(Dublin) Des pubs fermés, des pintes qui restent vides… Malgré la Saint-Patrick, Dublin a pour certains des allures de « ville fantôme », pour d’autres de « film d’horreur » : le coronavirus a gâché cette immense fête populaire irlandaise.

Au lieu des joyeuses festivités habituelles, les rues pavées de Temple Bar — généralement l’épicentre des célébrations — sont désertes.

En temps normal, « cet endroit serait tout simplement rempli de monde, la ville entière le serait », témoigne Anthony Whyte, interrogé par l’AFP. « C’est comme une ville fantôme. C’est comme si c’était l’apocalypse » compare cet homme de 49 ans.

La semaine dernière, le gouvernement irlandais a annulé les défilés de la Saint-Patrick dans tout le pays, a demandé aux pubs de fermer et a interdit les rassemblements de plus de 100 personnes jusqu’au 29 mars.

Les autorités ont fortement conseillé aux Irlandais de garder leurs distances, pour éviter de propager la COVID-19.

Une recommandation dont les effets « se ressentent vraiment, un jour comme la Saint-Patrick », constate Justin Sinnott, 44 ans, en se promenant dans les rues désertées avec son jeune fils sur les épaules.

Deux personnes sont décédées du coronavirus en Irlande, qui compte à ce jour 223 cas confirmés.

Le premier ministre Leo Varadkar a déclaré qu’il s’attendait à 15 000 cas dans le pays d’ici fin mars.

Emplois perdus

PHOTO PETER MORRISON, ASSOCIATED PRESS

Dans le centre de Dublin, les décorations de la Saint-Patrick — pintes débordantes de Guinness, farfadets et pots remplis d’or — ne suffisent pas à égayer l’atmosphère.

Dans le centre de Dublin, les décorations de la Saint-Patrick — pintes débordantes de Guinness, farfadets et pots remplis d’or — ne suffisent pas à égayer l’atmosphère.

« Coronavirus/COVID-19-nous sommes fermés », indique une pancarte manuscrite sur la devanture de l’un des bars les plus populaires.

Dans un magasin ouvert, le personnel porte des masques.

Si les fêtards perdent une occasion de sortir, pour d’autres, le coronavirus a des conséquences plus graves.

La chaîne publique RTE a estimé qu’environ 140 000 personnes travaillant dans l’hôtellerie/restauration ou la garde d’enfants ont perdu leur emploi à cause des mesures gouvernementales prises contre le coronavirus.

« Nous nous préparons au pire », a déclaré John Gately, qui travaille dans le transport touristique.

« C’est vraiment sans précédent », témoigne-t-il, interrogé dans le centre de Dublin où il se déplace en vélo, portant des gants de protection bleu. « Je suis un peu fasciné et terrifié en même temps — c’est comme si on était dans un film d’horreur ».

Attraction touristique

L’année dernière, environ 500 000 personnes ont fêté la Saint-Patrick à Dublin. Selon les médias irlandais, 100 000 d’entre eux étaient des visiteurs étrangers.

Mais la fermeture des pubs et les interdictions de vols prises par plusieurs pays ont refroidi les touristes dont beaucoup sont repartis plus tôt chez eux.

Certains voyageurs américains ont ainsi avancé leurs vols de retour avant que Washington n’étende l’interdiction des vols en provenance de l’Europe à d’Irlande et du Royaume-Uni mardi.

« Tout s’est accéléré si rapidement ces derniers jours », a témoigné Travis Mino, interrogé par l’AFP à l’aéroport de Dublin ou il s’apprêtait à embarquer sur un vol pour Washington.

Malgré ce contexte inédit, certains irréductibles restent déterminés à célébrer le saint patron de l’Irlande mardi comme Alexeï Vichtibeïev, un touriste russe qui arbore un chapeau vert avec un lutin et une fausse barbe rousse.

« Une fête c’est dans la tête et dans le cœur, pas seulement dans la rue », affirme cet homme de 45 ans. « Je suis prêt à défiler tout seul ».