À une heure et demie de Montréal, un peu passé le chemin de la Montagne-Coupée, l'abbaye Val Notre-Dame se révèle soudain au détour de la route, qui ne va pas plus loin. Le haut bâtiment blanc de l'église domine les ailes de résidence, toutes de bois blond et de verre, coiffées d'un toit végétal. La chocolaterie et la pâtisserie sont plus loin, dans une zone où un écriteau remercie le passant de respecter la solitude des moines  une façon polie de lui demander de rester à l'écart.

Le magasin de l'abbaye, lui, a été placé à un kilomètre en amont. Ainsi, le touriste ne songe pas à s'aventurer plus avant. Les moines sont donc assurés d'une tranquillité totale, très loin de l'incessante circulation de la grand-route d'Oka, où se trouvait le monastère qu'ils ont quitté en 2009 parce qu'il était devenu trop grand.

Ils étaient 28 quand ils ont emménagé ici. Ils ne sont plus qu'une vingtaine, m'explique le frère Bruno-Marie, de sa belle voix grave, en me guidant jusqu'à ma chambrette. Chargé de l'hôtellerie, il est, à 60 ans, l'un des plus jeunes de la communauté. Sa poignée de main franche et chaleureuse, son regard pétillant, son bon sourire mettent tout de suite à l'aise. Pas de componction ici!

Les 13 chambres, meublées simplement d'un lit mural, d'un lavabo, d'un bureau et d'un fauteuil, sont généreusement fenestrées et pourvues d'un balcon. Comme il doit faire bon, en été, s'y asseoir pour lire ou rêver, et se faire réveiller le matin par le chant des oiseaux!

Au fond du corridor, une petite bibliothèque toute vitrée laisse entrer la lumière et vagabonder le regard. Hauts plafonds, lignes droites et pures, matériaux nobles, teintes neutres, décor dépouillé, environnement champêtre: si la prière n'est pas obligatoire, la méditation, dans un tel environnement, est inévitable.

Le silence, ici, est une règle... tacite. On n'y est pas vraiment tenu  les frères eux-mêmes, les rares fois où on les croise, placotent volontiers sans se soucier de chuchoter. Mais il semble que les retraitants se l'imposent eux-mêmes. Au réfectoire, distinct de celui des moines, chacun se sert muettement de cette cuisine simple, frugale même, un peu fade, un peu tiède, et n'ouvre la bouche que pour l'absorber. Le repas s'expédie en 20 minutes, on rince ensuite ses couverts et ses assiettes et on se retire, toujours en silence. On ne vient pas ici pour socialiser.

L'heure des repas est dictée par celle des prières: petit-déjeuner à 7h15, juste après laudes (6h45) et avant l'eucharistie (8h15). Dîner à 12h15, après sexte, chantée à midi, et avant none, à 13h40. On soupe à 17h (comme à l'hôpital!) afin d'avoir fini à temps pour vêpres, à 18h. Il y a encore complies à 19h30 et vigile à 4h. On se demande, à travers tout cela, où les moines trouvent le temps de fabriquer leurs divins chocolats. Joyeux mystère!

Les retraitants sont bienvenus aux offices mais ne sont pas tenus d'y assister. Chacun peut ainsi disposer de son temps à sa guise: aller écouter zinzinuler les mésanges dans la forêt sillonnée de sentiers (il y a même des sentiers de ski de fond en hiver), marcher jusqu'au magasin de l'abbaye (quitte à se confesser de gourmandise après), commencer enfin ce roman qui attend depuis trop longtemps ou méditer sur ses vieux péchés, là-haut, sur le belvédère qui domine toute la vallée.

Mais, que l'on soit croyant ou non, ce serait passer à côté de quelque chose que de ne pas assister à au moins un office. Dans cette vaste chapelle tout en sobriété dont les plafonds montent jusqu'au ciel, le chant de cette poignée d'hommes qui ont fait voeu de silence ne peut que toucher le coeur et l'âme.

Tarif: on suggère une contribution de 50$ par jour (chambre et pension), mais on précise que chacun est libre de laisser plus ou moins, selon ses moyens.

Abbaye Val Notre-Dame 250, ch. de la Montagne-Coupée, Saint-Jean-de-Matha, 450-960-2889, www.abbayevalnotredame.ca