Perchaudes, esturgeons, dorés, aloses, achigans... Les berges de Montréal sont de plus en plus fréquentées par des gens qui taquinent le poisson. Notre journaliste est allée à la rencontre de ces pêcheurs urbains.

Dominic Charest et Pierre Gaulin ont appris à pêcher quand ils étaient tout petits, en Gaspésie. Maintenant qu'ils vivent à Montréal, ils ont trouvé un endroit où continuer à jeter l'hameçon et à ferrer le poisson.

Depuis huit ans, ils rejoignent les dizaines de pêcheurs qui affluent devant le barrage de la rivière des Prairies, au parc-nature de l'Île-de-la-Visitation. Lorsque nous les avons rencontrés, leur ami d'enfance Gino Roussel, guide de pêche au saumon près d'Amqui, venait de lever une belle alose d'environ quatre livres. Une demi-heure après le début de leur pêche, ils avaient déjà dégoté leur souper!

«Depuis quatre ans, on sent que la pêche revient à la mode. Ici, on voit beaucoup plus de pêcheurs», affirme Dominic Charest.

«Je ne sais pas exactement ce qui explique cet engouement, mais c'est sûr qu'il y a plus d'émissions de télévision et même de salons sur le sujet. Peut-être que ça donne envie à des gens d'essayer», suggère-t-il.

Avant d'arriver sur les berges de la rivière, le trio n'avait pas de plan précis. Mais comme l'après-midi commence assez bien avec un poisson en poche, les gars se demandent lequel va se sacrifier pour aller chercher de la bière au dépanneur.

Dominic, Pierre et Gino profitent pleinement de ce samedi chaud et ensoleillé. «La pêche, c'est zen, déclare Gino. Quand je pêche à la mouche, ça se rapproche de la méditation. Ici, c'est davantage du divertissement.»

«Si ça ne mord pas, ce n'est pas grave et si ça mord, c'est une récompense, enchaîne son ami Pierre. On est dehors, c'est relaxant et ça peut même être assez physique. Après une journée complète de pêche, tu peux vraiment être brûlé.»

De l'autre côté de l'île de Montréal, au parc de la Cité-du-Havre, Tibor Gombar et Daniel Cucu (prononcer Coucou) sont des habitués de la pêche urbaine. Les deux amis changent d'endroit d'un week-end à l'autre. Ils visitent les alentours du pont Champlain, LaSalle et les rives de Brossard et de Boucherville.

«Je ne suis pas marié, mais les gens mariés disent qu'ils échappent à la maison et aux tâches ménagères pendant deux ou trois heures lorsqu'ils vont pêcher! dit Tibor, en pouffant de rire. Mais sans blague, la pêche, pour moi, c'est relaxant. C'est un moment qui me permet de décrocher, de ne penser à rien.»

Vive les berges!

Tout près d'Habitat 67, Joël Thiffeault et Sabin Duchesne savent où lancer leur ligne pour taquiner le doré. S'ils lancent du bout de la jetée, leur ligne va s'éloigner vers le pont Jacques-Cartier. S'ils lancent en direction du Vieux-Montréal, leur ligne va plutôt se diriger vers le canal de Lachine.

Le doré qu'ils appâtent est considéré comme ayant une grande valeur gustative. Pourtant, Joël et Sabin relâchent toujours leurs prises. «Le doré, c'est super bon, mais personnellement, je ne les ramène pas. C'est plus pour faire de la pêche sportive. Tantôt, le poisson m'a livré un bon combat d'une dizaine de minutes. Ma ligne repartait toujours et il fallait que je travaille pour ramener le poisson sans briser ma canne», raconte Joël, qui a attrapé un esturgeon de 21 lb. Ce n'est pas une histoire de pêche!

Joël et Sabin, des amis d'enfance originaires du Saguenay-Lac-Saint-Jean, affirment qu'ils ne se verraient pas aussi souvent si ce n'était de la pêche. Comme ni l'un ni l'autre n'est propriétaire d'un petit bateau à moteur, le duo se réjouit que les berges de Montréal soient accessibles. C'est pratique, économique et pas trop loin de leur maison respective, disent les deux hommes.

«Tout ce que ça prend, c'est des hameçons, des plombs et des vers», affirme Joël. «Ça prend aussi de la musique et de la bière», complète Sabin qui attend tout de même une heure «raisonnable» avant d'ouvrir sa première «p'tite froide».

Maurice Dagenais, pêcheur expérimenté, croit lui aussi que les rives de Montréal présentent des atouts. «Si tu sors un peu de la ville pour pêcher sur des lacs, tu peux passer des journées sans rien prendre. Les cours d'eau sont en surpêche. Ici, il y a du poisson en masse. En tout cas, on voit des gens en sortir depuis tantôt.»

C'est le père de Maurice, Marc, qui l'a convaincu de venir pêcher à Montréal avec sa petite Laurie-Ann, 3 ans. Au cours de l'hiver, le grand-père a déménagé tout juste en bordure de la rivière des Prairies sans savoir que la rive était très prisée des pêcheurs.

«Quand j'ai su qu'il y avait de la pêche, j'ai appelé mon gars pour lui demander s'il avait une canne qui traînait quelque part. En fait, la canne et le coffre que j'utilise, c'est à lui», souligne le retraité.

«C'est le fun que ça soit à côté. Que j'en prenne ou que je n'en prenne pas, ce n'est pas grave. Ça ne coûte rien, c'est à côté de chez nous et c'est agréable», relativise le grand-père qui est passé à un cheveu de pêcher son premier poisson en 25 ans. L'alose a retrouvé sa liberté in extremis.

«C'est parce qu'il ne voulait pas se faire manger», a expliqué la belle Laurie-Ann, future pêcheuse aguerrie.

Les pêcheurs et leurs responsabilités

Les sept grands parcs de Montréal qui permettent la pêche se retrouvent chaque année avec des oiseaux emprisonnés dans des fils de pêche. 

«Il y a des pêcheurs qui laissent traîner leurs lignes de pêche. Ce sont des fils qui sont très difficiles à voir et qui sont très résistants, donc des oiseaux peuvent s'y prendre et même en mourir», souligne Geneviève Dubé, porte-parole de la Ville de Montréal. 

Au cours de l'été, le Groupe uni des éducateurs-naturalistes et professionnels en environnement (GUEPE) va d'ailleurs animer des ateliers sur la pêche urbaine écoresponsable. 

Parmi les comportements à adopter, Geneviève Dubé rappelle qu'il faut observer les zones de pêche permises, remettre à l'eau les espèces en péril ou les prises qui ne sont pas parvenues à maturité et respecter les quotas de pêche. 

Pour pêcher à Montréal, il est également obligatoire de détenir un permis de pêche sportive.

Photo Ivanoh Demers, La Presse

Andrey pêche sur le lac Saint-Louis, à Lachine.