(Montréal, France) À qui pense connaître Montréal comme sa poche : avez-vous déjà visité sa villa gallo-romaine du IVe siècle ? Admiré ses chapelles cernées d’immenses vignobles ? Dégusté son floc local ? Non ? Pourtant, tout cela se trouve bel et bien à Montréal… D’accord, on parle ici du petit village perché sur une colline dans le sud-ouest de la France. Et même si, a priori, tout oppose les deux homonymes, on ne peut s’empêcher de dresser quelques parallèles amusants. Venez (re)découvrir Montréal en compagnie de son maire, qui nous a accueilli à bras ouverts.

À la croisée de deux routes de campagne, un panneau doublement étrange se dresse soudainement : à gauche, il indique la direction de… Condom (!) ; à droite, celle de Montréal (re-!). La première destination restera un secret bien protégé, car nous mettons le cap sur la ville aux cent… non, pardon, aux sept clochers.

Nichée dans le département aux forts accents agricoles du Gers, cette menue bastide d’un millier d’habitants fondée au XIIIe siècle semble bien éloignée de sa sœur québécoise et de ses autoroutes congestionnées. Ici, pas de Valérie Plante pour gérer les affaires montréalaises, mais plutôt Gérard Bézerra, qui s’adonne à cette tâche depuis plus de 30 ans.

  • Un drôle de panneau sur la route menant à Montréal ! Condom est le nom de la principale ville de la Ténarèze.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    Un drôle de panneau sur la route menant à Montréal ! Condom est le nom de la principale ville de la Ténarèze.

  • Gérard Bézerra a vu de nombreux Britanniques s’installer dans son village, achetant des ruines à fort prix puis les restaurants.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    Gérard Bézerra a vu de nombreux Britanniques s’installer dans son village, achetant des ruines à fort prix puis les restaurants.

1/2
  •  
  •  

Par deux fois, il s’est rendu dans la métropole, pour y promouvoir l’armagnac, fleuron des spiritueux locaux, et participer à une rencontre entre les Montréal du monde (on dénombrerait cinq autres villes baptisées ainsi en France). Il a aussi reçu Pierre Bourque, venu notamment sélectionner quelques spécimens d’arbres gersois pour les transplanter au Québec.

Aujourd’hui, même si les deux villes semblent aux antipodes l’une de l’autre, Montréal-du-Gers montre quelques atouts qui, le temps d’un clin d’œil, peuvent faire écho à son homologue nord-américain.

Immensité urbaine, étendue campagnarde

  • La métropole québécoise est connue pour ses ruelles. Son homonyme du Gers en a aussi quelques-unes pas vilaines dans sa manche.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    La métropole québécoise est connue pour ses ruelles. Son homonyme du Gers en a aussi quelques-unes pas vilaines dans sa manche.

  • Les vignobles occupent une grande partie du territoire de la commune, qui produit de grandes quantités de vins et spiritueux.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    Les vignobles occupent une grande partie du territoire de la commune, qui produit de grandes quantités de vins et spiritueux.

  • L’office de tourisme de Montréal a concocté de nombreux circuits thématiques. Situé sous les arcades de la place principale, il vous accueillera et proposera de belles balades à faire dans les environs.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    L’office de tourisme de Montréal a concocté de nombreux circuits thématiques. Situé sous les arcades de la place principale, il vous accueillera et proposera de belles balades à faire dans les environs.

  • L’une des rues menant à la place centrale du village

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    L’une des rues menant à la place centrale du village

  • La place principale, d’où on aperçoit l’église fortifiée de Notre-Dame de Montréal. Quand on vous dit qu’il s’agit de villes sœurs !

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    La place principale, d’où on aperçoit l’église fortifiée de Notre-Dame de Montréal. Quand on vous dit qu’il s’agit de villes sœurs !

