(Québec) Berceau de l’Amérique française, le Vieux-Québec attire son lot de touristes, et pour cause. Or, trop peu de visiteurs prennent la peine de découvrir les trésors qui se trouvent au-delà des fortifications. Nous sommes allés à la rencontre des gens qui animent ces quartiers qui forment le véritable cœur de la Vieille Capitale. Cette semaine : Saint-Sauveur.
Ancien faubourg ouvrier, Saint-Sauveur vit à son propre rythme. Tricoté serré mais plus diversifié que jamais, le quartier affiche un dynamisme contagieux. Il suffit de s’aventurer sur le boulevard Saint-Vallier Ouest pour découvrir à quel point les gens d’ici ont « Saint-Sô » tatoué sur le cœur. Et combien ils sont accueillants.
Le Diner Saint-Sauveur
Notre découverte du quartier commence en sens inverse. Il faut donc s’aventurer un peu plus loin rue Saint-Vallier Ouest pour se rendre au Diner, un peu au-delà du parc Durocher, où se tient tous les samedis d’été un populaire marché fermier. Le petit casse-croûte, étrangement coincé entre deux immeubles résidentiels avec sa façade asymétrique, est bondé en ce mercredi soir.
« La réponse du public ? Ça a été trop vite pour nous, tout s’est passé à une vitesse ahurissante, s’exclame Éric Lemay, chef propriétaire. Au départ, on a vu beaucoup de visages que l’on connaissait. Après quoi, c’était surtout des gens du coin, alors que maintenant, on peut parler d’une clientèle d’habitués, mais aussi de plus en plus de touristes. D’ailleurs, des clients américains nous disent que notre plat de poulet et gaufres et que notre macaroni au fromage sont les meilleurs qu’ils ont jamais mangés. C’est tout un compliment ! »
Le menu du Diner reprend les classiques des casse-croûtes en ajoutant quelques incontournables revisités de la cuisine québécoise — notre pâté chinois à la brisket effilochée, à la crème de maïs au foie gras et aux pommes de terre au fromage était franchement renversant. Tout est fait sur place avec des ingrédients frais et locaux, autant que faire se peut.
On veut être un resto pour le monde du quartier, les petites familles. Le cœur de Québec, c’est ici.
Éric Lemay, chef et copropriétaire du Diner Saint-Sauveur
450, rue Saint-Vallier Ouest, Québec
> Consultez le site du Diner Saint-Sauveur : https://www.dinersaintsauveur.ca/&?lang=fr
Le Pied Bleu
De retour près de l’intersection du boulevard Charest, à quelques pas de l’intemporelle taverne Jos. Dion, on est accueilli au Pied Bleu comme si on entrait justement… dans une taverne ! Amis et employés sont assis au bar quand le copropriétaire Louis Bouchard-Trudeau nous souhaite la bienvenue. Coloré et bigarré, le charcutier est à l’image de son établissement et de son quartier.
Il s’est installé rue Saint-Vallier Ouest il y a 12 ans avec sa conjointe et associée, Thania Goyette. D’abord et avant tout une charcuterie, Le Pied Bleu est devenu traiteur et ensuite resto à la manière d’un bouchon lyonnais. « C’est encore un quartier en développement, mais il y a plus d’action qu’avant, nous explique-t-il. Les gens ont moins peur de venir ici qu’auparavant, mais certaines personnes de la grande région de Québec entretiennent encore des préjugés par rapport à Saint-Sauveur. »
À travers un récit aussi loufoque que passionnant, Louis nous apprend comment son exceptionnel boudin lui a permis de rayonner au-delà du quartier — il a été décoré 13 fois aux séries mondiales du boudin, le bien nommé concours de la Confrérie du Goûte-Boudin de Mortagne-au-Perche, en France. « On est d’ailleurs devenu un commerce de destination, nous dit le chef. Des touristes qui débarquent à l’improviste, on en a le samedi maintenant. Et il y a plus de restos dans le coin, c’est parfait pour nous. »
Un resto, ça vieillit, c’est cyclique. Mais on est les seuls à offrir quelque chose qui suit la formule du bouchon lyonnais, c’est ce qui nous distingue.
Louis Bouchard-Trudeau, copropriétaire du Pied Bleu
179, rue Saint-Vallier Ouest, Québec
> Consultez le site du Pied Bleu : https://piedbleu.com/
Brasserie artisanale Griendel
Juste à côté, dans un local vaste et éclairé qui contraste, on s’attable avec Alexandre Gaumond devant une sélection de bières brassées sur place. « On est ouverts depuis octobre 2015, mais on brasse depuis avril 2018, nous explique le jeune entrepreneur.
