Les Îles-de-la-Madeleine ont attiré plus de 70 000 visiteurs l’été dernier, encore plus qu’avant la pandémie. Or, les foules ont parfois un impact nuisible sur cet archipel isolé du golfe du Saint-Laurent. Comment visiter les Îles sans être pour elles un fardeau de plus ?

Aux Îles, les vacanciers aiment bien explorer les plages et les caps… sans toujours réaliser que le fait de rouler dans les dunes ou de grimper dans les rochers de la côte favorise l’érosion. Un phénomène qui pourrait, à terme, être catastrophique pour l’archipel. Surtout avec le réchauffement climatique et les tempêtes qu’il annonce, comme l’a récemment rappelé le passage destructeur de Fiona.

Le tourisme est important, crucial même, pour l’économie madelinienne, dont c’est la deuxième activité en importance après la pêche. Mais à l’évidence, il n’est pas sans risques. Tourisme Îles-de-la-Madeleine, qui a adopté une stratégie de développement durable en 2021, cherche donc à sensibiliser les visiteurs à la fragilité de l’archipel.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Les dunes sont un milieu fragile que le passage de nombreux touristes peut facilement endommager.

Les voyageurs sont désormais invités à prendre une douzaine d’engagements. Parmi eux : ne pas circuler dans les dunes, utiliser l’eau potable de manière responsable, économiser l’électricité (encore surtout produite avec du mazout), bien trier ses déchets (qui sont exportés sur le continent), etc.

« On est la première région du Québec à proposer ce genre de plan aux visiteurs », se félicite Frédéric Myrand, de Tourisme Îles-de-la-Madeleine.

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Avec 73 600 visiteurs de juin à septembre cette année, en hausse de 17 % par rapport à 2019, pour une population d’un peu moins de 13 000 personnes, la question se pose quand même : un touriste de plus aux Îles est-il un touriste de trop ? La pénurie de logements pour les travailleurs saisonniers, entre autres, peut le laisser croire… mais tous, là-bas, ne sont pas du même avis. À la suite de consultations, « il ne ressort pas de consensus sur la capacité de croissance du flux touristique », constate Tourisme Îles-de-la-Madeleine.

Pour financer ses infrastructures touristiques de plus en plus utilisées et gérer ses déchets, la municipalité des Îles-de-la-Madeleine souhaite tout de même demander une redevance de 30 $ à tous les visiteurs de 13 ans et plus dès l’an prochain, a révélé La Presse vendredi.

Lisez Une « taxe » de 30 $ pour voir les Îles ?

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Un séjour hivernal aux Îles peut être un prétexte idéal pour se ressourcer.

Un contact privilégié

Chose certaine, un voyageur qui souhaiterait profiter de la nature et de la culture des Îles-de-la-Madeleine tout en limitant les répercussions négatives de sa présence aurait intérêt à voyager… hors saison.

Toute l’offre touristique n’est pas disponible au printemps, à l’automne ou à l’hiver, mais la qualité est toujours présente. C’est plus facile de vivre le patrimoine humain de l’archipel quand il y a moins de monde.

Frédéric Myrand, de Tourisme Îles-de-la-Madeleine

« C’est sûr que les visiteurs qui viennent avant ou après la saison ont un accès privilégié aux producteurs », lance Ben Arseneau, du Fumoir d’antan, à Havre-aux-Maisons. La saison, d’ailleurs, s’allonge, surtout en septembre et en octobre, constate l’entrepreneur. « L’automne, c’est fantastique aux Îles, dit-il, mais ceux qui viennent au printemps pourront en plus profiter des fruits de mer ! »

  • Début de la saison de la pêche au homard. « L’automne, c’est fantastique aux Îles, dit Ben Arseneau, du Fumoir d’antan, mais ceux qui viennent au printemps pourront en plus profiter des fruits de mer. »

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

    Début de la saison de la pêche au homard. « L’automne, c’est fantastique aux Îles, dit Ben Arseneau, du Fumoir d’antan, mais ceux qui viennent au printemps pourront en plus profiter des fruits de mer. »

  • L’observation des phoques du Groenland et de leurs blanchons, sur la banquise, se fait à la fin de l’hiver.

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    L’observation des phoques du Groenland et de leurs blanchons, sur la banquise, se fait à la fin de l’hiver.

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De l’automne au printemps, un voyageur trouvera de belles occasions pour se ressourcer (yoga, massothérapie), faire de la randonnée pédestre, notamment sur le Sentier entre vents et marées, aller en excursion de pêche, observer la faune (dont les blanchons, à la fin de l’hiver) et même pratiquer certaines activités nautiques comme la planche aérotractée (kitesurf).

