«Le pilote va venir vous chercher dans quelques minutes», nous lance la préposée à la réception de l'aéroport de Montmagny. À l'instar des insulaires, nous abandonnons la voiture dans le stationnement. Ici, pas d'enregistrement de bagages. Pas de question non plus sur leur contenu. Liquide? Gel? Pas de problème.

Le capitaine aide les gens à placer leur sac dans le compartiment des bagages, puis installe les sièges dans l'appareil qui peut accueillir une dizaine de passagers.

«Vous allez voir, le paysage est beau avec les glaces», lance l'une des passagères avant que l'avion ne décolle, pendant qu'on sent le besoin de mettre notre téléphone portable en mode avion, même si aucune consigne n'a été émise à ce sujet. La voisine de siège avait raison. Le Saint-Laurent, les glaces, les îles, les flocons... Pendant huit courtes minutes - le temps que dure le vol -, on ne cesse de se tordre le cou pour tenter d'avoir le meilleur point de vue.

Et ce n'est que le début de l'aventure. En atterrissant, il est difficile d'imaginer à quel point on pose le pied dans un autre monde. Celui d'un îlot mesurant environ 8 km de long, prisonnier des glaces, accessible en hiver seulement par les airs. Voilà qui fait tout le charme de l'endroit.

La Mi-Carême

Dans une île où il n'y a ni salle de cinéma ni centre commercial, où l'on compte un seul restaurant et où la bibliothèque n'est ouverte que quelques heures par semaine, les hivers pourraient paraître longs. Histoire de passer le temps pendant que la neige tombe, les insulaires s'affairent donc depuis des décennies à préparer les célébrations de la Mi-Carême qui se tiennent toujours au cours de la deuxième semaine de mars.

Ceux-ci pensent au thème de la célébration un an à l'avance, choisissent tissus, boutons et rubans et peuvent coudre plusieurs centaines d'heures pour créer un costume qui ne sera dévoilé qu'au moment de la fête. «C'est un loisir comme un autre!», lance en souriant Gina Vézina, qui a fabriqué quelque 60 costumes en 30 ans. Et pas question pour elle de s'en départir, nous a-t-elle affirmé quand on l'a rencontrée chez elle. On lui a déjà offert 1000 $ pour un costume de violon qui lui avait coûté de nombreuses heures de travail. Offre qu'elle a déclinée, préférant léguer ses créations à sa famille, dit-elle, faisant visiblement le bonheur de sa fille Guylaine - présente lors de l'entrevue -, qui a appris la couture avec sa mère.

Cette année, la Mi-Carême se tiendra du 7 au 13 mars. Tous les soirs de la semaine, les gens, réunis en équipe, se déguisent et vont cogner à la porte d'une dizaine de maisons où on les laisse entrer pour qu'ils puissent se donner en spectacle.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Le capitaine aide les gens à placer leur sac dans le compartiment des bagages, puis installe les sièges dans l'appareil qui peut accueillir une dizaine de passagers.

Les résidants qui les reçoivent installent bien souvent carton ou tapis au centre du salon, délimitant ainsi l'espace où les «carêmeux» se produiront. Et ils ferment les rideaux afin de ne pas voir ceux qui débarqueront chez eux. Il faut préserver à tout prix l'effet de surprise. Musique, masque obligatoire et paillettes sont au rendez-vous. On s'amuse alors à tenter de deviner qui sont ces jolies méduses ou qui se cache sous l'énorme chapeau de l'oncle Sam. À la fin du numéro, les artistes font tomber leur masque pour se montrer sous leur vrai jour. On leur sert un petit verre histoire de les réchauffer un peu et les voilà repartis vers une autre maison.

Les soirées du vendredi et du samedi sont les plus animées. Les visiteurs qui souhaitent vivre ces festivités peuvent séjourner à l'Auberge du Grand Héron, où l'on ouvre aussi la porte aux costumés pendant la fin de semaine. 

Le samedi, tout le monde se retrouve à l'Auberge des Dunes, normalement fermée le reste de l'hiver. Pour l'occasion, les propriétaires ouvrent la grande salle et offrent un service de bar. C'est le lieu de rendez-vous de tous les habitants de l'île et des visiteurs qui souhaitent voir défiler les participants costumés. La fête se termine souvent au petit matin. Et comme s'ils ne s'étaient pas assez vus, les gens se retrouvent le lendemain pour le brunch. C'est le moment de revenir sur la soirée et de rire de ceux qui ont trébuché dans la neige ou qui ont fait un faux pas lors de leur numéro.

«Pendant cette semaine-là, ce sont les gens de l'île qui sont les vedettes», lance Édith Rousseau, qui participe activement aux festivités. Tout en montrant fièrement ses costumes des années précédentes, elle se dit convaincue que les activités de la Mi-Carême représentent une attraction fort intéressante pour les visiteurs qui souhaitent découvrir le visage unique de l'endroit.

«Ce sont des activités qui font qu'il y a une vie insulaire», ajoute la mairesse Lisette Painchaud.

__________________________________________________________________________

AIR MONTMAGNY 

Tarif : 55,60$ par personne aller/retour (taxes incluses).

Franchise de bagage de 20 lb

http://www.facebook.com/airmontmagny

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Édith Rousseau fabrique ses costumes depuis plusieurs années... et les enfilent pour cette photo!