Le Québec a déjà compté des dizaines de communautés religieuses, abritées dans d'immenses bâtiments aux quatre coins de la province. Des bâtiments souvent désertés aujourd'hui. Ou, pour certains, reconvertis en lieux de séjour uniques. Entre patrimoine et recueillement, mais sans obligations religieuses. Nos journalistes en ont testé deux : le Couvent de Val-Morin et le monastère des Augustines, à Québec. Récits.

Prendre soin des corps et des âmes, comme l'ont fait pendant près de 400 ans les Augustines du Québec, voilà la mission que s'est donnée le Monastère des Augustines, un tout nouvel hôtel axé sur la santé globale qui a ouvert ses portes il y a quelques semaines à peine sur les remparts du Vieux-Québec.

Le plus vieux monastère-hôpital du Canada et des États-Unis réunis sert d'écrin à cet hôtel pas comme les autres. Il y a quelques décennies à peine, plus de 200 religieuses de la congrégation des Augustines vivaient dans ce lieu splendide, fondé en 1695, puis reconstruit en 1755 après avoir été ravagé par un incendie. Jour après jour, elles veillaient sur les souffrants de l'Hôtel-Dieu de Québec.

Aujourd'hui, les Augustines ne sont plus qu'une poignée, mais le sort de leurs semblables continue de les préoccuper. C'est pourquoi, en 2013, elles ont décidé de céder leur monastère pour qu'il soit reconverti non pas en copropriétés, mais en hôtel où la santé et le bien-être des clients sont mis à l'avant-plan.

Les murs de ce bâtiment précieusement préservé portent encore les marques du passage du temps. Ici, la trace d'un boulet de canon encastré dans une poutre, vestige des batailles qui ont mené à la conquête de Québec, en 1759. Là, un escalier drôlement penché, aux marches usées. Plus loin, des voûtes - parmi les plus vieilles en Amérique -  un choeur à l'acoustique parfaite où les religieuses de la communauté (elles ne sont plus que 12 à vivre dans une aile séparée) viennent chanter les vêpres tous les soirs, des armoires anciennes qui fleurent encore l'encaustique...

Mais il ne faut pas se tromper. Après plus de 2 ans de travaux et des investissements de 42 millions de dollars (partagés entre les différents ordres de gouvernement et les Augustines elles-mêmes), le monastère est bel et bien entré dans la modernité. Une large verrière aux lignes modernes et épurées sert de réception à l'hôtel, qui a accueilli ses premiers clients le 1er août dernier.

Les anciennes cellules des religieuses ont été transformées en chambres sobres, mais confortables. Des chambres plus contemporaines, avec salles de bains privées, ont été ajoutées. Toutes sont climatisées, mais privées de ce qui pourrait nuire au ressourcement: pas de téléviseur, pas de téléphone, pas de radio-réveil. On invite même ceux qui le souhaitent à laisser leur cellulaire à la réception pour la durée du séjour.

Car le Monastère des Augustines n'est pas un énième hôtel venu s'ajouter à l'offre déjà abondante du Vieux-Québec. Son concept est unique. «Nous poursuivons la mission des Augustines en offrant une approche de santé globale à nos clients, explique la directrice générale, Isabelle Dansereau. Nous leur donnons des outils pour retrouver l'équilibre dans leur santé physique, mentale, émotionnelle et spirituelle.»

Ainsi, plusieurs activités sont offertes pendant la journée, et ce, tous les jours de la semaine: yoga, méditation, atelier de créativité, discussions. Des soins spécialisés en santé - massothérapie, consultations en alimentation, analyse posturale - sont proposés. À tous les étages, des salles sont aménagées pour favoriser la détente et une cour gazonnée, avec un parcours méditatif, doit venir s'ajouter sous peu.