  • Le château de Balarin, classé monument historique

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    Le château de Balarin, classé monument historique

1/6
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Les gratte-ciels de Montréal se distinguent de loin ; la bastide de Montréal se démarque timidement sur sa butte. Une exiguïté non dénuée de charme, puisque le village fortifié est paré de vieilles ruelles convergeant vers la place centrale et ses arcades, son église gothique et ses maisons à pans de bois — elle fait partie du réseau des Plus beaux villages de France.

On comprend pourquoi M. Bézerra et sa délégation ont été frappés pendant leur séjour dans la métropole québécoise : « Voir cette immensité partout a été très marquant pour nous », se souvient-il. Pourtant, question espaces, Montréal-du-Gers n’est pas en reste : « La commune s’étend sur 6300 hectares, nous sommes la première commune viticole du département. Les vocations sont à 95 % agricoles, essentiellement de la vigne et des céréales », avance-t-il. La région historique dans laquelle le village est situé, la Ténarèze, compte de nombreux circuits de découverte élaborés par l’office de tourisme, dont 33 petites randonnées, ainsi qu’une voie verte de 20 km.

« C’est une ancienne voie ferrée réhabilitée, à faire à pied ou à vélo ou en patins. Elle sera allongée en 2023 », indique Anaïs Rouaux, conseillère à l’institution touristique de la Ténarèze.

Ville aux cent clochers, cité aux sept chapelles

  • L’église de Luzanet a été bellement restaurée au fil des années. Elle se dresse au milieu des vignobles du domaine de Pellehaut.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    L’église de Luzanet a été bellement restaurée au fil des années. Elle se dresse au milieu des vignobles du domaine de Pellehaut.

  • L’église Saint-Pierre de Genens est en ruine, mais conserve quelques stigmates du passé.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    L’église Saint-Pierre de Genens est en ruine, mais conserve quelques stigmates du passé.

  • Montréal est une des étapes sur la route de Compostelle. On y croise donc de nombreux pèlerins.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    Montréal est une des étapes sur la route de Compostelle. On y croise donc de nombreux pèlerins.

  • Les balises sont indiquées sur certains murs, et des logis sont prévus pour les marcheurs.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    Les balises sont indiquées sur certains murs, et des logis sont prévus pour les marcheurs.

  • L’abbaye cistercienne de Flaran (1151) a connu une histoire mouvementée au fil des siècles.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    L’abbaye cistercienne de Flaran (1151) a connu une histoire mouvementée au fil des siècles.

1/5
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Comme dans d’innombrables villages de France, le patrimoine religieux fait partie intégrante du charme des lieux. La commune de Montréal, qui compte sept édifices anciens, se bat pour les conserver et les remettre en état. Le plus bel exemple du fruit de ces efforts : l’église gothique de Luzanet, datant du XVIe et restaurée au prix de 1 million d’euros au cours des dernières années, se dresse dans un bucolique panorama de vignobles.

D’autres n’ont pas eu cette chance, comme celle de Saint-Pierre de Genens, érigée au XIIe, mais à l’état de ruines depuis cinq siècles. « Le toit est détruit, mais elle reste accessible et il y a vraiment une âme », souligne Anaïs Rouaux. À quelques kilomètres de là, on trouve également la belle abbaye cistercienne de Flaran (1151), commuée en centre culturel.

Montréal constitue aussi une étape pour les 15 000 pèlerins annuels de Compostelle suivant la classique voie du Puy.

Quand des Québécois passent à la mairie pour faire tamponner leur carnet, ils se font connaître.

Gérard Bézerra, maire de Montréal-du-Gers

Vestiges de Pointe-à-Callière, Villa de Séviac

  • Un visiteur observe les mosaïques de la ville gallo-romaine.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    Un visiteur observe les mosaïques de la ville gallo-romaine.

  • Il s’agit du plus grand ensemble de mosaïques au sol en France.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    Il s’agit du plus grand ensemble de mosaïques au sol en France.

  • Le détail d’un oiseau a été placé dans l’entrée du musée.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    Le détail d’un oiseau a été placé dans l’entrée du musée.

