Le chef étoilé Massimo Bottura, de la célèbre Osteria Francescana de Modène, a joué pour nous les ambassadeurs d'Émilie-Romagne et de ses spécialités les plus connues. En route pour une délicieuse tournée au coeur du pays qui a notamment donné naissance au prosciutto, au parmesan et au vinaigre balsamique.

Chaque fois que j'arrive en Italie, j'ai l'impression d'arriver à la source de quelque chose que j'aime.

En Toscane, c'est le pays du chianti, du Brunello, de l'huile d'olive, avec ses ifs et ses merveilles de la Renaissance, l'Italie des cartes postales. Au Piémont, tout est noisette, truffe, Barolo. On arrive à Turin comme on plonge dans un pot de Nutella.

À Milan, je me régale de risotto en me disant que je suis là où on le fait le mieux au monde. En Campanie et à Naples, plus particulièrement, c'est la fête de la pizza, des cafés les plus serrés du monde, le pays de la mozzarelle, des pâtes au blé dur, là où l'on a inventé les macaronis. Dans les Pouilles, je me suis gavée de burratta, de focaccia - tellement bonne que les ados la préfèrent au McDo...

Je rêvais donc depuis longtemps d'aller en Émilie-Romagne, car ici, on est non seulement au coeur de l'Italie, dans une région remplie de petites villes aux noms féériques - Bologne, Modène, Ferrare, Parme! -, mais dans la zone d'où viennent à peu près tous les autres aliments italiens mythiques que je n'avais pas encore nommés.

Le prosciutto, comme dans jambon de Parme.

Le vinaigre balsamique, comme dans vinaigre de Modène.

Le parmesan! Comme dans fromage de Parme...

Je pourrais aussi parler du jambon cru culatello, du saucisson cottechino, de la fameuse mortadelle, des tortellinis in brodo, de la lasagne, des ravioles à la courge et autres pasta fagioli, sans oublier les tagliatelles al ragù alla bolognese, ces pâtes à la sauce à la viande qui ont inspiré notre spaghetti à la sauce bolognaise.

Bref, l'Émilie-Romagne, c'est à la fois une Italie qu'on connaît très bien parce qu'on en mange depuis toujours, mais en même temps qu'on connaît à peine, parce qu'elle n'est pas aussi racoleuse que la Toscane, la côte amalfitaine, Rome ou la Sicile.

J'y suis débarquée récemment avec l'envie de goûter à tout. Et pour me conseiller, j'ai appelé un très grand chef, Massimo Bottura, l'ambassadeur gastronomique de cette région.

«On va où, Massimo?»

Et là on est partis, à toute vitesse, pour goûter à tout, en auto, en vélo, à pied. Il m'a préparé des tortellinis avec la crème du lait fraîchement trait d'un producteur de parmesan bio, il m'a traînée en bicyclette pas loin de Parme, sur les rives du Po, pour voir où l'on pêche les fameuses anguilles et les champs où se baladent les cochons noirs de son jambon préféré. Puis on est allés dans les caves de son ami Massimo Spigaroli, pour voir comment on affine le prosciutto et le culatello, ce jambon cru encore plus précis et fin que tous les autres.

Sa femme, Lara, m'a fait goûter à des glaces divines à Bologne, son assistant Enrico Vignoli m'a présenté sa tante pour apprendre comme préparer la sauce al ragù, l'inspiration de notre bolognaise, avant de m'accueillir à Faenza pour un repas improvisé et créatif où s'éclatait la jeunesse foodie romagne, nichée au frais dans un ancien couvent.

Nous sommes allés boire des vins naturels à Ferrare, en se rappelant les grands moments du film Le jardin des Finzi-Contini, de Vittorio De Sica. J'ai regardé le soleil briller au-dessus des tours médiévales de Spilamberto, où se trouve le musée du balsamique. J'y ai goûté à toutes sortes de vinaigres en évolution.

Et à Modène, la mamma ex-marathonienne Marta Pulini m'a emmenée au marché, où j'ai goûté à du muscat divin et à des tigelles encore chaudes, fines crêpes croustillantes garnies de lard au romarin, dont je rêve depuis.

Bref, je suis revenue rassasiée, ravie, avec dans mes valises des sacs de pâtes, des bouteilles de vinaigres, des tas de recettes à faire et refaire et l'envie d'y retourner pour réapprendre à cuisiner.