Frédéric Myrand conseille aux vacanciers consciencieux d’explorer les extrémités de l’archipel, moins fréquentées. Vers l’est, par exemple, Grosse-Île, avec ses plages immenses et les « guédilles au homard écœurantes » du Fish Shack, ou Grande-Entrée et l’auberge La Salicorne, qui propose des activités de découverte comme la pêche aux coques dans une baie secrète, valent le déplacement.

Peu importe le moment, mieux vaut réserver son hébergement et son moyen de transport sur place avant d’arriver, recommande l’office de tourisme.

  • La tempête Fiona a provoqué beaucoup d’érosion dans certains secteurs des Îles-de-la-Madeleine en septembre dernier.

    PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

    La tempête Fiona a provoqué beaucoup d’érosion dans certains secteurs des Îles-de-la-Madeleine en septembre dernier.

  • Opération de nettoyage organisée avec le comité ZIP des Îles-de-la-Madeleine à Havre-aux-Maisons en juillet 2022

    PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DU COMITÉ ZIP DES ÎLES-DE-LA-MADELEINE

    Opération de nettoyage organisée avec le comité ZIP des Îles-de-la-Madeleine à Havre-aux-Maisons en juillet 2022

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Pousser à la roue

Qu’il vienne l’été ou l’hiver, un voyageur peut faire du bien aux Îles, croit Karine Rioux, directrice générale du comité ZIP des Îles-de-la-Madeleine, un organisme environnemental.

Un seul touriste peut avoir un impact négatif énorme, mais plein d’autres gens peuvent en avoir un positif.

Karine Rioux, directrice générale du comité ZIP des Îles-de-la-Madeleine

En plus de s’informer, et d’éviter d’agir comme si tout était permis, les visiteurs peuvent collaborer à des projets de restauration ou de conservation. Le comité ZIP organise notamment des corvées de nettoyage. En juillet dernier, 470 kg de déchets ont été récupérés en une journée sur une plage de Havre-aux-Maisons…

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Paysage typique des Îles

« Quand les gens veulent participer, ce n’est jamais de refus », dit Karine Rioux. D’autres organisations comme Attention FragÎles ou la Société de conservation des Îles-de-la-Madeleine accueillent également les visiteurs (ou leurs dons). « Il y a aussi énormément d’initiatives citoyennes, les gens prennent vraiment soin de leur coin. »

Après Fiona, les Îles ont d’ailleurs bien besoin de soins. La crue et les rafales provoquées par la tempête ont endommagé les milieux côtiers et forestiers, anéantissant certains travaux réalisés pour les protéger. La lutte contre les effets du réchauffement ne fait que commencer. « Il faudra choisir nos batailles et investir nos efforts aux bons endroits », croit Karine Rioux. Tant mieux si les visiteurs poussent eux aussi à la roue.

Gros plan sur les Îles

TV5 Monde vient de lancer son nouveau magazine documentaire À la vie, à la Terre, dont le premier épisode était essentiellement consacré aux effets du réchauffement climatique aux Îles-de-la-Madeleine (avec un détour sur la Côte-Nord).

L’équipe du documentaire, menée par Chloé Nabédian, journaliste spécialisée en climat, se trouvait notamment dans l’archipel pendant le passage de Fiona et y a recueilli les témoignages des Madelinots au moment même où ils constataient les dégâts provoqués par la tempête, en se demandant combien de temps leur coin de pays résistera aux assauts des éléments.

Pêcheurs, scientifiques et agriculteurs y font aussi part de leurs inquiétudes et des solutions qu’ils proposent face au dérèglement climatique. Le documentaire de près de 100 minutes est d’abord destiné à un public européen (on y parle de préfecture et d’euros), mais les rencontres qu’il propose sont pertinentes et souvent touchantes. Il est offert en rattrapage sur le site de TV5Unis.

En savoir plus
  • 79 millions
    En 2019, les visiteurs ont dépensé près de 80 millions de dollars aux Îles-de-la-Madeleine, en excluant les frais de transport pour accéder à l’archipel.
    Source : Tourisme Îles-de-la-Madeleine
    80 %
    C’est la proportion approximative des visiteurs qui se rendent aux Îles-de-la-Madeleine entre mai et octobre. En revanche, 70 % de la hausse de l’achalandage observée en 2022 par rapport à 2019 se concentre sur la basse saison.
    Source : Tourisme Îles-de-la-Madeleine