Immense et isolée, la réserve faunique La Vérendrye est un paradis du canot-camping. Mais elle peut intimider les novices de cette activité qui profite de l’engouement pour le plein air au Québec. Avec un minimum de préparation, c’est pourtant une destination accessible. Et formidable.

Le croissant de lune, rendu laiteux par un voile de nuages, se reflète sur la surface étale d’une étroite baie à la tête du lac Antostagan, à peine troublée par de lents coups de pagaie. Au nord-ouest, l’horizon prend encore les couleurs délavées du couchant. Il sera pourtant bientôt 22 h. Les jours sont longs, l’été, dans le Nord.

Dans le Sud, les vacanciers prennent d’assaut les routes et les aéroports en ce début de juillet. Mais au cœur de la réserve faunique La Vérendrye, aux limites de l’Outaouais et de l’Abitibi, le petit groupe qui profite jusqu’au bout de sa première journée de canot-camping est, tout compte fait, seul au monde.

Ah non, c’est vrai, au loin apparaissent les lueurs d’un feu allumé par d’autres campeurs dans ce territoire deux fois grand comme l’Île-du-Prince-Édouard… Autrement, l’illusion est parfaite.

Et rien ne vient troubler le calme des lieux. Sinon les rires des compagnons de route. Puis, dès le retour sur la terre ferme, le magnifique concert donné par deux huards bien en voix.

  • Le circuit du lac Antostagan fait 36 km et se boucle généralement en trois ou quatre jours.

    PHOTO PHILIPPE BOIVIN, LA PRESSE

    Le circuit du lac Antostagan fait 36 km et se boucle généralement en trois ou quatre jours.

  • Deux canoteurs franchissent un barrage de castor.

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    Deux canoteurs franchissent un barrage de castor.

  • Les portages sont courts, moins de 400 m. Tant mieux, car il faut tout transporter et, en début de parcours, les barils qui contiennent vivres et bagages sont lourds.

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    Les portages sont courts, moins de 400 m. Tant mieux, car il faut tout transporter et, en début de parcours, les barils qui contiennent vivres et bagages sont lourds.

  • Même au cœur de l’été, les membres d’un même groupe peuvent se sentir seuls au monde dans la réserve La Vérendrye.

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    Même au cœur de l’été, les membres d’un même groupe peuvent se sentir seuls au monde dans la réserve La Vérendrye.

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Le Domaine, où se trouve le seul centre de location de canots de la réserve, n’est pourtant pas bien loin. Il a suffi de canoter sur 8 ou 9 km principalement dans le lac Jean-Péré, puis de franchir deux courts portages. « Beaucoup de gens évitent les portages : tant mieux pour nous ! », s’amuse Jeff Thuot, guide émérite à la tête de l’équipée organisée par la SEPAQ, qui vient de prendre ici la gestion de cette activité autrefois assurée par Canot Kayak Québec.

Entre experts et débutants

Avec 800 km de parcours et 500 emplacements de camping réservés aux canoteurs, la réserve faunique La Vérendrye est une destination prisée des amateurs de long parcours de canot-camping.

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Jeff Thuot, guide

Lacs, rivières, tout s’interconnecte. On pourrait passer des mois ici tellement c’est vaste. C’est la grande beauté de l’endroit et les gens viennent d’aussi loin que de l’Ontario, et même de la Floride, pour en profiter.

Jeff Thuot, guide

Sans vouloir nuire aux passionnés de canot-camping inquiétés par les récents changements, assure-t-elle, la SEPAQ souhaite mieux accueillir les néophytes à La Vérendrye, qui passent pour la plupart par Le Domaine. Les deux circuits les plus populaires de la réserve, ceux des lacs Antostagan (36 km) et Poulter (45 km), des boucles de trois à cinq jours, partent du centre de location. À l’heure actuelle, la société d’État estime que jusqu’à 30 % des plus de 20 000 jours de visite en canot-camping se font sur ces deux circuits-là.

