Il existe pas moins de 4217 villas entre Venise et Padoue. Elles ont été construites à partir du XVIe siècle, principalement aux environs de la rivière de la Brenta. Et 1800 de ces demeures somptueuses sont classées monuments historiques. On peut bien sûr en admirer plusieurs en empruntant un bateau qui suit le cours langoureux, tout en méandres, de la Brenta. Mais on peut aussi, en voiture ou en autobus, visiter certains de ces «palais d'été». Ça vaut franchement le coup, qu'on aime les chaussures, l'art rococo, Napoléon ou les repas fins!

Pour avoir une idée de ce que signifiait vivre dans une villa au XVIIIe siècle, on s'arrête d'abord à la villa Widmann Rezzonico Foscari, avec son très joli jardin, rempli de statues, et ses nombreuses pièces, décorées de fresques rococo. Vous avez dit rococo? Et même rococo flamboyant: quand on admire l'énorme candélabre en verre de Murano qui orne l'entrée, avec ses couleurs vives et ses motifs de fleurs un brin tarabiscotées, on se dit que ça devait faire de l'effet sur les invités... admiration ou accablement, ce n'est pas clair! Idem devant les fresques tout en courbes, en volutes, en rose vif ou en bleu ciel, qui ornent plafond et murs. Non, il n'y a presque pas de meubles dans cette villa: c'est qu'on les emmenait avec soi en quittant Venise à l'époque! Est-il besoin de préciser que c'était également l'époque des serviteurs?

 

Deuxième arrêt: la villa Franceschi, construite au XVIe siècle, mais reconvertie en restaurant fin et en bel hôtel, tout en conservant son cachet, avec son parc, ses statues, la fraîcheur de ses jolies salles. On y mange effectivement très bien, et on n'hésitera pas à déguster son tortino (petite tarte) aux asperges blanches de Bassano (une appellation contrôlée pour ces asperges qui poussent en Vénétie) ainsi que le risotto aux légumes, dans un cadre vraiment très élégant et apaisant. Ah oui! la grappa est également au nombre des appellations contrôlées de la région...

 

ChaussuresOn poursuit en décidant d'aller digérer à la villa Foscarini Rossi. Je pourrais bien sûr vous parler du magnifique grand salon aux fresques fascinantes de ce palais... mais c'est le Musée de la chaussure qu'abrite cette villa qui vaut vraiment le détour! Il se trouve que c'est ici, dans les environs de la Brenta, que sont conçues les plus belles chaussures de Jimmy Choo, Manolo Blahnik et compagnie. Avec à propos, la villa propose donc aux visiteurs (aux visiteuses, surtout...) environ 1500 chaussures de collection, signées Dior, Vuitton, Lacroix, Givenchy, Yves Saint-Laurent, etc. Oh, les chaussures Emilio Pucci... Bref, ce musée retrace deux siècles d'histoire sur talons et disons que la femme y est habituellement comblée.

Dernier arrêt: l'incroyable villa Pisani. Imaginez un jardin de 10 hectares, d'un goût exquis, et une villa de 114 pièces! Oui, vous avez bien lu: 114 pièces! Lors de son passage en Italie qui allait se solder par l'annexion de Venise, l'empereur Napoléon a trouvé cette villa tellement belle qu'il l'a achetée.

Il n'y a dormi qu'une nuit, mais qu'importe... Cette gigantesque villa, qu'on peut visiter en long et en large, a permis notamment... l'apparition de la salle de bains! Plus tristement, c'est dans son salon vert qu'ont eu lieu des tractations militaires en 1934 entre Mussolini et Hitler. On effacera ce souvenir en allant se perdre dans le vaste labyrinthe vert qui se situe dans le parc.

Attention, on s'y perd vraiment, car les buis sont plus hauts que les humains (on a l'impression d'être dans le labyrinthe de Harry Potter et la coupe de feu), et l'objectif est de se rendre à la tour qui s'élève en son milieu. Difficile, mais faisable. On peut aussi se promener dans la partie «sauvage» du parc (en fait, habilement aménagée), se détendre près de son large bassin, se délasser dans l'orangeraie, revenir à l'intérieur admirer les tableaux (dont une fresque franchement hallucinante de Tiepolo) et les meubles d'époque...

Des centaines d'Italiens, particulièrement les Vénitiens, s'y rendent tous les week-ends, sans que les lieux perdent de leur tranquillité. On dit de la Riviera del Brenta qu'elle est la «Venise terrestre» et c'est juste: on y a remplacé les canaux par des parcs, et les palais par des villas, mais la beauté y règne autant que dans la lagune.

Les frais de ce voyage ont été payés par Air Transat.

Photo: Marie-Christine Blais

L'étonnant candélabre rococo de la villa Widmann Rezzonico Foscari.