“On existe d’ailleurs grâce à l’appui des gens du secteur qui ont versé plusieurs petites contributions au projet par l’entremise d’une campagne de sociofinancement. On a pu mesurer l’engouement des résidants du coin. Au fond, les microbrasseries jouent aujourd’hui le même rôle que les tavernes de quartier à l’époque. On voulait donc créer un bar local, on voulait créer des liens avec les gens du coin.”
Comme bien d’autres restaurateurs qui se sont installés dans Saint-Sauveur, l’équipe du Griendel a été prise de court par son succès. “On n’était pas prêts pour ça, avoue Alexandre. Il a fallu pédaler et apprendre. L’achalandage était monstre, car la demande était là. On est arrivés au bon moment.”
Il a fallu élaborer un menu conséquent pour s’ajuster au fait que la clientèle voulait non seulement boire une bonne bière, mais aussi manger. Les 116 places de l’établissement sont ainsi toutes occupées les jeudis et vendredis, et de plus en plus les samedis — avec une présence désormais notable de touristes, nous apprend Alexandre Gaumond.
Plus jeune, je traînais en basse-ville avec mes amis, mais je ne dépassais jamais le boulevard Langelier. Maintenant, on habite tous à 20 minutes de marche d’ici.
Alexandre Gaumond, copropriétaire de la brasserie artisanale Griendel
195, rue Saint-Vallier Ouest, Québec
> Consultez le site du Griendel : https://griendel.com/
Kraken Cru
Le minuscule restaurant s’articule autour d’un bar d’où l’on voit la modeste cuisine et son poêle électrique à ronds en serpentins. Le chef-proprio Olivier Thibault-Allard nous parle en retournant de temps en temps aux fourneaux pendant que son unique employée s’affaire au service.
“On offre des huîtres à l’année et des plats à partager, une formule pas très courante à Québec quand on a ouvert il y a six ans, nous explique le jeune chef. La formule a très peu changé, la bouffe un peu, mais la direction reste la même : c’est du poisson et des légumes. Toutefois, le cru ne fonctionnait pas tant que ça, alors on fignole davantage nos protéines.”
C’est à l’occasion d’un voyage sur la côte est américaine qu’est venue l’idée d’ouvrir le Kraken Cru. “On trouvait bien cool les petits restos de fruits de mer où les gens faisaient la file, raconte Olivier. On a repris le concept ici, c’est petit et les prix sont compétitifs.”
Au départ, la clientèle était locale à 90 %, une proportion aujourd’hui réduite à 15 %. Ce qui ne change absolument pas l’attachement d’Olivier Thibault-Allard pour son quartier : “J’aime le voisinage, j’entretiens de bonnes relations avec les commerçants du coin. Alex du Griendel et Louis du Pied Bleu sont même devenus de bons amis, on se fait des soupers ensemble.”
Les touristes n’ont plus peur de venir ici, ils marchent du Vieux pour venir jusqu’à nous. Cet été, il y a des moments où j’ai parlé en anglais toute la soirée !
Olivier Thibault-Allard, chef-proprio du Kraken Cru
190, rue Saint-Vallier Ouest, Québec
Consultez le site du Kraken Cru : https://www.facebook.com/Kraken-Cru-841559542595409
Chez Tao !
Le bar n’a pas encore deux ans qu’il s’est déjà trouvé une place au sein du palmarès des 50 meilleurs bars au pays en 2019, selon Canada’s 100 Best. Mais on n’y va pas seulement pour goûter l’un des 40 cocktails imaginés par le magicien mixologue Vincent Thuaud, ni même pour ses 50 rhums de spécialité — l’une des plus belles sélections à Québec.
Chez Tao ! s’illustre aussi par son menu qui s’inspire de la cuisine de rue vietnamienne et thaïlandaise, ce qui lui permet d’accueillir une clientèle pour le moins diversifiée. “On a des gens plus âgés qui viennent nous voir en début de soirée alors que c’est de plus en plus jeune à mesure que la soirée avance et que l’ambiance devient davantage celle d’un bar, soutient Francis Bernard, copropriétaire. En début de semaine, on voit aussi beaucoup de travailleurs de la restauration.”
Les touristes ont aussi commencé à découvrir Chez Tao !, notamment à travers le Parcours épicurien, un circuit guidé qui permet aux gens de découvrir quelques belles adresses de plusieurs quartiers à Québec et à Montréal.
C’est comme une petite famille dans Saint-Sauveur, et la communauté d’entrepreneurs se tient serré. Pour ma part, je suis vraiment content de pouvoir redonner au quartier.
Francis Bernard, copropriétaire de Chez Tao !
104, rue Saint-Vallier Ouest, Québec
Consultez le site de Chez Tao ! : http://cheztao.ca/