Tressauter à l'arrière d'un camion vieux de 30 ans sur un ancien terrain d'entraînement de l'Armée rouge en Lettonie et inhaler un mélange enivrant de vapeurs d'essence et de poussière, voilà ce que propose un Letton entreprenant aux touristes avides d'aventures.Selon Edgars Karklevalks, 50 ans, nombreux sont ceux qui désirent passer leurs vacances de cette manière.

Partout en Lettonie, des anciennes bases de l'Armée rouge, installées quand le pays faisait partie de l'URSS, sont désormais transformées en attractions touristiques.«À certains visiteurs cette expérience rappelle leur passé, mais il y a aussi des jeunes qui savent très peu de choses sur ce qui s'est passé à l'époque soviétique», explique-t-il d'une voix forte, tentant de couvrir le bruit d'un moteur rugissant.Il est vêtu d'un uniforme authentique de l'Armée rouge qui sied idéalement à son camion militaire GAZ-66, impeccablement entretenu.Après l'indépendance de la Lettonie en 1991, cet ancien chauffeur de l'armée a géré des chambres d'hôtes, essayant de marier son métier avec un intérêt grandissant pour les vieux camions militaires.

Aujourd'hui, il propose des excursions en camion à travers les anciens terrains d'entraînement de chars, et assure qu'après une dure journée au volant une bière froide et un barbecue ont un goût bien meilleur que d'habitude.L'Office du Tourisme letton a inclus son parcours dans un nouveau projet, soutenu par l'Union européenne et destiné à mieux exploiter les anciens terrains militaires.«Le tourisme militaire est quelque chose de positif», explique Asnate Ziemele, une responsable de l'Office. Elle rejette, tout comme Karklevalks, les critiques sur l'exploitation des terrains de l'Armée rouge, qui a occupé la Lettonie pendant un demi-siècle.

Une carte répertoriant 60 anciens sites militaires a été créée par l'Office qui veut la mettre en ligne pour promouvoir ce tourisme lucratif.«Nous pensons que ces sites ont un réel potentiel, mais localement les gens ne le voient pas toujours. Les rendre plus attrayants pour les touristes ne demanderait pas beaucoup d'investissements. Dans certains cas, il suffit simplement de couper l'herbe ou d'ériger un panneau d'information», explique Mme Ziemele.«téléportés dans le pass黫Les visiteurs veulent être téléportés dans le passé, à l'époque du rideau de fer. Les gens sont intrigués et même fascinés par la vie quotidienne à l'époque soviétique. Ils veulent comprendre à quel point la société était verrouillée», remarque le Britannique Austin Nicholas, dont la compagnie Travel Out There organise des visites sur des sites militaires comme un bunker de commandement nucléaire ou une prison militaire.Paradoxalement, les anciennes zones militaires soviétiques ont aujourd'hui une autre attraction à offrir: fermées pendant des décennies aux non-militaires, elles sont devenues des réserves naturelles, incluses dans l'initiative européenne d'une «Ceinture verte balte».

Certains sites, comme ceux de lancement des missiles qui constituaient jadis la gloire de l'URSS, sont dans un très mauvais état.Celui de Ventspils sur la côte baltique est aujourd'hui une suite de bunkers désaffectés, au sol défoncé par ceux qui cherchent des câbles et des tuyaux qu'ils revendent à des ferrailleurs.Mais les inscriptions en russes restent toujours sur les murs et la base vaut la peine d'être visitée, selon l'historien Iouri Melkonov.«C'est un site unique», dit-il en expliquant les méthodes de sa construction et sa localisation stratégique sur la frontière occidentale de l'ex-empire soviétique.Une autre base d'installations souterraines militaires, située à une trentaine de kilomètres de Ventspils, est dans un meilleur état, uniquement grâce aux efforts d'un enthousiaste local, Andris Keizars.En 1944, les bunkers avaient été le théâtre des combats d'un groupe de résistants lettons, combattant aussi bien les Russes que les Allemands pour restaurer leur Etat.Après avoir restauré un bunker et créé un sentier touristique, Andris Keizars y a ouvert un petit musée.«Je pense que les gens redécouvrent leur passé», explique-t-il.