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Johanne Vienneau, directrice de la réserve faunique La Vérendrye

« Nous voulons donner plus d’options à ceux qui souhaitent s’initier au canot-camping, résume Johanne Vienneau, directrice de la réserve faunique. D’ici au maximum trois ans, nous aimerions ouvrir un deuxième centre de location, du côté de l’Abitibi, dans la partie nord du territoire, et proposer des circuits plus accessibles, sans portages ni rapides. La SEPAQ veut favoriser la relève. »

La nature a le dernier mot

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Pluie, vents, orages : impossible d’échapper aux intempéries en canot-camping. L’essentiel est d’être bien préparé pour y faire face.

Au réveil, le lendemain, les nuages règnent sans partage dans le ciel. Heureusement, la pluie se fait d’abord timide. D’une baie à l’autre, en passant par un barrage de castor, les canots progressent vite sur le cours d’eau, où le vent reste discret. Des huards se montrent le bec. Puis une colonie de sternes défend à grands cris un rocher où sont réunis des oisillons.

Le ciel s’assombrit peu après midi. Puis, la pluie commence à tomber dru. Et sans relâche jusqu’à la tombée de la nuit. Rien pour inquiéter Jeff Thuot, imperturbable dans son imperméable. On comprend vite en côtoyant l’homme généreux de ses conseils pourquoi des politiciens et des vedettes de Hollywood font appel à ses services quand l’envie de la nature sauvage les prend.

  • Préparation d’un repas sous la pluie battante, qui a bien failli avoir le dessus sur le feu de camp.

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    Préparation d’un repas sous la pluie battante, qui a bien failli avoir le dessus sur le feu de camp.

  • Éric Laforest (enseignant d’éducation physique à l’école Sophie-Barat) et Martin Lavoie (responsable de l’équipement à Canot camping La Vérendrye) étaient aussi de l’excursion.

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    Éric Laforest (enseignant d’éducation physique à l’école Sophie-Barat) et Martin Lavoie (responsable de l’équipement à Canot camping La Vérendrye) étaient aussi de l’excursion.

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N’empêche, avec ses deux complices, Éric Laforest (enseignant d’éducation physique à l’école Sophie-Barat) et Martin Lavoie (responsable de l’équipement à Canot camping La Vérendrye), celui qui donne le cours de guide d’aventure au cégep de Saint-Laurent s’est démené pendant de longues heures, sciotte et hache en main, pour allumer et maintenir le feu sur lequel a été préparé l’excellent repas du soir. Pendant ce temps, les autres membres du groupe tentaient tant bien que mal de rester au sec sous une grande toile.

C’est pour tout le monde, le canot-camping. Mais ça demande un peu de bon sens et de préparation. Il faut aussi se munir d’une carte, être modeste quand on se lance, et se donner du temps.

Jeff Thuot, guide

« Les étendues d’eau sont grandes. Parfois, le vent nous oblige à rester dans un campement. »

D’autres fois, c’est la pluie qui joue les trouble-fête…

L’avantage à La Vérendrye, c’est qu’en réservant un parcours, les canoteurs ont accès à presque tous les sites (avec toilette sèche) qui s’y trouvent, en général à 1 km de distance les uns des autres et souvent sur une petite plage. Les canoteurs peuvent prendre de l’avance par beau temps, et rester à l’abri quand les éléments les freinent. La SEPAQ maintient donc la souplesse mise de l’avant par Canot Kayak Québec.

Contrairement à la plupart des autres activités dans le réseau public, d’ailleurs, les réservations se font toujours par téléphone, afin de valider les connaissances des participants. « Ce n’est pas extrême, le canot-camping, mais ça reste de l’aventure. On veut s’assurer que les gens ont bien compris le code d’éthique et que le parcours choisi correspond à leurs capacités physiques, c’est non négociable pour nous. Tous les circuits ne s’adressent pas à tout le monde », précise Johanne Vienneau. Il arrive néanmoins que des canoteurs mal préparés doivent être secourus. À noter : de grands pans de territoire se trouvent hors réseau pour les téléphones portables.