  • Un groupe scolaire visite la villa, qui servait également de thermes à ses riches occupants de l’époque.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    Un groupe scolaire visite la villa, qui servait également de thermes à ses riches occupants de l’époque.

  • Certaines mosaïques sont particulièrement bien conservées.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    Certaines mosaïques sont particulièrement bien conservées.

  • L’ampelomeryx n’est pas un personnage d’Astérix, mais un cerf-girafe ayant fréquenté les environs de Montréal il y a des millions d’années.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    L’ampelomeryx n’est pas un personnage d’Astérix, mais un cerf-girafe ayant fréquenté les environs de Montréal il y a des millions d’années.

1/6
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

À Montréal, des deux bords de l’Atlantique, il suffit de creuser un peu le sol pour faire rejaillir l’histoire. Découverte par hasard au XIXe siècle, la villa gallo-romaine de Séviac, dont les origines remontent au IVesiècle, a été exhumée au fil des ans pour révéler une antique et luxueuse propriété de 6500 m2, encore parée de superbes mosaïques d’époque. « C’est notre joyau, qui regroupe plus de 600 m2 de mosaïques, soit le plus grand ensemble du genre en France », lance Gérard Bézerra.

Un autre site, encore plus ancien, a été mis au jour dans les années 1980 : « En creusant un terrain que j’exploitais, on est tombés sur une grosse molaire d’éléphant », se souvient le maire. Par pur hasard fut ainsi découvert le site paléontologique de Béon, où furent trouvés des milliers d’ossements du Miocène (de 23 à 5 millions d’années), notamment un rare crâne d’ampelomeryx, sorte de cerf-girafe. « À partir de cette année, le site de fouilles est accessible au public en juillet et en août, cinq jours par semaine », annonce Mme Rouaux.

Réseau SAQ, secrets d’armagnac

  • D’innombrables domaines sont à découvrir, comme Ladevèze, Labrit, Maubert, Horgelus…

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    D’innombrables domaines sont à découvrir, comme Ladevèze, Labrit, Maubert, Horgelus…

  • Aurélie Ville, du domaine de Pellehaut, nous présente les caractéristiques de l’armagnac.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    Aurélie Ville, du domaine de Pellehaut, nous présente les caractéristiques de l’armagnac.

  • Le domaine de Pellehaut, avec son édifice historique, est l’un des plus étendus du secteur.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    Le domaine de Pellehaut, avec son édifice historique, est l’un des plus étendus du secteur.

  • L’armagnac est beaucoup moins connu que le cognac, mais fait partie intégrante du terroir local.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    L’armagnac est beaucoup moins connu que le cognac, mais fait partie intégrante du terroir local.

  • Le texte des « 40 vertus de l’armagnac », rédigé jadis par un clerc local.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    Le texte des « 40 vertus de l’armagnac », rédigé jadis par un clerc local.

1/5
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Les maniaques de spiritueux ne pourront faire l’impasse sur l’armagnac, eau-de-vie de vin blanc abondamment produite dans la région, tandis que les œnophiles ne pourront ignorer les Côtes-de-Gascogne mettant en vedette les cépages locaux (gros manseng, colombard, ugni blanc…). Une véritable grappe de vignobles peut se visiter dans les environs, comme le vaste domaine de Pellehaut, distillant à l’origine de l’armagnac, avant d’ajouter la production de vins à son arc, jonglant aujourd’hui avec 14 variétés de raisin.

« En plus des cépages endémiques de la région, on a fait entrer d’autres cépages, comme le chardonnay ou le sauvignon, pour nous permettre d’obtenir des vins plus structurés », explique Aurélie Ville, responsable commerciale du domaine de Pellehaut.

On a aussi réintroduit un cépage oublié, du manseng noir, permettant d’avoir des vins à petit degré et faciles à boire, et parfaitement adapté aux changements climatiques – il résiste très bien aux maladies et à l’humidité.

