Le ciel n'a pas l'air de vouloir coopérer. Alors que l'avion s'apprête à atterrir à Yellowknife, je constate que la couverture nuageuse est bien compacte. Ce n'est pas ce soir que je verrai une aurore boréale.

En hiver, les touristes, surtout japonais, affluent à Yellowknife pour assister à ce saisissant spectacle naturel. J'arrive un peu tôt: le grand lac de l'Esclave n'est pas encore totalement gelé, ce qui contribue à ennuager le ciel de Yellowknife. De toute façon, je ne viens pas dans la capitale des Territoires du Nord-Ouest pour regarder les aurores boréales, mais pour visiter une nièce postée ici pour l'année scolaire. N'empêche qu'une petite aurore, ce serait bien...

 

En attendant, nous visitons Yellowknife, qui comprend essentiellement deux parties: la nouvelle ville, où se trouve le centre administratif et commercial de la capitale; et la vieille ville, un endroit à la fois bizarre et pittoresque. Pressées sur une étroite péninsule rocheuse, de jolies maisonnettes côtoient des cabanes bringuebalantes, sans eau courante, habitées par des romantiques et des sans-le-sou.

Armées d'un petit guide téléchargé depuis le site internet de la ville de Yellowknife, nous découvrons l'histoire parfois colorée qui se cache derrière les murs les plus chambranlants. C'est ainsi qu'une cabane légèrement de guingois porte le surnom de la Maison des horreurs. Bâtie en 1938 par un certain Alphonse Cyr, la maison de chambres a donné lieu à des parties de cartes et des soirées déchaînées.

Avec la découverte de diamants dans la région, Yellowknife connaît un nouveau boom. Pendant combien de temps ces cabanes biscornues résisteront-elles au nouveau développement? Pour l'instant, elles tiennent bon.

En soirée, les nuages sont toujours aussi présents. Qu'à cela ne tienne, un groupe francophone de Winnipeg est justement en ville pour une soirée de chansons traditionnelles et de danses enlevantes. Ce qui me donne l'occasion de rencontrer une partie de la communauté francophone de Yellowknife, particulièrement accueillante.

N'empêche que je ne m'attendais pas à passer une soirée dans les Territoires du Nord-Ouest à danser la bastringue.

Le passé est encore bien présent à Yellowknife. Un ami pilote me fait visiter l'incroyable collection d'appareils historiques de Buffalo Airways, à l'aéroport. De vieux DC3, DC4 et C46 des années 30 et 40, en parfait état de marche, s'envolent encore pour transporter du cargo ou des passagers. Une équipe de télévision américaine est d'ailleurs en ville pour filmer ces pièces de musée volantes.

De l'inattendu

Décidément, l'inattendu est au rendez-vous. Une simple balade de ski de fond, juste aux limites de la ville, prend un aspect un peu plus excitant, au détour d'un sentier, lorsque nous tombons sur des traces de lynx fraîches. Je me sens loin du mont Royal! Une impression renforcée par la présence de lagopèdes, de placides oiseaux blancs aux pattes recouvertes de plumes.

Un autre imprévu se présente, une virée de traîneau à chiens. Je n'avais pas planifié la chose, mais voilà qu'on m'offre une balade de nuit jusqu'à une cabane, sur le bord d'un lac, un endroit idéal pour admirer les aurores boréales. Déjà, le chenil est impressionnant. Grant Beck, un champion mondial de course de traîneau à chiens, possède plus d'une centaine de huskies qu'il entraîne pour les compétitions et pour les expéditions touristiques.

Le jour, il est possible de conduire son propre attelage, mais ce soir, en raison de l'obscurité, c'est Carol Beck qui prend les commandes. Nous glissons silencieusement sur des lacs gelés et des sentiers qui se faufilent dans la forêt de conifères. La neige qui pèse sur les branches scintille dans la lumière de la lampe frontale de Carol.

À la cabane, il faut se rendre à l'évidence, les aurores boréales ne seront pas au rendez-vous. Tant pis. Nous empruntons des raquettes de babiche et allons nous promener dans les alentours. L'obscurité a un petit rien d'inquiétant. Je me rassure en me répétant que normalement, les ours noirs hibernent l'hiver.

Le ciel finit par se dégager le jour de mon départ. Par une belle matinée à -16 degrés, j'ai juste le temps de faire une petite randonnée jusqu'à la législature des Territoires du Nord-Ouest pour une visite guidée. De bien belles surprises m'y attendent: un superbe édifice bâti en 1993, niché entre le lac et un boisé de conifères, qui regorge d'art nordique. On y trouve notamment une collection de neuf tableaux du réputé peintre A.Y. Jackson, du Groupe des Sept, et des oeuvres d'artistes réputés comme Archie Beaulieu et Helen Croft.

Je repars sans avoir vu d'aurores boréales, mais avec la tête pleine d'expériences inusitées, de rencontres chaleureuses et d'un passé coloré qui ne disparaîtra pas de sitôt.