Il était sans domicile fixe. Aujourd'hui, Vincent remonte la pente en travaillant comme guide pour des touristes à qui il fait découvrir un quartier populaire de Paris à travers un parcours original.

Malgré la pluie, ils sont six à attendre devant la mairie du XXe arrondissement, au nord de la ville. Une seule Française et cinq touristes étrangers venus des Pays-Bas, d'Australie ou de Taïwan, tous attirés dans ce quartier méconnu de la capitale grâce à un bouche-à-oreille efficace.

Leur guide, Vincent, qui préfère ne pas dire son nom mais confie avoir 39 ans, est un ancien comptable. Il est devenu sans domicile «après une dépression» avant de doucement remonter la pente. Résidant dans un foyer du sud-est de la capitale, il est tombé en février sur une annonce de l'agence publique de l'emploi proposant ce poste offert par Alternative urbaine, une entreprise spécialisée dans la réinsertion par le travail.

«J'ai passé l'entretien et j'ai été embauché. Puis en faisant mes recherches, je me suis passionné pour le XXe arrondissement. C'est un quartier qui a une âme», explique-t-il dans un anglais timide à ses visiteurs, avides de connaître son parcours.

Car l'échange fait partie intégrante de la visite. «Dans cette petite rue, c'est à vous de jouer! Retrouvez un piano, un chat et une vieille usine!», intime Vincent au groupe de touristes, avant de lui faire découvrir les secrets du minuscule passage des Soupirs. De l'histoire de la Commune - l'insurrection populaire de Paris en 1871 - aux oeuvres de l'art de la rue, rien n'échappe à son expertise pendant les deux heures du parcours.

Les visiteurs, eux, sont ravis. «Je découvre le ''vrai'' Paris, je me fais des amis et je m'amuse. C'est la combinaison parfaite», s'enthousiasme Marco, un Mexicain de 28 ans voyageant seul autour du monde.

«Reprendre confiance»

D'autant que tout est prévu. Étudiante, Alice a rejoint bénévolement Alternative urbaine pour s'occuper de la traduction. «Je n'avais aucun souvenir du XXe arrondissement et je découvre moi aussi énormément de choses, c'est passionnant», sourit-elle.

Au sommet du parc de Belleville, qui offre une vue imprenable sur la capitale et signe la fin de la balade, Tim est aux anges: «Ça valait vraiment le coup. Vincent répond à toutes les questions avec beaucoup de générosité.»

Et les visites, d'abord irrégulières, ont gagné en professionnalisme. Elles ont désormais lieu chaque week-end, du vendredi au dimanche. Car Alternative Urbaine a des impératifs financiers. «Nous avons des projets avec les entreprises pour organiser des jeux de piste dans Paris», détaille Selma Sardouk, ancienne étudiante en tourisme solidaire et fondatrice de l'entreprise.

Toujours en employant des anciennes personnes sans domicile. «L'objectif est de leur redonner confiance en soi, de leur permettre de créer du lien social et de regagner en autonomie.»

Vincent est rémunéré 10 euros (environ 14,50 $) brut de l'heure pour un contrat de 10 heures par semaine. Depuis février, il a baladé plus de 200 personnes mais surtout, intégrer Alternative Urbaine lui a permis de «reprendre confiance» en lui et de se «mettre sur le chemin de la réinsertion».

À la rentrée, il intégrera une formation de moniteur éducateur. L'entreprise prévoit, elle, d'embaucher d'autres guides et d'inaugurer d'autres parcours.