Quelque 800 ans après sa construction, la cathédrale de Chartres se rapproche du lieu de lumière qu’elle était à son origine. Un immense chantier de restauration redonne actuellement lustre et éclat à ce joyau du patrimoine médiéval. Cela comprend le renouvellement de quatre verrières de la chapelle Saint-Piat, une nouveauté qui devrait inciter les Québécois à visiter ce monument de la Beauce française… car il y a un petit peu de nous autres là-dedans !

Quand on pénètre dans cette chapelle construite au XIIIe siècle, on est envahi par l’émotion. Quatre nouvelles verrières nous illuminent littéralement. Et pour cause, Bang Hai Ja, l’artiste qui les a créées, est reconnue pour faire jaillir la lumière de ses œuvres.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’ARTISTE

Bang Hai Ja dans son studio d’Aubenas, en Ardèche

La proposition de cette octogénaire d’origine coréenne a été choisie parmi 26 soumissions, par un jury formé d’architectes, de muséologues, de notables locaux et de représentants de l’Église. « Nous étions ouverts quant au style », explique Irène Jourd’heuil, conservateur des monuments historiques au ministère de la Culture et gestionnaire du chantier de restauration de la cathédrale de Chartres, en ce qui a trait à l’appel d’offres. « Il était important de laisser les artistes et les maîtres verriers libres de faire du figuratif ou de l’abstrait. Comme on expose des trésors dans cette chapelle, nous avions cependant des exigences assez fortes en termes de sûreté des lieux. Il fallait un verre solide résistant à une éventuelle tentative d’intrusion, qui protège des chocs mécaniques comme la grêle et qui prévienne les phénomènes de condensation. »

Pour l’accompagner dans la préparation de son dossier, Bang Hai Ja a fait appel à son frère Hun, qui s’occupe de sa carrière depuis Montréal.

PHOTO CLAUDE DESCHÊNES, COLLABORATION SPÉCIALE

La transparence et la superposition des plaques de verre intérieure et extérieure, séparées d’une lame d’air, créent de la profondeur.

En plus d’avoir été tour à tour musicien à l’Orchestre symphonique de Québec, violoniste de Gilles Vigneault, fondateur de l’Orchestre métropolitain, producteur de disques et d’évènements, Hun Bang a toujours veillé aux intérêts de sa grande sœur. « C’est elle qui m’a permis de poursuivre ma formation de violoniste à Paris en 1964, dit-il. À mon arrivée en France, elle m’a incité à faire un pèlerinage à Chartres. Le sien, en 1961, l’avait marquée. »

Les vitraux de Chartres ont beaucoup influencé son travail. Au fil des ans, elle a développé une technique de peinture sur les deux faces d’un papier de riz froissé qui donne des tableaux laissant passer la lumière, comme le vitrail.

Hun Bang, frère de l’artiste Bang Hai Ja

Les quatre verrières de la chapelle Saint-Piat ont été créées à partir d’œuvres sur papier. Nara Bang, le fils informaticien de Hun, s’est chargé, pixel par pixel, de la photocomposition nécessaire pour obtenir les dimensions aussi irrégulières que gigantesques des quatre vitraux.

Après une suite d’allers-retours virtuels entre Montréal et l’atelier de Bang Hai Ja en Ardèche, les énormes fichiers ont été envoyés chez Glasmalerei Peters de Paderborn, en Allemagne, l’atelier de verre avec lequel l’artiste collabore depuis 2012.

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Irène Jourd’heuil, conservatrice des monuments historiques à la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) Centre-Val de Loire, et gestionnaire du chantier de restauration de la cathédrale de Chartres

Pour Irène Jourd’heuil, l’artiste et son maître verrier ont fait preuve d’une belle chimie. « Le travail technique fait par les ateliers Peters est vraiment à saluer. On a deux verrières. À l’extérieur, le thermoformage donne un relief au verre. À l’intérieur, ça change beaucoup la perception. La transparence et la superposition des deux verrières créent de la profondeur, ce qui magnifie le travail de l’artiste. »

Morte le 15 septembre 2022, Bang Hai Ja n’a jamais vu le résultat final, mais sa vision était sans équivoque. « J’ai vécu dans l’ambiance bouddhiste à la naissance, connu l’amour du Christ et la liberté des taoïstes, raconte-t-elle dans une vidéo de 2019. Tout ça s’est mélangé dans mon corps pour arriver à donner de tout mon cœur un message de lumière. Je souhaite que cette chapelle soit plus qu’un lieu touristique, qu’il devienne un lieu de pèlerinage où les visiteurs vont se recueillir pour témoigner à leur tour de la lumière qui les habite. »

Regardez Bang Hai Ja – genèses – vitraux de Chartres

La chapelle Saint-Piat, fermée depuis l’an 2000, rouvrira ses portes en décembre. Le public retrouvera les trésors qu’on y exposait jadis, des fresques du Moyen Âge minutieusement restaurées et une découverte archéologique surprenante. Le nettoyage de l’une des fresques a mis au jour un dessin de la cathédrale de Chartes fait avant même que celle-ci ne soit achevée.

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Les quatre verrières contemporaines de Bang Hai Ja évoquent les thèmes de la lumière, de la vie, de l’amour et de la paix.

« Cette image de la cathédrale du XIVsiècle qu’on vient de découvrir est la plus ancienne que l’on connaisse, affirme Irène Jourd’heuil. Malgré les centaines de milliers de mètres carrés de vitraux dans la cathédrale, il n’y a pas une seule fois la représentation de l’édifice lui-même, et là, on l’a en peinture. C’est très émouvant. On voit quelle était la perception de cet édifice à l’époque. Ses bâtisseurs étaient déjà conscients de son importance majeure à l’échelle de la chrétienté. »

Avec toutes ces nouveautés à voir, Chartres n’a pas fini d’attirer les pèlerins du monde entier.

La cathédrale de Chartres

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La cathédrale de Chartres

La cathédrale de Chartres est une des plus vieilles cathédrales gothiques de France. Dédiée à Notre-Dame, elle a été pour l’essentiel construite au début du XIIIsiècle sur une période de 30 ans.

Parmi les raisons qui lui ont valu d’être classée au patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO, il y a ses vitraux. D’importants travaux viennent de les débarrasser de décennies d’encrassement. Le plan de restauration de plusieurs millions d’euros permet également de nettoyer les murs et les colonnes de la cathédrale, rendant à l’intérieur de l’édifice sa luminosité d’origine.

PHOTO FOURNIE PAR LA CATHÉDRALE DE CHARTRES

Le labyrinthe de la cathédrale de Chartres date du XIIe siècle.

Plus d’un million de personnes visitent Chartres chaque année. Beaucoup sont attirées par son labyrinthe, qui date du XIIsiècle. Le motif, au sol de la cathédrale, a un diamètre de 12,89 m, alors que le déroulé fait 261,50 m.

Le chanteur Sting, qui a fait paraître le disque Songs from the Labyrinth en 2006, a réaffirmé son attachement à Chartres dix ans plus tard en révélant s’être fait tatouer le motif du labyrinthe dans le dos.