Pour l’instant, la SEPAQ n’offre pas de service de guide-accompagnateur. Mais cela pourrait changer, avance Mme Vienneau. « Nous ne formerons pas des guides du côté de la SEPAQ, mais nous souhaitons nous associer à des gens qui ont cette expertise-là. »

Trouver sa place

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Il n’est pas trop tard pour planifier une sortie à La Vérendrye d’ici la fin de la présente saison, le 11 septembre. Sans surprise, il y a davantage de disponibilités en début de semaine que les week-ends.

Les grands espaces ont leurs défis. Mais leurs avantages aussi. Si certaines destinations de canot-camping affichent déjà complet pour l’été ailleurs au Québec, il n’est pas trop tard pour planifier une sortie à La Vérendrye d’ici la fin de la présente saison, le 11 septembre. Sans surprise, il y a davantage de disponibilités en début de semaine que les week-ends. En période de grande affluence, les visiteurs sont parfois contraints d’emprunter une navette payante pour une mise à l’eau à distance du centre de location. « Mais c’est tellement grand ici, rassure Jeff Thuot, que tout le monde finit par trouver sa place ! » « On n’est jamais vraiment complets », renchérit Johanne Vienneau.

Au matin du troisième jour, le soleil a repris ses droits. Et le vent qui souffle du nord sans trop d’empressement pousse les canots jusqu’au sud du lac Antostagan, où cet avant-goût d’aventure prend fin en mi-journée.

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Au terme du voyage, le constat est clair : le groupe a « eu la piqûre » du canot-camping.

Les visages ont retrouvé les sourires du premier soir. Beaucoup auraient préféré continuer de pagayer plutôt que de reprendre la route vers Montréal et ses bouchons. Le constat est limpide comme l’eau du lac : le groupe a « eu la piqûre » du canot-camping. Qui fait oublier toutes celles des moustiques, mouches noires et autres brulots… heureusement plus rares à mesure que l’été progresse.

On repart quand ?

Les frais de voyage de ce reportage ont été payés par la SEPAQ, qui n’a exercé aucun droit de regard sur le contenu.

Combien ça coûte ?

« On ne se met pas à la rue avec le canot-camping », lance Johanne Vienneau, directrice de la réserve faunique La Vérendrye. Même en louant une embarcation, qui vient avec les pagaies et les vestes de flottaison. Il faut compter 14,75 $/nuit par adulte pour l’emplacement de camping (c’est gratuit pour les enfants). Et entre 37 $ et 47 $/jour pour un canot. Le baril étanche est fourni pour 7 $/jour. On peut aussi louer le nécessaire pour transporter des canots sur le toit de sa voiture, des tentes, des matelas de sol, etc., sauf des sacs de couchage. Pas de voiture ? L’autocar Maheux qui fait la liaison entre Montréal et l’Abitibi s’arrête au Domaine.

Consultez la page Canot-camping de la réserve faunique La Vérendrye
En savoir plus
  • 4000 lacs
    La réserve faunique La Vérendrye compte plus de 4000 lacs, dont le Grand lac Victoria et les réservoirs Cabonga et Dozois, où les plages de sable sont fréquentes. Quelques dizaines seulement font partie de la vingtaine de parcours aménagés pour le canot-camping, qui se pratique aussi sur des rivières comme la Gens de Terre, aux rives encaissées, un décor unique dans la région, avance le guide Jeff Thuot. L’eau est généralement de grande qualité dans les cours d’eau de la réserve. Mieux vaut la faire bouillir avant de la boire, juge la SEPAQ, mais Jeff Thuot n’hésite pas à plonger sa tasse directement dans un grand lac quand il a soif.
    Source : SEPAQ