Des forfaits conçus pour les 18 à 35 ans; des nuitées chez l'habitant; un séjour en Antarctique; un tour de l'Afrique à vélo; des sports extrêmes au bout du monde... Les voyages organisés promettent désormais beaucoup plus que «8 pays en 12 jours». Portrait d'une industrie qui se démène pour changer son image.

QUATRE MYTHES À DÉCONSTRUIRE

Les clichés sont tenaces dans le monde des voyages organisés. Voici quatre mythes à déconstruire.

Réservés aux retraités

«C'est complètement faux. Les voyages organisés attirent toutes les tranches d'âge. Le plus gros marché est celui des jeunes, avec les voyages d'école. Il y a aussi des forfaits pour les 18-35 ans de l'agence Contiki, qui est moins connue au Québec, parce que c'est en anglais», explique Dan Chetrit, coprésident d'Incursion Voyage.

Groupes énormes

«Les gens pensent automatiquement aux autocars de 54 personnes, mais il y a de tout. On voit des groupes de six personnes qui font un safari en Afrique, d'une quinzaine de personnes qui découvrent l'Europe ou de célibataires qui remplissent un avion pour fêter à Ibiza», précise Mélanie Rodi, conseillère au Club Voyage Blainville.

Horaires rigides

«C'est possible de profiter de l'encadrement du groupe, tout en préservant se flexibilité personnelle. Si tu n'as pas trouvé le bon équilibre, tu n'as pas trouvé le bon voyagiste», croit Dan Chetrit, coprésident d'Incursion Voyage.

Plus cher 

«L'expression voulant que tout est moins cher à la douzaine ne fait pas exception en voyage. Les coûts des guides et des transports sont séparés. Et tous nos contrats sont négociés en fonction du nombre: si 40 personnes arrivent dans un lieu, les frais d'entrée sont plus bas. Aussi, les voyages organisés ne sont pas tous dans des hôtels cinq étoiles. Il y en a aussi pour les voyageurs à sac à dos qui séjournent chez l'habitant ou dans les auberges», affirme Mélanie Rodi, conseillère au Club Voyage Blainville.

POUR OU CONTRE LES VOYAGES ORGANISÉS?

Il existe des voyages organisés pour tous les goûts, pour toutes les tranches d'âge, dans tous les coins du monde et pour tous les portefeuilles. Liste non exhaustive des avantages et inconvénients.

Avantages

Encadrement 

Pour Dan Chetrit, coprésident d'Incursion Voyage, les voyages organisés sont l'équivalent d'une police d'assurance. «Quand tu ne veux pas te casser la tête et que tu envisages un voyage de rêve pour lequel tu économises depuis longtemps, pourquoi prendre des risques, quand il existe des circuits ultra-rodés? Nous, on vérifie tous les hôtels et on envoie quelqu'un pour tester l'itinéraire avant d'envoyer un groupe.» 

Guides 

En plus d'avoir un guide québécois habitué de faire l'itinéraire, les voyagistes engagent des guides locaux qui parlent la langue du pays et qui connaissent les routes, l'histoire, la culture et la gastronomie. «Ça me donne souvent l'impression de voyager avec une encyclopédie personnalisée, illustre Mélanie Rodi, conseillère au Club Voyage Blainville. Un seul guide québécois ne pourrait pas t'offrir tout ça.» La présence des guides peut sembler superflue pour les voyageurs débrouillards qui ont l'habitude de tout gérer eux-mêmes, mais les imprévus sont généralement plus simples à gérer grâce à eux. «Les guides peuvent se retourner de bord facilement», dit M. Chetrit. 

Liberté 

Le mot peut sembler mal choisi pour parler de voyages de groupes, mais Mélanie Rodi insiste. «On n'est obligé de penser à rien, contrairement aux voyages en solo durant lesquels on est constamment en train de penser à son hébergement ou aux restaurants. C'est un peu comme quand on était jeunes et que nos parents se chargeaient de tout prévoir. Dans un voyage organisé, les responsabilités sont dans les mains de quelqu'un d'autre. On fait juste vivre le moment.»

Économies

Avec le volume d'achat des voyagistes, les voyageurs peuvent épargner des centaines de dollars comparativement à ce qu'ils paieraient pour les mêmes activités en solo. «On négocie des tarifs pour l'année sur des hôtels, les transports, les guides ou les visites, alors collectivement, c'est moins cher», affirme Dan Chetrit. Le coprésident d'Incursion Voyage précise toutefois que la majorité des consommateurs intéressés par les voyages organisés ne se concentrent pas à outrance sur le prix. «Le plus important pour eux, c'est l'expérience.»

Inconvénients

Être mêlé à des inconnus

Passer deux semaines avec une ou plusieurs personnes que vous jugez insupportables, alors que vous êtes en plein choc culturel, au bout du monde, ce n'est pas exactement l'idéal. «Chaque rose a ses épines, confirme Dan Chetrit. Les voyages organisés ne sont pas faits pour tout le monde. À moins d'être dans un groupe privé, composé de gens connus, on ne peut pas choisir avec qui on voyage, et ça peut poser problème.»

