(Paris) Le tourisme de mémoire, qui va être stimulé en 2024 par les commémorations du 80e anniversaire du Débarquement allié en Normandie, attire chaque année en France des millions de touristes et participe d’un besoin de se replonger dans le passé et retrouver ses racines.

En 2022, le tourisme de mémoire a attiré 11,4 millions de visiteurs dans l’Hexagone, soit une hausse de 46 % par rapport à 2021, selon le ministère des Armées qui a notamment la charge des hauts lieux de mémoire et des nécropoles. Parmi ces visiteurs, 2,7 millions étaient étrangers.

« Les années commémoratives donnent un éclairage » sur le tourisme de mémoire, « on a eu le centenaire de la Grande Guerre entre 2014 et 2019 et, en 2024, on a plusieurs évènements marquants » pour les 80 ans du débarquement des Alliés, souligne à l’AFP Alexandra Derveaux, cheffe du pôle tourisme de mémoire du ministère, présente sur un espace dédié au salon mondial du tourisme qui se tient à Paris jusqu’à dimanche.

« On se prépare à faire les 80 ans du Débarquement avec un vétéran américain », explique à l’AFP Marc, 58 ans, retraité de la Marine qui n’a pas souhaité donner son patronyme.  

« Je suis très patriote », explique sa femme Corinne, 60 ans, pour qui « c’est important de se rappeler » et de visiter ces lieux.

« C’est important de se souvenir quand on voit de nouvelles guerres à nos frontières », estime aussi Brigitte Billard, 70 ans, accompagnée de son mari Philippe, 72 ans, qui n’a pourtant « pas gardé un bon souvenir » de son service militaire où il a été gravement blessé.  

En 2022, les sites et lieux de visites de la Bataille de Normandie ont accueilli 5,52 millions de visiteurs pour un chiffre d’affaires de 25,2 millions d’euros hors taxe (19,1 millions d’euros en billetterie et 6,1 millions en boutique), selon une étude réalisée par la région Normandie. En 2019, à l’occasion des 75 ans du D-Day, ils étaient 6,1 millions.

Selon cette étude, les visiteurs des lieux de mémoire ont un profil « nettement plus international » que les visiteurs de la région, sont généralement plus âgés (moyenne d’âge 53 ans) et voyagent en couple.

« Besoin de se replonger dans le passé »

Le tourisme de mémoire « a pour caractéristique d’être très lié aux guerres », souligne auprès de l’AFP Didier Arino, dirigeant du cabinet de conseil Protourisme. « Au fur et à mesure des décès des anciens, il y a un intérêt moindre des clientèles françaises, mais cela fonctionne toujours très bien auprès des clientèles australienne, américaine, canadienne… La fréquentation est très liée aux évènements, aux anniversaires, aux dates symboliques », selon lui.

« Mais si on élargit la définition, un autre tourisme apparaît : celui de la mémoire des anciens, de savoir-faire, qui est de plus en plus fort. On se réapproprie une culture, des pratiques, des témoignages, tout ce qui est raconté… Cela aussi fait écho au besoin de se replonger dans le passé et de retrouver ses racines », analyse Didier Arino.  

Au Salon mondial du tourisme, le stand de Montbéliard affiche des slogans comme « un paysage avec des histoires dedans » ou « hier et demain ».  

« Montbéliard a un passé particulier en Franche-Comté », explique Anaïs Baronnat, guide-conférencière, « les gens ont besoin de comprendre cette histoire particulière ».

« On a plein d’histoires à raconter et c’est ce qui plaît », ajoute Vanessa Le Lay, directrice de l’office de tourisme.  

Sur le stand d’en face, l’office de tourisme du Grand Poitiers a fait le choix de mettre en avant sur ses affiches la cité médiévale de Chauvigny plutôt que le Futuroscope.  

« L’été, il y a des spectacles avec des aigles et des rapaces », souligne Agnès Hubert, qui travaille pour l’office de tourisme et qui note une « ludification » des propositions touristiques.  

« Le patrimoine maintenant, on le “fait passer” avec des jeux », explique-t-elle.  

« Il y a un besoin de s’enraciner et en même temps de s’évader avec une transmission racontée de manière ludique », abonde Didier Arino.