-oreille, selon le jeune chef. « On offre une cuisine de saison, des légumes du marché. Je m’approvisionne d’ailleurs directement chez une maraîchère de Neuville, nous explique-t-il. Mon burger, il est fait avec des ingrédients d’ici à 100 %. Je travaille aussi beaucoup avec les champignons que je cueille moi-même. Je veux démocratiser l’utilisation de bons ingrédients dans des menus accessibles. »

1326, avenue Maguire, Québec

> Consultez la page Facebook de Chaz

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Jérôme Gilpin, chef du Chaz

Jusqu’à ce qu’on se décide à lancer notre propre resto ici, je ne connaissais presque pas le secteur. Maintenant, j’adore, et j’en profite pour coopérer avec les commerçants du coin. On prône l’achat local.

Jérôme Gilpin, chef du Chaz

La Maison des 100 thés

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Barbara Herdegen est consciente que sa boutique est un commerce de quartier, mais elle voit de plus en plus de touristes qui viennent jusqu’à Sillery.

Barbara Herdegen accueille tous les gens qui passent le pas de la porte de sa coquette boutique en leur offrant un thé bien chaud. « Ça me permet de parler aux clients », nous dit-elle en nous versant une délicieuse tasse de thé blanc champagne-cassis. Arrivée d’Allemagne il y a 13 ans, elle est sur Maguire depuis 8 ans et dans un tout nouveau local depuis tout juste 1 an. On trouve autour de nous une étonnante variété de thés, dont certains assemblages concoctés par Mme Herdegen elle-même. « Je ne veux pas que le thé soit un produit de luxe, même si j’ai ce qu’il faut pour répondre aux plus exigeants, soutient-elle. J’ai l’avantage d’être indépendante, je peux donc choisir moi-même mes produits. J’ai une quinzaine de fournisseurs, dont plusieurs au Japon et en Allemagne. »

Mme Herdegen est consciente que sa boutique est un commerce de quartier, mais elle voit de plus en plus de touristes qui viennent jusqu’à Sillery. « Il faut davantage être sur le circuit touristique, les quartiers sont un peu négligés à ce sujet, affirme-t-elle. Il faut créer des événements, le genre de ceux que l’on trouve en été dans le Maine, où l’on trouve la même ambiance qu’ici. On peut aussi penser à de petites promotions qui pourraient profiter à d’autres que Le Petit Champlain. »

1313, avenue Maguire, Québec

> Consultez le site web de La Maison des 100 thés

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Barbara Herdegen, propriétaire de La Maison des 100 thés

Je m’assure que tous mes clients deviennent des ambassadeurs qui vont dire qu’ils ont visité la plus belle boutique du thé au Québec ! Pas à Québec, au Québec !

Barbara Herdegen, propriétaire de La Maison des 100 thés

L’épicurien

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

L’épicurien propose crêpes, galettes et pâtisseries.

Tout jeune couple, Antoine Dumais et Symi Dédes s’affairent à servir la clientèle qui entre à rythme soutenu en ce mardi midi. C’est donc le père de cette dernière, Élie, qui nous accueille pour nous parler de ce nouveau projet qu’il caressait secrètement depuis un bon bout de temps. « Quand j’allais chercher Symi après ses cours au Collège Jésus-Marie, j’en profitais pour venir sur Maguire et arrêter ici même — ça s’appelait alors Les délices de Picardie, une institution pendant 30 ans à Québec. Je voulais donc m’installer dans Sillery, mais les loyers étaient trop chers… » Jusqu’à ce que l’occasion se présente il y a un peu moins d’un an. « J’ai contacté le proprio de l’immeuble, nul autre que l’ancien patron des Délices de Picardie, souligne Élie Dédes. Et ça a cliqué tout de suite avec le monsieur de 82 ans, Picard comme moi ! »

Propriétaire de deux pizzerias du Vieux-Québec, Élie Dédes a regardé ce qui manquait à l’avenue Maguire et a ainsi choisi de lancer une formule crêpes, galettes et pâtisseries. Résultat de la pénurie de main-d’œuvre qui sévit au Québec, il est allé chercher un coup de main en France, embauchant six cuisiniers, y compris son crêpier et sa pâtissière. Et il est particulièrement fier de son coup : « Mon crêpier met ses recettes au point avec des ingrédients uniquement biologiques, alors que ma pâtissière fait ses gâteaux tous les jours — ses chocolatines et ses croissants sont tout simplement incroyables. »

1292, avenue Maguire, Québec

> Consultez le site web de L’épicurien

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Antoine Dumais, Symi Dédes et Élie Dédes, de L’épicurien

Ça sent bon pour les prochaines années sur Maguire. L’ambiance ici est très bonne, on s’approvisionne entre nous, contrairement à ce que l’on voit dans le Vieux-Québec. Ici, tout le monde rame dans le même sens.

Élie Dédes, copropriétaire de L’épicurien