(Paris) La tour Eiffel s’achemine vers son sixième jour de grève consécutif samedi, s’approchant du record de son histoire récente, après l’échec d’un premier round de négociations entre la direction et les syndicats, mécontents de la gestion du site.

Vendredi au cinquième jour du conflit social, « l’assemblée générale du personnel a voté la reconduction de la grève », ont confirmé dans un communiqué l’intersyndicale composée de la CGT et FO.

Un peu plus tôt, le délégué syndical CGT, Stéphane Dieu, avait annoncé à l’AFP la poursuite du mouvement, car la « seule avancée » obtenue jeudi est « que la mairie s’est mise à la table des négociations ».

Mais l’intersyndicale attend surtout « des avancées concrètes sur le modèle économique général » plutôt que « des tentatives de (la) direction de dévier le cœur du combat sur des questions salariales, ce que refusent les salariés », écrit-elle.

Jeudi, lors d’une réunion jugée « constructive » par Jean-François Martins, le président de la Société d’exploitation (SETE), la direction avait évoqué un accord « signé dans les quinze jours » au sujet des « conditions d’emploi et de rémunération » des salariés.

« On a refusé, ce n’était pas le sujet », a rétorqué vendredi Stéphane Dieu. L’intersyndicale n’a pas fait état de revendications salariales et dit se battre uniquement contre le modèle économique « intenable » imposé par la mairie.

À ce sujet, la direction a proposé « la création d’une instance de suivi permanent » de la trajectoire financière « afin de renforcer le dialogue avec la Ville » de Paris.

L’intersyndicale lui demande qu’elle « explicite les modalités pratiques et marges de manœuvre » de cette future instance « en cas de dérapage du modèle économique », répond Stéphane Dieu.

Une nouvelle assemblée générale doit se tenir samedi matin, ce qui implique sauf progrès majeur d’ici là un sixième jour de fermeture consécutif à l’heure d’ouverture du monument, visité le week-end par environ 20 000 visiteurs par jour.

Si elle devait perdurer au-delà de dimanche après-midi, cette grève serait la plus longue de l’histoire récente de la tour. À l’automne 1998, le monument était resté fermé six jours et demi.

Le conflit en cours avait déjà entraîné sa fermeture le 27 décembre, jour du centième anniversaire de la disparition de son architecte Gustave Eiffel.

Ardoise

L’équilibre économique de la tour Eiffel, qui a retrouvé en 2023 une fréquentation supérieure à ce qu’elle était avant la COVID-19, avec 6,3 millions de visiteurs, a été fragilisé par quelque 130 millions d’euros de manque à gagner lors des deux années de crise sanitaire (2020 et 2021).

Pour faire face, la SETE a été recapitalisée à hauteur de 60 millions d’euros en 2021. Mais aux pertes de recettes s’est ajoutée une ardoise équivalente – environ 130 millions d’euros – de surcoûts de travaux de rénovation, principalement liés à l’actuelle campagne de peinture, compliquée par la découverte de traces de plomb.

Pour adapter le contrat de délégation de service public, débuté en 2017, à ces nouveaux paramètres, la direction et la mairie préparent un avenant qui doit être soumis en mai au Conseil de Paris.

Jeudi, la direction en a communiqué les grandes orientations : tarifs d’entrée augmentés de 20 %, plan contractuel d’investissement augmenté de 145 millions d’euros et contrat prolongé d’un an – 2031 au lieu de 2030 – « afin de lisser les investissements et leurs amortissements ».

Quant à la redevance versée par la SETE à la mairie, si elle passe progressivement de 8 à 50 millions d’euros – ce que lui reprochent les syndicats –, l’avenant prévoit une « révision à la baisse des modalités de calcul » qui conduira in fine à « un effort » de 51 millions d’euros de la mairie, détaille la SETE.

Mais pas de quoi convaincre les syndicats qui n’ont encore reçu « aucune proposition écrite précise », déplore Stéphane Dieu.

Jeudi soir, la ministre de la Culture Rachida Dati, opposante principale de la maire de Paris Anne Hidalgo, a plaidé pour que la tour Eiffel soit classée monument historique, ce qui permettrait selon elle à l’État, « si nécessaire, d’engager des travaux d’office ».