Emblèmes

L'Émilie-Romagne est le berceau de produits mondialement connus comme le prosciutto, le vinaigre balsamique et le parmesan. Des joyaux de la cuisine italienne que l'on peut connaître davantage en visitant la région.

Prosciutto

Les jambons de Parme

En italien, prosciutto signifie tout simplement jambon. Il faut donc préciser si on le veut cru (crudo) ou cuit (cotto). En français, avant que le terme italien ne devienne populaire, on parlait souvent de jambon de Parme pour parler du jambon cru salé et séché à l'italienne, puisque c'est une des régions où l'on en produit beaucoup. Le prosciutto a un petit frère, le cutatello di Zibello - l'appellation est contrôlée depuis 1996 -, qui est désossé, salé et séché dans une vessie de porc avant d'être suspendu pour qu'il sèche. Mais, paradoxalement, le meilleur vient des rives du Po, parce que la brume entre dans les caves pour l'humidifier pendant son affinage.

On trouve du bon prosciutto partout en Émilie-Romagne, et si vous arrêtez prendre un verre de vin dans un bar, n'hésitez pas à demander l'assiette de charcuteries en apéro.

Mais si vous voulez goûter au culatello, qui est plus délicat que le prosciutto traditionnel, je vous recommande un arrêt à l'Antica Corte Pallavicina, dans une commune appelée Polesine Parmense, près de Parme. Ce restaurant est étoilé et, dans ses caves, on affine le meilleur culatello d'Italie. Le restaurant est remarquable, le chef Massimo Spigaroli parle un français impeccable. Mais si vous n'avez pas l'envie (ou le budget) d'y manger un plein repas ou même rester dans une des chambres, vous pouvez arrêter au bar, prendre un verre de vin et demander de goûter au fameux jambon. Il y a aussi moyen de visiter les caves.

3, strada del Palazzo Due Torri, Polesine Parmense

anticacortepallavicinarelais.com

Vinaigre balsamique

Le muséedu balsamique

Pour le vinaigre balsamique, c'est à Modène qu'il faut aller, la ville associée à ce vinaigre très particulier, liquoreux, qui est bien plus un sirop - délicieux sur les fraises - qu'un ingrédient pour la vinaigrette. Plusieurs fabricants de vinaigre ouvrent leurs portes pour la visite. Je n'ai pas de favori, seulement un faible pour le musée du vinaigre balsamique traditionnel, le Museo del Balsamico Tradizionale, qui se trouve à Spilamberto, une commune de Modène. Il faut compter une bonne dizaine de minutes en voiture, à partir du centre, pour s'y rendre. Là, on nous explique tout du vinaigre, comment on le prépare, comment on le fait vieillir, comment différencier les vrais vieux crus des vinaigres plus jeunes. On nous parle des parfums qu'on doit y déceler, comment on les obtient et comment on doit le regarder, à travers la lumière.

28, strada Roncati, Spilamberto

museodelbalsamicotradizionale.org

Parmesan

La fermedes reggianas

La région de Parme est connue pour la production du... parmesan, le fromage le plus célèbre de l'Italie. On en produit un peu partout et on en propose aussi partout, dans les cafés, les restaurants, pour le manger cru, tel quel, en copeaux, avec un verre de vin - notamment le lambrusco, ce rouge effervescent typique de la région - ou en accompagnement avec des pâtes. En italien, le nom de ce fromage de lait de vache cru, à pâte cuite, est le parmiggiano reggiano, parce qu'il est préparé avec du lait de vaches de la race reggiana. Son appellation est contrôlée. Pour voir comment on le fabrique, le chef Massimo Bottura m'a amenée chez Hombre, un producteur biologique installé dans une immense ferme, à laquelle on accède en roulant sur un chemin «carte postale» bordé de peupliers. Ces installations sont ouvertes au grand public. Vous pouvez donc y aller vous aussi, sans rendez-vous.

Sur place, on peut voir les veaux, les vaches, qui sont traités aux petits oignons. Il y a même une machine dotée de brosses sous laquelle ils peuvent passer pour se faire gratter! Les vaches sont traites sur place et leur lait s'en va directement, sans transformation, dans de grands contenants en inox pour la production du fromage.

320, Strada Corletto Sud, Modène

hombre.it