Aurélie Ville, responsable commerciale du domaine de Pellehaut

Côté armagnac, une petite tournée sera peut-être nécessaire pour trouver chaussure à son pied. « Il n’y a pas un goût typique de l’armagnac, c’est sa force et sa faiblesse : chacun sera très spécifique, selon le producteur et ses méthodes de travail », poursuit-elle, nous présentant ceux bâtis avec de la folle-blanche, fruités et floraux en jeunesse avant de virer vers la brioche et la vanille en vieillissant, ou ceux faits à partir d’ugni blanc. « Pour celui-ci, on ne le sort pas avant 20 ans, et on sera davantage sur le fruit confit, l’abricot, le pruneau, la noisette, et un côté foin », illustre Mme Ville.

À découvrir à l’office du tourisme : une reproduction des « 40 vertus de l’armagnac », un drôle de texte de 1310 dont l’original est conservé au Vatican.

PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

L’armagnac permet tous les miracles, même pour les femmes enceintes, si l’on en croit ce texte ancien…

Viande fumée, canards déplumés

  • Le canard est le roi dans les assiettes du Gers. Ici, un confit de canard classique, avec un floc de Gascogne en apéritif.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    Le canard est le roi dans les assiettes du Gers. Ici, un confit de canard classique, avec un floc de Gascogne en apéritif.

  • Du foie gras aux pommes caramélisées et aux fraises

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    Du foie gras aux pommes caramélisées et aux fraises

  • Une salade de gésiers gasconne

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    Une salade de gésiers gasconne

  • Le floc de Gascogne, un alcool fruité constitué d’un tiers de blanche d’armagnac et de deux tiers de jus de raisin. « C’est un apéritif très fruité, autour de 17 degrés d’alcool. Son nom vient de Lou Floc, qui signifie en gascon bouquet de fleurs », dit Mme Rouaux.

    PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

    Le floc de Gascogne, un alcool fruité constitué d’un tiers de blanche d’armagnac et de deux tiers de jus de raisin. « C’est un apéritif très fruité, autour de 17 degrés d’alcool. Son nom vient de Lou Floc, qui signifie en gascon bouquet de fleurs », dit Mme Rouaux.

1/4
  •  
  •  
  •  
  •  

Côté gastronomie, Montréal-du-Gers étant situé en plein cœur du Sud-Ouest, difficile d’esquiver les spécialités locales à base de canard, sous forme de foie gras en entrée ou de confit en plat principal. Au grand dam du maire du village, l’enseigne gastronomique locale a récemment fermé ses portes, mais il reste tout de même au moins deux restaurants pour garnir son assiette : L’escale, où se retrouvent les classiques gascons (foie gras aux pommes caramélisées et fraises, confit de canard) agrémentés d’une touche malgache, et MontResto, au pied du mont, orienté vers les poissons, sans oublier les spécialités locales (salade de gésiers et magret séché).

En apéritif, on conseille vivement de goûter le Floc de Gascogne, composé de blanche d’armagnac et de jus de raisin.

Bonjour-hi, démêlés anglais-français

PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, LA PRESSE

Montréal-du-Gers fut, à l’origine, une bastide construite pour contenir l’expansion anglaise.

Fait très étonnant : la césure anglo-française se retrouve aussi dans ce mini-Montréal, et ce, dès son origine : « Le secteur, qui était à la limite entre les possessions anglaises et françaises, appartenait au comte de Fourcès, qui était trop proche des Anglais au goût du comte de Toulouse. Ce dernier a fait confisquer ses terres pour y créer une bastide en 1255, Montréal », nous apprend M. Bézerra.

Les incursions britanniques sont loin d’être révolues, puisque depuis une vingtaine d’années, de nombreux Anglais séduits par le Gers y ont acquis et retapé des maisons secondaires. « Par plaisanterie, je dis que les Anglais nous ont jadis envahi les armes à la main, et aujourd’hui, ils nous envahissent avec le carnet de chèques ! », badine le maire.

Le bonjour-hi serait-il devenu une coutume montréalaise partout dans le monde ?