Pour la première fois depuis des années, l'été est au rendez-vous à Saint-Michel-en-Grève: l'immense plage du nord de la Bretagne est libérée comme par miracle des tonnes d'algues vertes qui l'envahissaient habituellement à la belle saison.

«C'est une commune qui n'a pas eu de chance, alors qu'elle est charmante», commente son maire, Christophe Ropartz. «Mais cette année, il y a un monde fou!», se réjouit-il, alors que châteaux de sable, jeux de ballon et planches à voile ont réinvesti la plage.

Saint-Michel-en-Grève (Côtes d'Armor), 470 habitants, partage cette longue plage de quatre kilomètres, «la Lieue de Grève», avec deux autres communes, Tréduder et Trédrez. Entre les trois, son nom a marqué les esprits, car c'est sur son territoire qu'un cheval est mort, intoxiqué par les algues, à l'été 2009.

Son cavalier a failli y perdre la vie et la machine médiatique s'est emballée ; pour la première fois, l'Etat a semblé prendre la mesure d'une pollution dénoncée depuis des années par les associations écologistes.

Ces algues vertes, naturelles, ne sont nocives que lorsqu'on les laisse pourrir, car il en émane de l'hydrogène sulfuré à l'odeur nauséabonde, un gaz mortel quand il est respiré à haute dose. D'où la nécessité pour les communes de les ramasser avant qu'elles n'entrent en putréfaction.

Habituellement, Saint-Michel «représentait la moitié du ramassage» d'algues vertes en Bretagne, selon Sylvain Ballu, chercheur au Centre d'études et de valorisation des algues (CEVA). «C'était le site d'échouage le plus régulier en Bretagne, avec une période de prolifération très longue, depuis le début du printemps. Mais cette année, on a eu seulement un petit ramassage début août.»

Au-delà des efforts engagés depuis plusieurs années par les agriculteurs qui adoptent des pratiques davantage en accord avec leur environnement, l'une des causes de cette raréfaction revient aux fortes tempêtes de l'hiver, qui ont favorisé la dispersion des stocks d'algues de l'année précédente, explique M. Ballu.

Injustices

Le site n'est pas à l'abri d'un retour de ces algues, car il réunit toutes les conditions favorables à leur prolifération: une grande baie confinée, aux fonds sableux, et une faible profondeur, qui donne une eau plus chaude et apporte aux algues la lumière nécessaire à leur multiplication.

Sur le plan touristique, malgré la beauté du site, la commune, qui a compté jusqu'à six hôtels, est sinistrée par les marées vertes, qui ont fait leur apparition dans les années 1970. Le dernier hôtel, «l'Hôtel de la Plage», a fermé ses portes il y a un an et demi, déplore le maire.

«Qu'une commune comme Saint-Michel-en-Grève puisse revivre, ça nous fait chaud au coeur», commente Jean-François Piquot, porte-parole d'Eau et rivières de Bretagne (ERB), la première association à avoir tiré la sonnette d'alarme face aux marées vertes. «Une hirondelle ne fait pas le printemps. Ce qui s'est fait sur ce bassin versant devrait servir d'exemple pour les autres bassins concernés.»

La prolifération des algues vertes est favorisée par l'engrais azoté que les agriculteurs déposent sur leurs champs.

Huit bassins versants bretons sont concernés par des programmes d'action anti-algues vertes mais tous ne connaissent pas la même dynamique que celui qui débouche sur la Lieue de Grève. Cette mobilisation y est facilitée par sa taille plus modeste: seulement 170 exploitations agricoles contre plus de 1500 en baie de Saint-Brieuc.

«C'est une note d'espoir, mais il faut que les efforts continuent et redoublent», considère le porte-parole d'ERB, tandis que Sylvain Ballu souligne que «les gens sont tellement contents, tellement étonnés, qu'ils veulent témoigner de ce plaisir retrouvé».

«On tape toujours sur Saint-Michel», regrette toujours Christophe Ropartz. «Les médias montrent toujours des photos d'archives qui nous font énormément de mal. Ce qu'on cherche, c'est simple: qu'on parle enfin des choses positives qui se passent ici. Le week-end dernier, on était 50 kite-surfeurs à évoluer sur la mer. C'était formidable!»