Entre le pays que l'on rêve et celui que l'on connaît, il y a quantité d'endroits dont on ne soupçonne pas l'intérêt. Le Canada est immense, la palette de ses paysages et de ses cultures est infinie. Des chroniqueurs et journalistes de La Presse, qui ont beaucoup voyagé d'un océan à l'autre, nous présentent la région ou la ville qui les a le plus touchés. Voici le premier texte de la série Le Canada qu'on aime.

Je suis montée dans le train à la gare de Vancouver, un soir de décembre 2005.

Je n'étais pas là pour des vacances. Nous étions en plein coeur d'une campagne électorale fédérale. Ma mission : rendre compte de ce qui préoccupait alors les électeurs dans des villes longeant le rail du chemin de fer, d'ouest en est, jusqu'à Toronto. Mon moyen de transport: Le Canadien.

Après un premier marathon d'entrevues et d'écriture, je suis arrivée cinq minutes avant le départ du train. Le temps de trouver mon billet, mon wagon et mon siège, le sol a bougé sous mes pieds. Le train a accéléré, les lumières de la ville ont fondu en une traînée blanche avant de disparaître derrière nous.

La soirée était déjà assez avancée et un steward s'est approché de moi, me suggérant d'aller prendre un verre au wagon Skyline pendant qu'il préparerait mon lit. J'ai pris la pile de notes en prévision de ma prochaine destination (Edmonton) et suis partie lire ça avec un verre de rouge.

Le Skyline, c'est ce wagon-salon surmonté d'un plafond vitré où on peut casser la croûte en fixant le ciel.

Autour de moi, des gens lisaient, jouaient aux cartes ou se contentaient de regarder défiler les ombres des villages. Mission, Agassiz, Katz...

À mon retour à mon siège, la banquette avait été transformée en un lit confortable, isolé du reste du wagon par un rideau. Je n'avais plus qu'à me couler sous les couvertures. J'ai mis mes notes de côté et j'ai laissé le train me porter, avec son lent déhanchement.

Le lendemain, nous étions ailleurs. Géographiquement d'abord : nous avions quitté Vancouver en automne, nous nous sommes réveillés en plein hiver, avec la ligne escarpée des Rocheuses pour horizon.

Mais ce sentiment d'être transportée sur une autre planète tenait aussi à la sensation du temps. Après le petit-déjeuner (crêpes, oeufs sous toutes les formes), il n'y avait qu'une chose à faire : monter à l'étage du Skyline et regarder les montagnes grossir, nous engloutir, puis disparaître derrière nous.

Dans cette bulle en mouvement, coupée du cellulaire, des courriels et de l'internet, il semblait y avoir une incroyable profusion d'heures et de minutes.

À l'époque, il fallait trois jours et quatre nuits pour atteindre Toronto. L'horaire du train a été depuis modifié, de manière à profiter plus longtemps du passage dans les Rocheuses - la partie la plus spectaculaire du voyage, évidemment.

Trois longues journées. Mais que fait-on de tout ce temps? Eh bien, on regarde. On lit. On pense. Et on mange. Étonnamment bien, sur des nappes blanches, avec des voisins de table qui, entre le flétan aux pacanes et le filet de boeuf aux champignons sauvages, vous racontent leur vie.

Je me rappelle d'une dame âgée dont les enfants étaient éparpillés d'un bout à l'autre du pays, et qui allait de l'un à l'autre en train, parce qu'elle avait peur de l'avion. D'une étudiante en peine d'amour. De deux jeunes Norvégiens qui avaient hâte de prendre un autre train, celui qui va de Winnipeg à Churchill, pour aller y observer les ours blancs. Et de ces bouchons de champagne qui ont explosé, au moment où le train entrait à la gare de Winnipeg, quand les membres de l'équipage ont voulu célébrer un de leurs collègues qui en était à son ultime voyage, avant la retraite...

Infos

Le train Le Canadien permet de voyager entre Toronto et Vancouver, en traversant les Rocheuses.

Le voyage en classe économique coûte entre 574$ et 765$, selon la saison. Pour une place en compartiment, il faut calculer entre 1000$ et 2000$, selon la saison et le type de chambre. Certains tarifs incluent les prix des repas, d'autres non. Les enfants ont droit à des tarifs réduits.