Au restaurant, on propose une cuisine axée sur les produits biologiques et locaux, qui varie selon les arrivages. Le matin, le petit déjeuner s'y prend en silence, comme les religieuses l'ont toujours fait. «Les Augustines sont des femmes d'action et de contemplation. Elles n'auraient pas pu fonder 12 monastères-hôpitaux, comme elles l'ont fait au Québec, et s'occuper de tous les malades sans s'arrêter chaque jour pour se recueillir, se recentrer», dit Isabelle Dansereau.

Plusieurs conférences et ateliers, élaborés par des spécialistes de la méditation consciente, de la gestion du stress ou du Qi Gong, sont au programme pour l'automne. Des concerts intimistes sont aussi prévus dans le choeur.

Autre particularité: tous les profits générés par le Monastère des Augustines, un organisme à but non lucratif, seront réinvestis pour soutenir le volet social de l'organisation, qui offre notamment du répit aux proches aidants.

Comment s'intègre le culte catholique dans ce tableau? Il est omniprésent dans les couloirs du bâtiment, notamment avec la présence de nombreuses statues et oeuvres d'art religieux, mais évacué de l'approche philosophique du Monastère. «Le culte catholique occupe une partie importante de notre histoire collective, mais il était important pour nous - et pour les religieuses - d'offrir un lieu de ressourcement ouvert à tous, loin de tout dogmatisme. La spiritualité occupe une place importante au Monastère, mais elle s'incarne par la méditation, la quête de sens. Dans un monde stressé comme le nôtre, nous voulons offrir un espace créatif, où l'on peut faire taire le hamster.»

Et le hamster se tait en effet lorsqu'on se pose ici. L'atmosphère enveloppante, les chambres d'une grande sobriété, les activités qui ponctuent la journée, tout nous fait oublier que derrière les épais murs d'enceinte se trouve le Vieux-Québec, avec ses touristes et son incessante animation. Le choc est grand pour celui qui sort sans être préparé de cette bulle feutrée. L'envie est forte de retourner se réfugier dans le calme du monastère. Et de prolonger le séjour.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Info

Plusieurs forfaits différents sont offerts. Certains ne concernent que l'hébergement et le petit déjeuner, d'autres incluent le programme d'activités quotidiennes ou encore des soins spécialisés offerts en séance privée pendant plusieurs jours. Prix: à partir de 72$ par personne pour une nuitée en occupation double dans une chambre authentique.

monastere.ca

Repas

Le restaurant propose une cuisine saine, centrée sur le concept de l'alimentation consciente: produits biologiques et locaux, pousses, plats végétariens, mais aussi viande, volaille, poisson. Les plats sont archifrais; les saveurs, relevées; les légumes, croquants et le comptoir à salade (ou à fruits, le matin) est très diversifié et de grande qualité. Du vin et de la bière biologique sont en vente au souper.

Activités

La programmation quotidienne d'activités balance entre tonicité et douceur: yoga, marche, méditation, création de mandalas... «Bientôt, de la musique et de la danse viendront s'ajouter», dit Mme Dansereau. Plusieurs soins de santé spécialisés sont aussi proposés. À savoir: le Monastère des Augustines est le premier hôtel au Québec, le troisième au Canada, a recevoir la certification Healing Hotels of the World, qui regroupe des hôtels de luxe axés sur la santé.

Musée

Un musée consacré à la congrégation des Augustines jouxte le hall d'accueil. On peut y voir quelque 1000 objets anciens et vidéos rappelant le travail de soignantes des religieuses. Outre la visite autonome du musée, deux visites guidées, d'une durée de 75 minutes, sont offertes chaque jour. Les religieuses ont aussi légué les archives des 12 monastères-hôpitaux qu'elles ont fondés. Ces imposantes archives seront accessibles au public sous peu, sur rendez-vous seulement.

À rapporter

Plusieurs produits sont offerts à la boutique pour prolonger les bienfaits d'un séjour santé au Monastère des Augustines, notamment un parfum d'ambiance préparé par une herboriste, puisé dans les archives des Augustines. Aussi: des tisanes inspirées des recettes anciennes ou une musique créée spécialement pour les activités d'éveil par le compositeur René Dupéré.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE