Whitehorse, porte d'entrée du Yukon, est la «petite» capitale d'un grand territoire encore largement sauvage. Malgré son architecture nord-américaine et ses rues taillées au couteau, la ville ne manque pas d'intérêt, surtout comme port d'attache d'échappées plus lointaines. Elle s'est construite au bord de la rivière Yukon, dans une vallée encadrée par deux chaînes de montagnes, à la faveur des belles années du Klondike.

Comme entrée en matière, le musée MacBride, pittoresque cabane en bois rond au toit couvert d'herbe, est parfait. Son exposition permanente raconte toute l'histoire de la fièvre de l'or, formidable épopée qui poussa quelque 100 000 personnes, Américains, Européens mais aussi Québécois, à tout abandonner dans les années 1897-1899 pour tenter de faire fortune au Yukon. La «grande rivière» servit de voie navigable pour rejoindre l'épicentre du Klondike, à Dawson City. Le musée un peu bric-à-brac explique autant le travail des premiers chercheurs d'or que l'organisation de la vie collective, avec salle de barbier, cuisine, outils de mineurs, maquettes... Non loin de là, sur la berge, trône le S.S. Klondike, bateau-vapeur à aube qui naviguait dans les années 30 sur la ligne fluviale Whitehorse-Dawson et qu'on peut visiter en tour guidé.

 

À la sortie de la ville, côté sud, l'attraction principale est le canyon Miles. Si ses parois rapprochées impressionnent vues de la route, qu'en était-il des pionniers en route pour Dawson qui devaient portager pour contourner les rapides du Yukon, aujourd'hui disparus pour cause de barrage? Une balade à pied ou à vélo de montagne sur la piste du Millénaire et le sentier en boucle du fleuve Yukon permet d'en apprécier toute la beauté naturelle, avec oiseaux et fleurs sauvages en prime.

Franco-rencontres

En filant vers le sud via l'autoroute South Klondike, on se perd vite dans la taïga... mais c'est pour mieux retrouver un visage connu, celui de Marcelle Fressineau. Elle nous accueille avec un chiot husky dans les bras. Surprise, car on la connaît bien au Québec, cette jurassienne-Suissesse qui a passé 12 ans en Mauricie à la tête d'une entreprise de tourisme d'aventure! Un jour, la musher a de nouveau plié bagage avec Gilles Proteau et sa meute pour partir au Yukon. Elle connaissait bien le terrain, ayant participé deux fois à la Yukon Quest, la fameuse course internationale de traîneaux à chiens. «Ici, l'hiver est plus long qu'au Québec. Il y a plus de montagnes et de possibilités d'expéditions», explique-t-elle en montrant, du chenil qui jouxte sa maison en bois rond, la vaste étendue de leur terrain de jeu, adossé aux montagnes Saint-Elias. Leur compagnie, Alayuk, accueille aussi bien des Japonais venus pour deux jours voir des aurores boréales que d'autres pour une expédition en traîneau à chiens l'hiver, à pied, à vélo de montagne, à cheval ou en canot-camping l'été.

À une trentaine de kilomètres de Whitehorse, vers l'ouest, on peut plonger dans les eaux chaudes des Takhini Hot Springs, riches en calcium, en magnésium et en fer, à une température de 45 degrés Celsius en toutes saisons! De là, on ira rendre visite à Jean-Pierre Champeval, un Alsacien qui a vendu ses boulangeries françaises pour prendre lui aussi le chemin du Yukon, avec femme et enfant, en 2006. Ils ont acheté 40 hectares de prairies et de forêts en bordure de la rivière Takhini, non loin de la piste de la Yukon Quest. Et ouvert un joli gîte, le Takhini River Lodge, avec écurie attenante et odeur de bon pain garantie!

L'autoroute de l'Alaska nous mène ensuite des hauts plateaux et larges vallées au «vrai» pied des montagnes qui abritent le mont Logan, plus haut sommet du Canada (5950 mètres). Le parc Kluane est l'un des plus beaux du Canada. Terrain sauvage par excellence, avec plus de grizzlis que d'humains au mètre carré! Il cache de vastes champs de glace qu'on ne voit qu'à condition de faire un tour d'avion pour survoler les montagnes. À pied, de nombreux sentiers sont accessibles mais mieux vaut se faire accompagner par un guide si l'on a peur des ours. L'un d'eux - le sentier Auriol - donne une bonne idée des écosystèmes de la région. Nommée en l'honneur d'un ancien président français, cette vieille piste de la nation des Tutchones du sud court sur 15 kilomètres en boucle à travers une forêt boréale garnie d'épinettes et de sous-bois colorés par la mousse. À mi-parcours, avec 400 mètres de dénivelé, on aboutit sur une verdoyante prairie alpine où il fait bon marcher, s'arrêter pique-niquer et admirer, en contrebas, le lac Kluane, tout bleu sous l'effet du soleil.