Manque de choix

Alors que plusieurs voyageurs rêvent du jour où ils remplaceront leurs obligations quotidiennes par des journées à l'étranger, totalement libres, les circuits organisés laissent souvent un arrière-goût de contrainte. «Par exemple, un autobus peut être obligé de se rendre du point A au point B avant 16 h, pour plein de raisons pratiques, alors qu'une petite famille pourrait s'arrêter entre deux villes pour prendre une pause, profiter des lieux et ne pas avoir l'impression de juste faire de la route», explique Mélanie Rodi. 

Rythme trop soutenu

Certains voyages organisés ont des programmes si intensément chargés que les voyageurs n'ont pas le temps de respirer. À l'opposé, plusieurs organisateurs prévoient de nombreuses plages horaires de temps libre. Non pas pour réduire les coûts du transport ou des activités, mais parce que les voyageurs ont également besoin de repos. «Ça permet aussi aux gens de visiter un endroit à leur guise, sans pression, et d'aller souper dans un petit restaurant local sans le groupe par la suite, précise M. Chetrit. Le meilleur restaurant local n'est pas toujours capable d'accommoder des groupes de 25 personnes.»

Peu de spontanéité

Faire une rencontre surprise en fin de soirée, prendre un verre jusqu'à trop tard et reporter les activités du lendemain matin, c'est bien peu probable dans un voyage organisé. «On ne peut pas interchanger des activités dans un groupe de 30, souligne Mme Rodi. C'est impossible de satisfaire les demandes de tout le monde en même temps.»

Photomontage Julien Chung, La Presse

Est-ce pour vous?

Les voyages organisés polarisent les voyageurs: certains adorent, d'autres détestent. Deux voyageuses font part de leur expérience.

Elle a aimé

L'agence Contiki organise des voyages pour les 18 à 35 ans. La Montréalaise Mélissa Houle a voyagé avec l'agence en Grèce et dans une tournée américaine qui l'a menée à Los Angeles, San Francisco, Las Vegas et New York. Ayant l'habitude de voyager entre amis ou en couple, elle a apprécié la sécurité que lui offrait le séjour encadré et le potentiel social du voyage. «C'est sûr que tu sors de là avec des amis! dit-elle. La moyenne d'âge tournait autour de 23 ans, alors j'étais dans les plus vieux lors de mon premier voyage, à 30 ans. Comme j'avais besoin de me changer les idées et de m'amuser, c'était idéal.» 

Elle a choisi une formule au rythme modéré, avec plusieurs temps libres. «Évidemment, quand on change de ville, on suit le groupe, mais personne n'est obligé de faire les activités. Si tu es en lendemain de veille, tu peux relaxer.» Son voyage organisé l'a même convaincue de tenter le coup en solo. «Les deux voyages m'ont confirmé à quel point j'aime voyager et m'ont donné la confiance de faire mon prochain voyage seule. Je vais aller en Australie. Et comme j'ai rencontré énormément d'Australiens durant mes voyages organisés, je vais sûrement aller en voir quelques-uns.»

Puisque Contiki est une entreprise australienne, la majorité des voyageurs sont anglophones. Un élément à considérer si vous ne parlez pas la langue de Shakespeare. Mme Houle croit aussi qu'il faut être conscient de la dynamique qui peut se créer dans un groupe. «Il y a beaucoup de célibataires et ça ressemble un peu à Occupation double. Les filles se ‟battent" pour les rares gars du voyage. Ça ressemble un peu à l'école secondaire.»

Photo fournie par Mélissa Houle

Ayant l'habitude de voyager entre amis ou en couple, Mélissa Houle a apprécié la sécurité que lui offrait le séjour encadré et le potentiel social du voyage.

Elle ne le referait pas

À l'automne 2017, Marie-Josée Turgeon s'est offert un voyage organisé de quelques jours à Boston et dans les environs. Bien qu'elle soit persuadée que l'entreprise ait bien fait son travail, elle a réalisé que ce type de voyage ne lui convenait pas. 

«Les autres voyageurs n'avaient pas le même rythme que moi, explique-t-elle. C'était parfois trop rapide, parfois trop lent. Par exemple, je serais restée beaucoup plus longtemps à la bibliothèque de la ville et j'aurais passé moins de temps à découvrir une église que je trouvais ordinaire.»

Il faut dire que la jeune femme n'aime pas spécialement être restreinte à un groupe. «La plus grande contrainte des voyages organisés, c'est d'être pris avec les autres sans pouvoir se dissocier facilement. Plusieurs voyageurs n'écoutaient pas les directives du guide et nous mettaient tous en retard. Et si tu voulais retourner à l'hôtel en solo, ça coûtait une fortune en taxi, puisqu'il se trouvait à 20 ou 30 minutes d'autobus.»

Photo fournie par Marie-Josée Turgeon

Après avoir tenté l'expérience, Marie-Josée Turgeon a réalisé que les voyages de groupe ne lui convenaient pas.