Dawson

À 530 kilomètres au nord de Whitehorse, Dawson City est collée sur la frontière avec l'Alaska, à cheval sur le 64e parallèle! Rues en terre battue, trottoirs et pimpantes maisons de bois, saloons, maisons de jeu, palaces : on nage en pleine ruée vers l'or dans cette petite ville-musée du Klondike. L'or trouvé en 1896 sur le bord du ruisseau Rabbit a transformé en deux ans un modeste poste de traite au confluent de la rivière Klondike et du fleuve Yukon en une ville grouillante de vie. Même le jeune Jack London, dont on visite la cabane, s'est pris au jeu des prospecteurs de fortune. Une trentaine de bâtiments historiques ont été restaurés par Parcs Canada. Avec Faye Chamberlain, trappeuse et guide colorée qui a quitté la Gaspésie il y a plus de 30 ans, on visite notamment l'église catholique et la banque d'époque, l'Allée du paradis (qui accueillait les «filles de petite vertu»), en passant devant la vitrine de la mercerie d'Émilie Tremblay, Canadienne française et l'une des premières «Blanches» à avoir emprunté la Chilkoot Trail. À l'écart du centre-ville, le musée de Dawson vaut vraiment le détour, offrant de belles reconstitutions historiques. En soirée, on s'attable au Klondike Kate's, le bon resto de Dawson, avant d'aller finir la soirée au Diamond Tooth Gerties, le casino des années du Klondike, avec musique et french cancan d'époque.

Un train d'or et de sang

Pour atteindre Dawson, les futurs chercheurs d'or arrivaient par bateau à Skagway en Alaska puis, chargés comme des mules, ils empruntaient la Chilkoot Trail, seule voie de passage par-dessus les montagnes pour rejoindre le lac Bennett d'où ils pouvaient, souvent trois mois plus tard, prendre un bateau pour Dawson. Il leur fallait grimper une pente de 45 degrés sur un sentier rocailleux, franchir un col, redescendre jusqu'au lac : 53 kilomètres de marche, à répéter plusieurs fois pour transporter jusqu'à une tonne de matériel chacun! À l'arrivée, pour ceux qui n'avaient pas abandonné en chemin, la déception était souvent au rendez-vous, les meilleures concessions étant déjà prises... Pendant ce temps, on construisait une voie ferrée, celle de la White Pass and Yukon Route, mais elle ne relia Skagway à Bennett qu'en 1899 et Whitehorse l'année suivante, alors que la fièvre de l'or était tombée...

Il y a deux façons de revivre cette épopée : à pied ou en train. En randonnée pédestre, il faut trois à cinq jours pour franchir la cinquantaine de kilomètres séparant Dyea Town de Bennett, via la mythique Chilkoot Trail. On campe en chemin sur cette ancienne piste de troc entre autochtones qui fut la courte «autoroute» de la ruée vers l'or. C'est évidemment le meilleur moyen de comprendre ce qu'il fallut de courage et de ténacité à ceux qui rêvaient de trouver de l'or au Yukon. On peut tout de même en avoir une bonne idée en parcourant la région à bord d'un vieux wagon de bois du train touristique White Pass and Yukon Route. Au départ de Bennett, il rejoint en une heure et demie Skagway, en Alaska. Voyage dans le temps et décor féerique sont au programme de cette équipée originale qui fait passer de la belle forêt boréale du Yukon au climat quasi-arctique de la taïga, puis au royaume de la caillasse au coeur de la montagne pour redescendre enfin dans la luxuriante végétation de l'Alaska. De la plate-forme extérieure du wagon, dans un cliquetis impressionnant de pièces de métal, on admire les pentes à pic des montagnes, une cascade sonore, un torrent laiteux, un petit lac perdu dans un champ de roches... On est pris de vertige sur un long pont au-dessus d'une gorge profonde mais déjà le tortillard poursuit sa course, peinant seulement un peu dans les montées, puis se faufilant comme un serpent dans un étroit couloir d'arbres matures. Quand on en sort, c'est pour apercevoir déjà au loin la grande baie de Skagway.

 

Repères

Climat : l'été est court, avec des jours chauds et longs (jusqu'à 22 heures sur 24), tandis que les nuits sont fraîches, surtout en altitude. Septembre est aussi magnifique.

Avion : Air Canada (www.aircanada.com) pour Whitehorse via Toronto et Vancouver.

Où loger : Takhini River Lodge (près de Whitehorse) : 1 867 393 2977; www.takhiniriverlodge.com; Bombay Peggy's (Dawson) : 1 867 993 6969; www.bombaypeggys.com

Forfaits : Alayuk : canot-camping, vélo de montagne, traîneau à chiens (1 867 668 2922; www.alayuk.com); Latitude Destinations : circuit Yukon en français; autotour neuf jours avec hébergement, services et visites guidées en français (1 867 456 70 84; www.latitudeyu kon.com); Ruby Range Adventure : 5 à 21 jours de canot, notamment la classique descente de la rivière Yukon (1 867 667 2209; www.ruby range.com)

Informations touristiques

Tourisme au Yukon : 1 800 661-0494; www.tourismeyukon.ca

Commission canadienne du tourisme : www.canada.travel, www.brochurescanada.com

Parc Kluane : ouvert de mai à septembre. Tél. : 1 867 634-7250; www.pc.gc.ca/kluane

Train White Pass and Yukon Route : 1 800 343-7373; www.wpyr.com